Faute de mieux, nous campâmes ce soir-là dans une hutte oubliée de chasseurs, à la frontière d'un marais lugubre.

D'inquiétantes visions peuplèrent mes maigres heures de sommeil, comme si l'air putride du bourbier s'insinuait jusque dans mes rêves.

Je le vois franchir les brumes, mais j'ai l'impression qu'il attend depuis longtemps juste derrière cet épais rideau gris. Sa silhouette est celle d'un enfant. Toutefois sa capeline verte m'empêche d'en discerner distinctement les contours, tout comme ses traits dissimulés sous sa capuche.

Son pas est sûr, il connaît ces marécages comme sa poche. Sa foulée est celle des messagers qui arpentent le monde. Ses lèvres ne bougent pas quand il me dit :

 " J'ai de bien tristes nouvelles, Capitaine MacKenzie. Nombreux sont les morts dans votre sillage. "

Et de me tendre une lettre cachetée de cire rouge avant de disparaître dans l'opacité qui est sienne.

Je me réveillai en sursaut, dans l'aube naissante. Ou la matinée était-elle déjà bien avancée ? Difficile à dire dans ce ciel diaphane où le Soleil ne brillait pas. Tully émergea à son tour de ces limbes éthérées. À son regard noir, je devinais que lui aussi avait reçu d'intrigantes visites nocturnes. Il attendit qu'Hogarth ouvre les yeux pour râler :

 " Cet endroit suinte de magie occulte. Nous ferions mieux de déguerpir ou de nous pencher sur cette énigme.

 - Qu'est-ce que tu as vu ? lui demandai-je.

 - Un enfant est venu et m'a donné une lettre. Elle me racontait comment j'allais devenir père et mourir.

 - J'ai aussi rêvé d'un jeune messager. Sa missive me rappelait comment étaient mortes ma mère et Akemi.

 - Et toi, Hogarth, tu as vu quelque chose dans ton sommeil ? lança Tully.

 - Rien qui vaille la peine d'être raconté. J'ajouterais que nous devrions résoudre cette affaire, Mack.

 - Pas sans renseignement ni préparation. " tranchai-je.

Je pensais : Encore un crochet dans l'antre du surnaturel. Notre route n'était-elle rien que détours et circonvolutions ?