74. Notes de fièvre

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Ces notes qui flottaient depuis quelque lointain inaccessible réveillèrent en Sebastian son imputrescible instinct musical. Mais également des bribes effilochées de sa mémoire, une opportunité de comprendre comment il avait atterri dans ce Neu York où l'avait accueilli un élégant doktor à l'accent allemand.

Là-bas, on jouait Debussy et les volutes de piano quoique étrangères à son jazz habituel le ramenèrent au White Pearl où il avait partagé avec Dizzie et Charlie un boeuf enfiévré sur scène devant un auditoire extatique.

Il se revoyait à la fois gagné par la liesse et céder à ses vieux démons. Un premier verre de bourbon en avait appelé un second, puis un suivant et il avait senti son corps se détacher progressivement de son esprit. Cette vieille folie destructrice s'était emparée de lui jusqu'à lui faire oublier toute retenue, jusqu'à l'abrutissement total.

Aux heures les plus sombres de la nuit, il s'était ensuite mis en quête d'un banc dans un parc pour terminer sa nuit avant de reprendre sa route. Il se tenait assis au bord de son naufrage quand une patrouille de la Milizia, ces Cerbères aux yeux couleur de lave en fusion, s'était arrêtée à sa hauteur, le dominant de leur noire présence. Le contrôle d'identité, le refus d'obtempérer. Le compagnon de Sebastian, le fidèle Jocko, qui se mettait à miauler depuis le bosquet d'arbres de cette façon si particulière quand il trouvait un passage vers une autre strate.

Sebastian s'était frayé un chemin bruyant au travers des branches basses jusqu'à un petit hangar, à peine plus grand qu'un abri de jardin. Quand Jocko s'était glissé par un soupirail béant, Sebastian n'avait pas hésité à le suivre. Ils étaient restés un moment dans l'ombre de la cave où ils s'étaient réfugiés, les oreilles pleines du fracas de leurs poursuivants en armes à travers le sous-bois. Déjà, Jocko cherchait le portail qui leur permettrait de prendre définitivement la tangente car leur abri ne résisterait pas longtemps aux assauts des soldats.

Quand le chat avait miaulé, Sebastian s'était élancé. Puis était survenue la chute. Interminable mais qui s'était achevée par miracle dans le foin d'une grange.

À son réveil au troisième matin, Sebastian ressentait toujours la douleur sourde dans son dos, mais elle n'était rien face à la brûlure de honte qui le submergeait. Ses vieux fantômes restaient toujours aussi séduisants malgré les cuisantes leçons qu'ils lui servaient depuis des années.

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