242. Le poids des tempêtes

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Quand je rentrais à la maison ce soir-là, je ne trouvais pas Beatrice. Mamie Estelle me rapporta :

 " Elle m'a demandé si je voulais bien m'occuper d'Emily une heure ou deux. Elle a ajouté qu'elle avait besoin de prendre l'air. De digérer une mauvaise nouvelle.

 - Étrange...

 - Richie, je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais tu devrais la rejoindre. Avec ton grand-père, nous veillerons sur votre puce.

 - Merci, Mamie. "

Je l'embrassai sur la joue puis je m'empressai de rattraper ma compagne sur le chemin du phare de Myrtle Beach. Dans la lumière du crépuscule, de délicats friselis dansaient sous le ponton où se tenait Beatrice. Sur l'horizon, un orage enflait en une masse mouvante semblable d'aussi loin à une tour cotonneuse nacrée de rose et de perle. Son ventre gris se mélangeait au bleu profond de l'océan et je ne distinguais pour l'heure aucun éclair.

Mais les humeurs du ciel m'inquiétaient moins que les ombres qui agitaient le regard de la femme que j'aimais. Elle frissonna quand je posais une main délicate sur son épaule.

 " Bea, est-ce que ça va ?

 - Oh, Richie ! Est-ce qu'on sait jamais à quelle distance se trouvent les tempêtes ?

 - C'est difficile à estimer. Elles vont et viennent sur la Grande Bleue. Et nous ramènent toujours à d'humbles considérations. Si tu me disais ce qui te pèse sur la conscience ?

 - C'est ce côté direct que j'ai toujours apprécié chez toi, Richie.

 - Seulement ça ?

 - Bien sûr que non ! Ta capacité d'écoute aussi.

 - Mamie Estelle m'a parlé d'une mauvaise nouvelle que tu aurais reçue. Tu veux me la partager ?

 - L'un... des vétérans avec qui je m'entretenais pour mon projet de livre est mort aujourd'hui.

 - Merde ! Je suis désolé.

 - Il s'est suicidé, Richie. " ajouta-t-elle, ses yeux soudain remplis de la lumière des larmes. Je la serrais contre moi. Aussi fort que je pus.

 " Est-ce que j'ai ouvert une boîte de Pandore, Richie ?

 - Il n'y a pas de réponse, mon amour. Certaines blessures sont trop profondes et il nous est difficile de les partager. Parce que nous ne sommes jamais sûrs que notre interlocuteur pourra comprendre, ou même concevoir, ce que nous avons traversé à la guerre. Mais, en même temps, ce que nous avons vu, vécu ou commis là-bas est si écrasant que le garder en soi nous broie littéralement.

 - Qu'est-ce que je dois faire, Richie ?

 - Continuer d'écrire pour montrer à ces soldats qu'ils ne sont pas seuls. Que nous croyons en eux, qu'ils existent. "

En cet instant, je priais pour voir sa tristesse se noyer dans la pluie.

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