198. Le trou du cerf

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À son retour de l'hôpital, Tommie ne reprit pas d'emblée le chemin de l'école.

Je constatais à quel point son regard avait changé. Mûri, rectifiai-je intérieurement. Quand je rentrais de cours, je la retrouvais assise à la fenêtre de sa chambre ou, si la météo le permettait, sur une chaise de camping dans notre arrière-cour. Elle observait, comme si sa vie en dépendait, les ombres qui dansaient furtives et épaisses juste au-delà de la lisière de la forêt qui bordait notre terrain.

Ces mêmes bois où ma sœur cadette s'était perdue dix jours durant et lorsque je lui demandais ce qu'elle attendait, elle me parlait invariablement du cerf qui l'avait entraînée loin dans les Black Hills. Mais, en mon for intérieur, je savais qu'elle espérait aussi, peut-être même davantage, se confronter à l'autre créature, celle qui l'avait prise en chasse dans le roncier et que Tommie m'avait décrite comme une fumée rampante.

Cette nuit, un orage grondait sur les collines et je ne trouvais pas le sommeil. Par-delà les soupirs agacés du vent et la plainte des arbres, j'entendais un second bruit mat. Je me redressai dans mon lit en comprenant de quoi il s'agissait. Quelque part dans la maison, un volet cognait contre un mur.

Maman dormait avec ses boules Quiès et Papa ronflait dans son fauteuil, des canettes de bière vides sur la table basse. Les chocs provenaient de la chambre de ma sœur et sa fenêtre était ouverte sur un maëlstrom tout de noirceur. Cette idiote était retournée dans la forêt.

Malgré une trouille comme je n'en avais jamais vécu, me fustigeant de ma propre stupidité, je remontais sa trace. Jusqu'au terrier oublié d'un sanglier, dans les profondeurs des racines d'un vieil épicéa. J'aurais pu mille fois passer devant sans le remarquer, mais je repérai de loin le halo jaune de la lampe torche de Tommie. Je me faufilai dans le trou avec elle. Son visage luisait non de peur, mais de détermination et de résolution.

Puis, sous le couvert des murmures rauques de la tempête, le souffle de celui qu'attendait ma petite sœur se fit entendre. J'arrêtai de respirer. Elle éteignit.

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