199. Le neigier
Dans le dérèglement climatique, la magie de l'hiver s'était perdu.
Les hommes marchaient sous la pluie froide, remontaient leurs larges avenues où louvoyaient lentement les volutes de brouillard, mais il avait oublié les sensations de la neige. Le froid humide qui s'insinuait dans les chaussures de ville et les cols de manteau trop lâches, l'émerveillement enfantin réveillé par la chute des flocons qui tombaient de l'autre côté de la vitre, le ciel si bas qu'il s'habillait de l'éclat des lampadaires.
Même en grandissant, Paul n'avait jamais pu résister à l'envie d'aller se balader sous les silencieuses plumes blanches. Assis dans la lumière grise de l'aube, il se demandait à quand remontait la dernière danse duveteuse. Puis, comme une bulle qui aurait franchi les temps, des bribes d'un conte raconté par son père lui revinrent en mémoire.
Dans les lointaines montagnes du septentrion, fleurissait un arbre quand les autres se paraient de couleurs à la fois étincelantes et crépusculaires. Le neigier dispensait ses délicates fleurs cotonneuses dans les frimas hiémaux.
Un peu de féérie pouvait-elle réanimer ces âmes brumeuses ?

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