124. Couleur de thé
Quand j'entrai dans la chambre d'Emily ce matin-là, je la trouvais assise dans son lit, les yeux encore pleins de sommeil, à observer d'un œil attentif par la fenêtre.
D'un doigt sur la bouche mais d'un chut ! peu discret, elle m'intima le silence. Un froissement agacé s'échappait des replis de ses rideaux. Attiré par la lumière dorée de l'aube, un papillon de nuit battait ses ailes couleur de thé à la recherche d'une issue. Je restais un instant à contempler les fines dentelles noires sur le tissu membraneux puis je me tournai vers ma fille :
" On le libère ?
- Oh oui, Papa. "
Devant son bol de céréales, elle me demanda :
" Combien de temps ils vivent ?
- Quelques jours tout au plus.
- Oh !
- Ne sois pas triste, ils ont une vie bien remplie. Brève mais intense. "
Je l'accompagnai ensuite à l'école. Ces papillons-là ne connaissaient que l'éphémérité, ceux qui s'étaient logés en nos cœurs vivaient aussi longtemps que l'écrin aimant perdurait.
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