251. Devil's tower
La cloche de l'école n'avait pas fini de tinter pour la dernière fois de l'année que Grand-Ma nous convoqua, ma sœur et moi, dans son arrière-cour.
Les cookies encore chauds et la citronnade bien fraîche auraient dû me mettre la puce à l'oreille, mais nous étions trop contents de l'arrivée des grandes vacances pour déceler le piège. La bouche pleine, nous ne pouvions rien objecter et Grand-Ma saisit l'opportunité :
" Votre oncle Charlie revient pour l'été. Ça fait des années que je ne l'ai pas vu. Et son fils l'accompagne. Je compte sur vous pour l'accueillir comme il se doit.
- Qui ça ? articulai-je entre deux bouchées.
- Notre cousin, tête de nœud. me tança Diane.
- Il s'appelle Arturo. Je peux vous faire confiance ? "
Comme si nous avions le choix.
Quand ils arrivèrent deux jours plus tard, je trouvais qu'il ressemblait plus à un Hispanique avec son bronzage californien qu'à un Lakota comme nous. Juge-t-on un livre à sa couverture ? Peut-être étais-je influencé par son prénom ?
Il n'avait pas encore défait complètement sa valise que Diane l'abreuvait des contes qui avaient jalonné notre enfance. Notamment son histoire préférée où sept jeunes filles sioux échappèrent à un ours en escaladant la montagne et en priant le Grand Esprit pour qu'il les sauve. Les flancs de the Devil's tower portaient encore les stigmates de la colère du prédateur.
Nos cérémonies rituelles approchaient et ma sœur comptait bien profiter de l'occasion pour emmener notre cousin au plus près des falaises.
" Ça ne craint rien ? murmura-t-il dans la tiédeur nocturne.
- Seulement si t'es une mauviette. " répondit Diane du tac-au-tac.
Si nous survivions à l'Esprit-Ours, Grand-Ma nous tuerait assurément. J'avais la trouille, mais le secret de la montagne m'attirait.

Annotations
Versions