L'hiver toquait à la porte de la péninsule en pluies plus intenses, en langues de brumes humides qui attaquaient les collines.

Pourtant Arliss continuait d'arpenter la forêt à la recherche des plantes médicinales pour l'apothicairerie de Phil en ville. Ce jour-là, il suivait la Hoh River lorsqu'il tomba sur un village amérindien oublié. Le vent froid portait jusqu'à ses oreilles le bruit du ressac et le parfum du sel asséchait ses lèvres nues.

Les années et les aléas des intempéries avaient laissée leurs pâtines sur le bois du totem, mais Yéil veillait toujours sur ces contrées que l'homme n'avait jamais réussi à dompter. Un couple de corbeaux construisait leur nid sur le crâne de l'esprit ancien.

Peut-être étaient-ils Hugin et Munin, les messagers d'Odin ? Peut-être l'ancien monde continuait de palabrer avec le nouveau monde ? Et quelle était la place des colons qui s'étaient emparés du pays, à spolier les terres de ceux qui vivaient là bien avant leur arrivée et à les parquer dans des réserves ?

Arliss éprouvait une honte terrible. Il savait qu'on ne pouvait le blâmer pour les fautes de ses aïeux, mais les Dieux offriraient-ils leur pardon un jour ?