180. Sixto
Sixto, le meilleur ami que m'offrit la guerre, mourut sur une piste pareille à toutes les autres en posant le pied sur une mine.
Si mes souvenirs de cette heure maudite, à attendre un Huey pour évacuer mon frère d'armes vers l'hôpital le plus proche sous un soleil de plomb, se perdaient altérées dans les limbes de ma mémoire, je me rappelle en revanche très bien des préparatifs à la longue marche qui nous attendait dans la province de Khe Danh.
La poitrine bardée d'une cartouchière pour la M-60 de notre mitrailleur de flanc, il s'était tourné vers moi. Contrairement à son habitude, il ne me sourit pas. Avait-il peur ou était-il désabusé par cet interminable conflit ? Aujourd'hui encore, je ne possédais pas la réponse et je ne l'aurais jamais.
Mais ce qui m'avait frappé avec une clarté effrayante, c'était la vieillesse sur ce visage marqué par le regard à mille yards.
Sixto avait fêté ses vingt-trois ans un mois plus tôt. Quand la nuit tomberait, il les aurait pour toujours.

Annotations
Versions