73. La fuite
Quelque part entre rêverie et bribes de souvenirs, la nuit suivante fut, pour Sebastian, chargée en images étranges.
Il avait de très loin conscience du matelas presque mou sous son dos douloureux, des draps fins sur ses jambes raidies, de la tiédeur de la nuit, mais il se voyait courir dans une forêt seulement éclairée par une Lune juvénile. Les insectes tapis sous le couvert d'arbres s'étaient tus. Peut-être étaient-ils dérangés par sa progression dans les hautes herbes ; peut-être sentaient-ils la présence d'un prédateur plus loin sur sa piste. Le goût du désespoir dans la bouche, il se demanda dans un éclair de lucidité s'il tentait d'échapper à un poursuivant ombreux ou s'il cherchait à atteindre l'une des portes qui émaillaient son parcours dans les couches de l'Oignon.
La douleur qui sourdait depuis ses épaules jusqu'au creux de ses reins le tira à cet instant de son cauchemar. Ses tempes battaient sous les pulsations mauvaises d'une migraine.
Au-dessus de lui, une brume légère dansait doucement dans la brise, l'aube se réduisait pour l'instant à un mince fil d'un gris incertain. Pour s'assurer qu'il n'errait plus dans quelque repli fantasmagorique, Sebastian attendit. Au loin, quelque chose tintait, comme des notes presque inaudibles, mais aussi cristallines qu'une clochette d'argent.
Il se souvint du Doktor Morgenstern qui avait évoqué la ville où ils se trouvaient de son épais accent allemand. Dupree murmura à l'aurore :
" Se peut-il que Neu York dorme de temps en temps ? "
Ou tout ceci n'était-il qu'un vaste mensonge ?
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