79. La cité tombée

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Ce que Sebastian découvrit depuis le toit de l'hôpital en compagnie du Doktor Morgenstern se grava dans son esprit, comme une brûlure à l'acide.

Dans les lueurs orangées du couchant, il reconnaissait la plupart des immeubles de la cité, mais ce que la skyline révélait d'inédit dépassait aussi bien les ombres nocturnes que l'entendement.

Un avion attira l'attention du saxophoniste, telle une flèche d'acier qui pourfendait le crépuscule. Sur son fuselage, à la place de l'emblème de la compagnie, un drapeau à fond rouge sur un disque blanc. Mais, en lieu et place de la svastika inclinée, un marteau ou une hache à deux têtes. L'appareil se déplaçait toutefois si vite dans la lumière déclinante du jour que Sebastian hésita. Ce qu'il vit sur le plus haut building des environs acheva de le convaincre.

À contre-jour, le siège des Nations Unies se dressait en une impérieuse tour d'acier et de verre, mais une longue bannière du même écarlate s'étalait le long de la façade, comme l'humiliation ultime. Horreur et stupéfaction envahirent le cœur de Sebastian :

 " Bordel de merde ! Où suis-je tombé ?

 - J'en suis désolé, Herr Dupree. L'Amérique est tombée au lendemain de l'échec du débarquement sur les plages de France. Vous l'ignoriez à l'époque, mais l'Allemagne avait trop d'avance en physique nucléaire. Nous avons paralysé votre pays en décapitant sa tête.

 - Quoi ?

 - Une bombe de plusieurs kilotonnes lâchée sur Washington D.C. et c'était toute votre chaîne de commandement qui s'écroulait. Il ne restait plus aux miens qu'à... "

Les mots du docteur étaient comme les uppercuts d'un boxeur et, sonné, Sebastian attrapa Morgenstern par le col de sa chemise :

 " Espèce d'ordure ! Vous mériteriez que je vous balance par-dessus la rambarde et que je vous laisse vous écraser dans la cour.

 - Et ce serait certainement la dernière chose que vous feriez de votre vivant, Herr Dupree. Que je sois allemand ne signifie pas que je partage toute l'idéologie du régime. La guerre m'a beaucoup coûté et parfois j'aimerais que rien de tout ceci ne soit jamais arrivé.

 - C'est pourtant le cas.

 - Ja, leider. Sebastian, je vous en prie, fais-moi confiance.

 - Pourquoi je ferais ça ?

 - Parce que je suis peut-être votre unique moyen de quitter cet enfer.

 - Vous me menacez ?

 - Nein. Mais Miss Pratchett ne vous apprécie pas. Elle n'hésitera pas une seconde à prévenir la Milizia. C'est peut-être déjà fait.

 - Quelle porte de sortie me proposez-vous ? Vous connaissez un passage ?

 - Moi, non. Il y a quelqu'un dans mon entourage qui peut vous aider.

 - Comment s'appelle-t-il ?

 - Je ne sais pas si...

 - Donnez-moi son nom ou vous vous écraserez vingt mètres plus bas dans moins de trente secondes.

 - Drinkwater. Gene Drinkwater. "

Sebastian réfléchit. Il avait tout à perdre en accordant sa confiance au médecin. Mais avait-il seulement le choix ? Si Jocko avait été là, le jazzman aurait su à qui se fier. Et il ne pouvait quitter cette strate sans son vieux compagnon.

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