106. Le Prince Rouge

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La voix du vieux Šulc me rappelait les giboulées de la fin de l'hiver, à la fois éraillée et catarrheuse :

 " Nul ne sait trop d'où ils viennent.

 - De qui parlez-vous ? l'interrompis-je.

 - D'une horde venue d'Orient. Elle est arrivée par la vallée de la Nitra. Cette nuit-là, nos guetteurs nous ont signalé un léger voile sur les étoiles. Même La Lune en se levant semblait étrangement blafarde. C'est plus tard, bien trop tard, que nous avons compris que c'était à cause de la poussière qu'ils soulevaient dans leur marche. Quand le jour se leva, ils se tenaient sur la crête avec le soleil dans leur dos. À contre-jour, nous ne distinguions que leurs visages blancs comme s'ils portaient des masques.

 - Des heaumes, vous voulez dire ? demanda Hogarth.

 - Non, des masques. Pareils à une seconde peau qui effaçait leurs traits. Leurs longues piques striaient le ciel en de terribles menaces tout en se protégeant derrière des rondaches d'un jaune de laiton. Et c'est là qu'est apparu le Prince Rouge.

 - Le Prince Rouge ?

 - Un être empli de malfaisance, nous le sentions. Tout de rouge et de morgue vêtu. Même son visage paraissait baigné dans le sang. Il s'est planté en devant de ses troupes, a poussé un long cri et l'attaque a commencé. Sans préambules ni avertissement, la violence s'est déversée sur notre village.

 - Ça ne ressemble pas à une attaque de démons. intervint Tully. Plutôt à des pillards. Qu'ont-ils pris ? Vos richesses ? Et pourquoi n'y a-t-il plus que des vieillards ici ?

 - Je sais ce que vous pensez, Capitaines. Et vous mettez le doigt sur un point que nous ne sommes jamais parvenus à élucider.

 - Lequel ? demandai-je.

 - Quand je me suis réveillé après que l'on m'ait assommé, tous les hommes en âge de combattre avaient disparu. Toutes les femmes aussi. Tous ceux en âge d'être père, rectifiai-je intérieurement.

 - Ont-ils pris autre chose ?

 - Vous en avez après notre or ? Vous seriez déçus car nous ne possédons rien d'extraordinaire.

 - Pardonnez nos questions. Nous ne sommes là que pour vous apporter de l'aide. Et éradiquer la menace si nous le pouvons sans rien demander en retour. Tel est la loi de Gardenia.

 - Puissiez-vous dire vrai, Capitaine. Que je remercie Ludywine de vous avoir mis sur notre route.

 - Et depuis, sont-ils revenus ? fit Hogarth en se penchant vers le vieil homme.

 - Depuis, jeune homme ? Ils mènent une razzia à chaque fois qu'un enfant atteint l'âge pour se battre.

 - Parmi les captifs, certains sont-ils revenus ?

 - Jamais, mon bon Seigneur. Pas une seule fois en vingt ans. "

Deux décennies. J'accusai le coup en reculant jusqu'à ce que mon dos touchât le bord de mon fauteuil. Le monde vacillait-il au point de laisser durant vingt années des hommes en proie à une si terrible affliction ? Je réfléchis un moment avant de lancer :

 " Savez-vous où se terrent ces engeances démoniaques ?

 - Pour ça, il vous faudra franchir les mille portails. "

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