118. L'hiver enfui
Au fond de la placide vallée, une multitude d'éclats diamantins luisaient sur les robes dorées et safranées des mélèzes, comme l'ultime réminiscence de la tempête des derniers jours. Ce spectacle aurait presque pu m'enchanter si la terre boueuse, si les bardeaux détrempés au point d'en paraître quasiment noirs des maisons ne laissaient échapper une prégnante impression d'abandon. Tully fronça les sourcils :
" Par Yuggos ! Vous êtes sûrs qu'il s'agit bien du patelin duquel nous sommes partis ?
- Je reconnais l'église à moitié effondrée sur la colline, mais je suis d'accord avec toi. On dirait vraiment un autre village.
- Peut-être attendent-ils notre retour à l'auberge. Et qu'ils n'ont pas osé sortir. dit Hogarth.
- Regarde bien. répondis-je.
- Que veux-tu me montrer ?
- Aucune cheminée ne crache la moindre fumée.
- Peut-être fait-il assez doux pour que personne n'ait allumé de feu.
- Trop de peut-être à mon goût. " conclut l'Ours.
J'étais tiraillé entre la foi aveugle d'Hogarth et la funeste vision de Tully et je ne savais quoi penser. Il y avait quelque chose ici d'irrémédiablement éteint. L'espace d'un bref instant, je pensai à la horde guerrière que nous avions éliminée quelques jours auparavant - ou peut-être à une autre qui nous avait échappé - mais la mort qui vivotait là était plus vieille.
Je commençais à entrevoir ce qui avait pu se passer dans le village, mais je voulais en avoir le cœur net. Tant à l'hiver enfui qu'à mes frères, je lançai :
" Allons éclaircir ça. "
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