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« Cher journal,

Mon voyage jusqu'ici a été assez mouvementé.

Mon estomac maternel subit de drôles de frasques depuis mon départ de la gare.

Est-il normal de laisser des gens se balader avec des animaux empaillés ?

Nous sommes d'accord!

J'ai d'ailleurs rendu le contenu de mon déjeuner dans les toilettes de la gare.

Tu vois le genre ?

J'ai fais la rencontre de deux énergumènes mais entre nous, ils ne valent rien . La Kate Moss est d'une arrogance et son fiancé Théo James, une vraie mauviette.

Ils m'ont enquiquiné dans le train et ça continue depuis que je suis installée ici.

Un vrai toutou son playboy. Il accourt dès qu'elle minaude, ils sont agaçants!

Le groupe de poules pondeuses que j'ai aperçu va me suivre tout le séjour mais ce n'est rien, il n'est pas stipulé que je devais m'intégrer.

J'ai fais la connaissance de deux « égéries de mode », je me sens grosse et moche, la vie est injuste et tout le monde n'a pas le privilège d'avoir d'aussi grandes jambes sans varices !

Je te laisse, j'ai faim, il est huit heures trente. Le restau ouvre à sept heures trente et je n'ai pas envie d'être entourée d'hypocrites et de gens parfaits».

Je ferme mon journal d'un coup sec.

J'ai enfilé un legging de sport. Bon oui je sais, il ne me sert pas à faire du sport. J'ai opté pour un débardeur assez long et une veste à capuche. Mais je meurs de chaud. Mes cheveux sont attachés en un chignon négligé, cependant j'ai pris le temps de me maquiller convenablement. Ce n'est pas parce que je suis affublée d'une colocataire qui ne me ménage pas que je suis obligée de me négliger.

Un peu de respect pour moi même.

Lorsque je descends à la réception c'est l'effervescence. On y installe un énorme sapin de noël et des guirlandes un peu partout. La réceptionniste donne des ordres et semble irritée par l'attitude nonchalante des employés. Elle réprimande une jeune femme car celle ci a enveloppé sa tête d'une guirlande lumineuse.

Je trouve la scène plutôt hilarante. Mais visiblement, tout le monde n'est pas du même avis que moi.

Je contourne un tas de caisses en carton. Un employé manque de me cogner la tête avec son escabeau et je m'éloigne rapidement de cette pagaille.

J'adore noël, c'est ma fête préférée. Oscar et moi avions l'habitude de passer noël dans un chalet en pleine montagne, à s'empiffrer de raclette et de tartiflette et à skier jusqu'au soir. Mais je ne sais par quel heureux hasard, cette année, il avait décidé de réserver dans ce domaine. Il a dû sentir la chose arrivée. Un sixième sens? Non je ne crois pas. Il était toujours indécis et ses « comme tu le veux » ou « comme tu le sens » avaient le don de m'agacer au plus haut point.

Je ne me demande même pas ce qu'il fabrique en ce moment. Même si j'avoue avoir fouiner plusieurs fois sur son Instagram afin de voir la vie qu'il menait. Pas grand chose. Ma vie a l'air beaucoup plus extasiante.

J'arrive au restaurant et par chance la place que j'avais hier est libre. Comme les trois quarts de la pièce en fin de compte. Tant mieux, je ne vais pas avoir besoin de jacasser sur la météo ou sur la région avec les autres pensionnaires. À moi la solitude et la paix intérieure. Ciao les conversations sans queue ni tête, aussi barbantes qu'elles peuvent être.

Je m'installe à ma place officielle ( je l'ai décidé comme ça et on ne contrarie jamais une femme enceinte).

Je crève de chaud, j'éponge mon front avec la serviette de table. Niveau séduction, on y reviendra. Ces hormones infernales me donnent des bouffées de chaleur atroces. Je pourrais, si je le voulais, sortir en maillot de bain dehors sous la neige.

En parlant de maillot de bain, je me suis rappelée in extremis, le cours de piscine/détente de ce matin à dix heures précises.

Je l'ai enfilé à la dernière minute sous mes vêtements. Le noeud de mon maillot de bain une pièce, car oui un deux pièces aurait été extrêmement déplacé, me cisaille le creux de la nuque.

Ma poitrine est comprimée dedans. Mais bon je n'ai rien trouvé d'autre en si peu de temps.

J'attrape mon verre posé devant moi et le colle sur mes joues, la fraîcheur de l'objet me refroidit un peu.

Le radiateur au niveau de mes pieds n'arrange rien non plus.

Tant pis, j'ôte ma veste à capuche et je prends mon assiette. J'ai chaud, il me faut des choses froides à manger. Je suis tentée de mettre les glaçons du bac à yaourts dans mon assiette mais un homme âgé me regarde incrédule. Ses yeux se posent sur mon imposant ventre et sur la pince que je tiens dans les mains. Je l'actionne vers lui et, outré, il passe son chemin.

Les vieux et leur jugement je vous jure!

Je cherche autre chose que du lait de vache mais je suis étonnée qu'ils ne proposent pas de lait végétal. Un si grand domaine prestigieux devrait contenter tout le monde, au prix que l'on paye.

Enfin pour moi, c'est gratuit, je l'entends comme ça.

Je me rabats sur des tartines de pain aux céréales et d'un fromage frais, une tranche de jambon et des œufs brouillés ainsi qu'un bon et grand verre d'eau plate.

Je pose tout sur ma table et les mains sur les hanches, j'étire mon dos.

Bébé a décidé de me donner de vilaines courbatures et la literie de qualité n'a pas réussie à me soulager.

Je tourne la tête et je sens mon cœur se dérober en cognant fortement dans ma poitrine.

Merde qu'est ce qu'il fait là ?

J'aperçois Oscar à l'entrée du restaurant, avec à son bras une planche à pain brune.

Il a grossi, il a prit du ventre , lui qui se vantait de ne jamais prendre un gramme et qui me sermonnait quand je me resservais deux fois dans les restaurants à buffet à volonté.

Il est stipulé « à volonté », j'essayais juste d'assouvir ma volonté ! Quel rabat joie!

La femme qui le suit est aussi svelte qu'une feuille de papier A4. Ses longs cheveux raides pendent devant son visage. Elle ne sourit pas et n'a pas l'air ravie d'être ici.

Comment a-t-il pu avoir ses réservations ? J'espère que ça ne va pas jouer en ma défaveur. Qu'ils ne vont pas m'expulser telle une malfrat.

Merde voilà qu'ils avancent ! Je me baisse et ni une ni deux, je glisse de tout mon long sous la table. Je vois passer ses chaussures, toujours les mêmes, sa vieille paire marron de chez Paolo scafora.

Non seulement, il était rabat joie mais en plus il était près de ses sous.

Pour ainsi dire, j'avais toujours le droit au même cadeau à chaque anniversaire. Une écharpe en cachemire de chez ikks soldée lors des remises de juin. Je précise que mon anniversaire est en décembre. Il avait, pour coup sûr, une sacré remise de parfois moins quatante pourcent.

Quelqu'un vient s'installer près de ma table. La personne laisse tombé un chargeur d'ordinateur portable. Je n'ai pas à réfléchir longtemps, me doutant de l'identité de mon voisin. Par contre, je suis toujours assise sous la table. Il va me falloir un sacré prétexte pour justifier ma position, lorsque je vais tenter de m'extirper de ma cachette.

Par chance en me tournant, sous mon siège je peux apercevoir une unique prise électrique. Je passe ma main sous la nappe et attrape mon sac, j'accroche par la même occasion mon verre d'eau qui se répand le long de la table, l'eau venant glisser sur l'arrière de mon cou. Je tressaille tant le liquide est glacé et en me relevant brusquement, je viens cogner le haut de ma tête sous le dessous de la table. Le cognement fait tinter les couverts. Niveau discrétion ? Je vous laisse finir la phrase.

(On y reviendra).

Je branche mon téléphone, qui à vrai dire n'avait plus que dix pour-cent de batterie, et je m'extirpe de ma grotte comme un hippopotame sortant de l'eau. Appuyée sur mes coudes pour me relever , je laisse mes yeux baissés afin de ne pas avoir à me justifier de ma curieuse position.

- Salomé ? Me demande la voix claironnante de Rosie. Que faisais-tu sous ... la table ?

Je lève mes yeux et lui indique mon téléphone. Merci la prise électrique, elle me fait un sacré alibi.

-Oh et ça va ? Me demande-t-elle avec un sourire crispé.

Tiana qui la suit porte des lunettes noires sur son nez et son teint est plus livide qu'hier.

-Oui ! Très bien.

Je souffle et attrape mon assiette.

- on va se chercher à déjeuner, on arrive.

Elle me fait un clin d'œil et s'éloigne accompagnée de Tiana marchant derrière elle tel un zombie.

J'étale mon fromage sur ma tartine et je savoure mon déjeuner. Le pain est vraiment exquis. Dommage que je ne puisse pas avoir une boisson chaude, même si je me liquéfie de chaleur en ce moment même, ça m'aide a bien commencer la journée.

Une dame assez corpulente, chignon sévère et assez masculine passe devant moi. Elle porte un uniforme brodé à l'ecusson du domaine et de grosses bottines de sécurité.

Je me lève et l'interpelle discrètement.

- Bonjour madame, excusez-moi, auriez-vous par hasard autre chose que du lait de vache s'il vous plaît? Avez-vous des boissons végétales ?

La dame en question, du nom de Nikita, me toise de toute sa hauteur, le regard froid. Je me ratatine sur place, elle ressemble étrangement à Mademoiselle Legourdin (pour ceux qui ont la référence).

- Comment ?

Elle ne prononce que ce mot accompagné d'un gros postillon. Pas de joli sourire ou « un bienvenue au domaine des Balsamines ».

- Du lait végétal ? En avez-vous ?

- Nous pas avoir de lait végétal ici madame, lait de vache uniquement, bon pour la santé et pour la santé de bébé !

Elle sourit et expose ses larges dents féroces.

- Vous boire du lait de vache !

- Non non, moi pas boire du lait de vache. Moi pas aimer ça !

Me voilà en train de parler comme elle. Je reviens à ma place la mine déconfite.

- Je suis étonnée que tu consommes ce genre de boisson Salomé ! Je suis ravie, ça commence à venir dans les mœurs.

Rosie me gratifie d'un regard chaleureux, le bonheur sur son visage.

- Je n'ai pas le choix , je suis devenue intolérante.

La dénommée Nikita arrive d'un pas lourd et pose brutalement un pichet de lait sur notre table.

- Vous goutez avant de dire vous pas aimer.

Le regard froncé, elle s'éloigne aussi vite qu'elle est arrivée.

Nous la regardons, bouches entre ouvertes.

- Mais pour qui se prend-elle ? s'offusque Rosie.

- Laisse tomber ! Lui répondis-je en me penchant au dessus du pichet et en reniflant le contenu. La grimace au visage, je m'adosse au fauteuil, les rayons du soleil venant caresser mon visage.

Une voix pointue me sort de ma méditation et en relevant la tête j'aperçois Kate Moss parlant de vive voix à la table juste à côté.

Elle me dévisage, le nez en l'air et s'installe face à son fiancé.

- Tu aurais pu trouver une autre place non ? On ne va pas se la coltiner toutes les vacances!

Son ton est pédant et sa façon de pousser ses cheveux blond décolorés, derrière elle, m'exaspère.

Rosie qui beurre les tartines de son amie Tiana lève ses grands yeux bruns vers elle. La moue dubitative, elle me toise, sourcil levé.

- Pas de soucis, marmonné-je.

J'attrape mon téléphone et j'envois un texto à mon père. Il s'inquiète de mon état et un petit sms ne fera pas de mal.

Il est neuf heures quinze, j'ai encore du temps devant moi. Je prends ma veste et je l'enfile. Ma bouffée de chaleur est passée, il n'est plus nécessaire de rester à bras nus.

-Non mais ça alors ! Je n'en reviens pas!

Kate Moss s'exclame si fort que les vacanciers se tournent vers elle. Elle bondit de son fauteuil et se penche sur notre table, me bousculant au passage et renversant le pichet de lait.

J'attrape instinctivement ma serviette et je commence à éponger la nappe.

- Je me disais bien que je vous connaissais! Vous êtes Rosie Aster! L'égérie de la ligne de vêtements A&P. Je vous suis depuis de nombreuses années ! Je m'appelle Mallaury Argaud ! J'ai un book dans ma valise avec toutes mes idées et mes créations.

Le ton de sa voix est condescendant, elle prend de faux airs bourgeois qui ne lui vont pas.

- Mon fiancé est un prestigieux homme d'affaire, il possède sa propre boîte aussi. Venez à notre table ! vous serez peut être en meilleure compagnie pour discuter.

Elle me toise de toute sa hauteur, l'air horrifié et dédaigneux.

Rosie, la fourchette au bout des lèvres n'a pas encore dit un mot. L'éloquence de Mallaury l'a laissé sans voix.

La marque A&P est l'une des plus grandes marques de prêt à porter féminin qui s'inscrit dans la lignée des vêtements de luxe.

J'ai déjà eu l'occasion d'aller sur leur site internet. À l'époque, j'ai manqué de m'étouffer en constatant les prix exorbitants des vêtements. Une simple jupe valait dans les deux cent cinquante euros. Je vous laisse imaginer le prix d'un manteau. Mais ils ont l'avantage de se produire en France avec des produits made in France. Ceci explique cela.

Je suis surprise que Rosie ait choisi ce domaine perdu dans les Vosges comme lieu de vacances. Avec l'argent qu'elles amassent, elles auraient pu trouver un centre de bien-être dans le sud de la France! Au soleil !

- Je vais devoir décliner votre offre, vous m'en excuserez. Je suis en vacances et je n'ai pas la tête au travail. Mais à l'occasion, à la rentrée , envoyez un mail à l'adresse de notre agence, nous serions ravie de discuter de votre projet.

Piquée au vif et rouge de honte, Mallaury lui offre un large sourire et part s'installer à sa place.

Pinçant les lèvres , je n'ose pas croiser son regard, de peur de me faire fusiller sur place.

Et Toc dans tes dents vieille harpie !

Elle a été remise à sa place. La grande duchesse Mallaury est relayée au titre de simple roturière. Cela doit lui faire un choc, lorsque nous ne sommes pas habitués à se faire envoyer promener.

Et oui princesse ! Pas de passe droit ici ! Enfin pas pour tout le monde.

J'en ai assez d'entendre caqueter à côté de moi. Je n'ai même pas finit mon déjeuner, tout ce remue-ménage m'a coupé l'appétit.

Prenant mes affaires et accompagnée de Rosie et Tania, nous nous dirigeons vers l'espace détente .

Installé au cœur du domaine, il faut longer la réception. Tout à été étudié pour que chaque pensionnaire y trouve son bonheur.

Le centre de bien-être possède un spa , des douches d'hydromassage, bain de boue, sauna, hammam, bain de vapeur, gymnastique aquatique, cours de bien être pré-natal, jacuzzi, massage suédois et japonais.

La pièce est très grande. Les murs de couleur crème agrandissent l'espace.

Des tons harmonieux apportent apaisement, harmonie et chaleur grâce à la lumière douce qui se dégage des appliques murales.

Le bassin est doté d'un bain à remous et d'une cascade d'eau.

De jolis transats couleur taupe sont installés autour du bassin et le plafond est doté d'une multitude de petits cristaux scintillants. C'est très luxueux.

Après être passée à la douche, je dépose mon sac près d'un transat. Je réajuste discrètement le haut de mon maillot de bain et je desserre le noeud au niveau de ma nuque, je me sens soudain moins oppressée. Je m'étire de tout mon long, Rosie et Tiana ont opté pour un maillot deux pièces. Leurs ventres arrondis sont minuscules par rapport au mien. Mais je me jure d'arrêter de me comparer à elles.

Le cours de détente commence dans quinze minutes, j'ai le temps de faire le tour de l'endroit et de me familiariser au lieu.

Théo James s'est installé sur un des transats et l'ordinateur sur les cuisses, il pianote toujours aussi frénétiquement. Il n'est même pas vêtu d'un maillot de bain. Il n'a rien d'autre à faire sérieusement que d'assister à une remise en forme de femmes enceintes ? Quelle idée franchement de venir dans un endroit pareil avec un ordinateur portable. Les mains sur les hanches, je lui tourne le dos. Il m'agace, son allure prétentieuse est horripilante.

Je me retrouve nez à nez avec Oscar, une main posée dans le creux du dos de sa planche à pain. Les yeux meurtriers, l'index pointé vers moi.

- Mais qu'est ce que tu fais ici Salomé ?

Sa voix plaignante et nasillarde ne m'avait pas manqué.

- Je te retourne la question ?

Un sourcil levé je le dévisage. Planche à pain s'éclipse, apparemment gênée de la situation et me voilà seule devant mon ennemi juré numéro un.

- Je comprends mieux lorsqu'ils m'ont dis qu'il y avait une erreur dans ma réservation, ça ne t'est pas venue à l'idée de me contacter ?

- Ça ne t'est pas venu à l'idée de ne pas mettre dehors une femme enceinte en plein mois d'octobre ?

Réponse au tac au tac. Jeu, set et match .

La balle rebondie dans chaque camps. Les regards de Rosie, Tiana et même de Théo James vont de moi à Oscar.

- Oh pas ici s'il te plaît!

Il frotte l'arrière de son crâne, son ventre ressortant de son boxer.

Nous fait-il une couvade ?

Est ce possible d'en faire une en même temps que son ex enceinte jusqu'au cou et perdue de vue depuis deux mois ?

Ses yeux s'arrêtent sur mon ventre et montent jusqu'à mon décolleté. Les yeux écarquillés, il rougit et reprend le fil de la conversation.

- Tu es enceinte de combien de mois ? Je t'ai quitté tu étais aussi plate qu'une planche.

Ah non , il ne va pas me comparer à sa planche à pain. Rien à voir, j'ai toujours eu des formes bien placées, sans excès. Il ne va pas me sortir ça alors qu'il les aimait bien mes formes.

Je me rappelle qu'il se moquait de moi lorsque j'essayais de prendre soin de moi. Il peut se regarder, il ne ressemble à rien. Comment ai-je pu être amoureuse de ce type ? À part son visage qui reste relativement beau, il est néanmoins mal rasé. Je pense que son coiffeur est en vacances et ses tempes sont grisonnantes.

Depuis quand possède-t-il des cheveux blancs ? Lui qui n'est jamais stressé et qui ne déclarera jamais d'ulcère de stress.

- Il fallait t'y intéresser avant ! Maintenant si tu veux bien j'ai un cours bien être et je n'ai pas envie d'une source de stress comme toi ! Ciao !

Je me tourne vers mon sac et j'aperçois un jeune homme porter mon transat à bout de bras et l'emmener plus loin vers un groupe de jeunes gens.

- Attendez mon transat ! Crié-je à son intention.

- Désolé la miss! Ricane-t-il , qui va à la chasse perd sa place!

Le groupe s'esclaffe bruyamment et charrie le jeune homme.

Dégoûtée, je ramasse mon sac et balaye l'endroit des yeux. Le seul transat libre se trouve exactement à côté de celui de Théo James. Je me résigne et m'installe à côté de lui. Je pose ma serviette et je m'allonge fermant les yeux par moment et tentant de me détendre avant l'arrivée de notre animatrice.

Oscar m'a suivi et s'est installé au niveau de mes pieds, il me fixe , sourire béat aux lèvres.

- Quand est-ce que tu as eu le temps de gonfler tout ça ? La chirurgie n'est pas contre indiquée avec la grossesse ? Il mime ma poitrine sur son corps dénué de muscle.

Quel pauvre type! Quel goujat! Il me répugne.

Et dire qu'il défend d' innocentes personnes !

- Je suis enceinte crétin ! Maintenant laisse moi tranquille !

Je ferme les yeux et je pose ma tête sur le haut de mon transat.

Je sens une chaleur près de mon visage et lorsque j'ouvre les paupières, il se tient près de moi, ses yeux gris et ternes posés sur moi.

- Mais tire toi Oscar !

Je le pousse fermement mais il attrape mes mains et rigole.

Théo James nous fixe et se racle bruyamment la gorge. Nous nous tournons vers lui, ses sourcils sont froncés et il dévisage Oscar. Celui-ci s'écarte et après m'avoir dis que l'on se verrait plus tard, s'éloigne le plus rapidement possible.

Je n'ai pas envie de le voir plus tard et je n'ai pas envie de le voir tout court.

Je pivote vers Théo James et le gratifie de mon plus beau sourire. Il comprend et retourne à ses occupations, amusé.

Je reçois un texto d'Oscar. Mais quelle plaie ce mec !

« Voudrais-tu te joindre à moi et Ariette demain soir, nous allons dîner au restaurant et j'aimerais beaucoup savoir ce que tu deviens. Bises O. »

« Dans tes rêves! Ciao S. »

« Nous pouvons dire 19h si cela te convient ? »

« Pourquoi ?! »

« Fallait y penser avant! »

« Tu es immature Salomé! »

Je lève mon visage et je le découvre de l'autre côté du bassin , les mains sur les hanches , la mine renfrognée.

Je l'ignore complètement. Je range mon téléphone dans mon sac et j'avance vers le bassin.

Notre animatrice Alva n'est toujours pas arrivée, le groupe de poules pondeuses commence à s'impatienter. Accompagnées de leurs conjoints respectifs, elles barbotent telles des balises en haute mer.

Rosie et Tiana sont accompagnées de leurs maris, deux colosses à la mâchoire carrée et aux abdominaux saillants. Je me sens toute petite voire minuscule lorsque le groupe de quatre viennent à ma rencontre.

- Je te présente Luis et Dan nos maris , s'extasie Rosie. Je les salue brièvement et ils finissent par se volatiliser.

- Ils n'aiment pas ce genre d'activités , nous serons toutes les trois sans conjoints, miaule-t-elle.

- Au fait, qui étais-ce tout à l'heure près de toi Salomé ?

Son regard pénétrant confirme sa curiosité et je regrette de leur avoir menti hier. Elles ne sont pas méchantes, loin de là.

Mais l'honnêteté est primordiale dans toute relation et prenant mon courage à deux mains j'expose la situation. Au pire des cas, elles me prendront pour une folle et ne voudront plus me côtoyer. Cela ne me dérange pas le moindre du monde.

- Ce n'est rien Salomé, je pense que j'aurais honte aussi à ta place. Tu es excusée, après tout nous nous connaissons à peine. Il est normal de ne pas vouloir se dévoiler à des inconnus.

Elle dépose une main compatissante sur mon épaule.

Ratatinée et le moral en berne, je retourne à mon transat accompagnée de mes deux nouvelles BFF.

Mallaury assise sur le bord du transat de son fiancé, souffle d'exaspération.

- Vous ne pourriez pas arrêter de nous coller sérieusement ? Que voulez-vous ? Une amitié ? Vous êtes aussi désespérée que ça !

Elle tourne la tête et son visage se décompose lorsqu'elle aperçoit Rosie et Tiana.

- Flavien ! Tu ne pouvais pas m'avertir ? Dit-elle entre ses dents.

Celui-ci referme soigneusement l'écran de son ordinateur et les lèvres pincées reste de marbre. Il soupire, cligne des yeux et sort son téléphone.

Question conversation il n'est pas très bavard. Et il est complètement happé par sa technologie, il doit être barbant et ennuyant comme compagnie.

Tiana a un haut le cœur, la main sur le ventre, elle gémit.

Je me tourne vers elle et je lui propose de s'installer sur le transat.

Je roule en boule mon débardeur et je le cale sous sa nuque.

- Merci Salomé, tu es adorable. La main sur les lèvres, son visage se crispe.

- Repose toi chérie, lui dit doucement Rosie. Salomé et moi nous allons faire l'exercice et toi tu n'auras qu'à nous regarder.

- Je suis désolée, répond timidement Tiana.

- Ne t'inquiète pas, ce n'est que partie remise.

Nous nous approchons du bassin et la dénommée Alva arrive à grand pas.

Petite et assez boulote, elle tire derrière elle une caisse remplie de frites géantes colorées. Je regarde Rosie, amusées nous descendons dans le bassin.

Tiana nous fait des petits signes de la main pour nous prendre en photo.

Alva est très directive, elle mime la séance avec de grands gestes. C'est une ancienne sage-femme, elle est bénévole ici , en echange de vacances , elle propose des activités amusantes et apaisantes pour les futures mamans. Son initiative est très noble. Enfin je pense. Barbotant dans l'eau, la frite entourant mon corps, je me laisse aller. Je percute plusieurs fois Rosie qui, pour se défendre, m'éclabousse de sa main.

Une petite musique douce sort d'une enceinte et le cliquetis de la cascade m'apaise et me décontracte. Les yeux fermés, je flotte dans une eau chauffée à trente degrés. Je suis bien, en paix avec moi même. Plus rien ne me contrarie, pas même Oscar et son regard assassin, ni Mallaury est son air méprisant. Bébé fait des loopings dans mon utérus, prenant cet organe comme trampoline.

- Salomé ? Chuchote Rosie, Salomé!

-Oui ? Les yeux fermés , j'ondule telle une sirène échouée au large d'une mer calme et paisible.

- Ton maillot Salomé ! Il est détaché !

Elle tente de réprimer un rire et je bascule vers l'avant en vitesse. Je viens de comprendre.

La poitrine à découvert, je m'abaisse le plus bas possible dans l'eau , essayant de cacher mon énorme poitrine avec mes bras menus.

Rosie me vient en aide en attrapant le cordon de mon maillot. Les lèvres pincées et la mine rieuse, elle noue mon corsage.

- Merci ! Fais-je en me sentant honteuse.

Les vacanciers autour de nous ricanent et le groupe de futures mamans me toise , certaines jalousement , d'autres compatissantes.

- Bon et bien après cette péripétie je vous libère mesdames ! À ce soir ! N'oubliez pas le pot de l'amitié !

Elle ramasse tout son matériel et nous laisse vaquer à nos occupations.

Rosie passe au dessus du bassin comme une nymphe moi je prends le petit escalier et je m'extrais de l'eau sans grâce ni sensualité.

Je prends mes affaires et je suis bientôt rejoint par Oscar, dont la scène précédente l'a apparement amusé. Il bombe le torse d'une étrange façon et rentre le ventre. Je ne sais pas si c'est la vue de mes énormes obus ou la présence de mes deux nouvelles compagnes mannequins qui le rend aussi déplorable.

- Tu pourras me dire rapidement ta réponse s'il te plaît.

Il m'énerve, j'aimerais qu'il comprenne que je n'ai pas envie de passer ne serais-ce qu'une demi seconde avec lui et sa nouvelle conquête.

D'ailleurs où est-elle ? Elle ne peut pas le surveiller un peu.

- Non merci ! Bonne journée Oscar !

Je lève les yeux au ciel et m'éloigne rapidement , n'attendant pas Rosie et Tiana.

- Salomé c'est quoi le problème? Sa voix traînante me donne des brûlures gastriques. Franchement je n'ai pas envie de parler avec lui. J'ai eu besoin de temps pour digérer sa trahison.

Et il me demande quel est le problème ?

- À ton avis ? Mes yeux lancent des éclairs, mon sac sur l'épaule , j'ai envie de le gifler. Il m'a anéanti, m'a donné des longues nuits d'insomnie, de sa faute je suis affublée de dix kilos en plus ( il va falloir vous y faire ! ) et de vergetures .

- Ne veux-tu pas enterrer la hache de guerre ? Pour notre enfant ?

- Notre enfant ? M'exclamé-je d'une voix aiguë. Mon enfant ! Toi tu n'es rien et arrête de me harceler car je vais ... je vais ...

Je tapote mon index sur son torse, enfonçant mon ongle dans sa peau.

- Tu vas quoi ? Il s'est drôlement approché.

Il attrape mon poignet.

Je perds tous mes moyens, il m'impressionne alors que je devrais me montrer forte. Il me répugne mais en même temps, je me suis déjà demandée si élever mon enfant seule etait raisonnable.

Je me suis convaincue qu'un parent n'est pas spécialement celui qui donne la vie mais celui qui élève et donne tout l'amour qu'il peut. Et moi cet enfant , même si son père est un nul et un lâche, je l'aime déjà énormément.

- Elle viendra avec plaisir ! Claironne la voix de Rosie derrière moi. Je serais ravie de me joindre à vous, Salomé ne peut pas rester seule dans son état. Je l'aiderais si vous n'y voyez pas d'inconvénients ?

Elle le considère de toute sa hauteur. Mais à quoi joue-t-elle bon sang ? Pourquoi fait-elle ça ?

- Oui ... pourquoi pas ! On se tient au courant.

Il se retire le visage décomposé. Il part rejoindre sa tendre et chère petite amie. Il me dévisage, l'air contrarié.

- Mais pourquoi Rosie ? Lui demandé-je lorsque nous prenons le chemin du vestiaire.

- Je connais ce genre de mecs qui ne savent pas faire face à leurs responsabilités. Il faut qu'il paye la monnaie de sa pièce.

- Mais il la paye déjà tu sais. Je suis en train de le plumer grâce à la réservation dans ce domaine. C'est sa carte bancaire qui est enregistrée.

- Je ne parle pas de ça! Je parle du fait qu'il doit regretter de d'avoir perdu.

- Mais je ne veux pas retourner avec lui !

- Je me doute , mais il te dévore des yeux. Il bave comme un saint-bernard. La balle est dans ton camp. Il faut qu'il se rende compte de son erreur.

- Mais à quoi cela me servira-t-il?

- À ta paix intérieure, tu passeras à autre chose et en plus tu verras ça fait un bien fou ! Tu verras que tu vaux beaucoup mieux et tu auras une meilleure image de toi même.

-Mais je ne me dénigre pas !

- Faux, tu ne fais que ça. Tu te compares aux autres sans arrêt et tu toises tout le monde je le vois ! Tu es quelqu'un avec beaucoup de charme, il faut juste apprendre à te mettre en valeur.

Mais comment fait-elle pour me cerner comme ça ? Elle me fait soudain peur. Cela doit être son métier de styliste ou d'égérie je ne sais plus.

- En plus j'ai deux trois pièces de notre nouvelle collection que j'aimerais tester et ta ... morphologie est parfaite.

Elle cache son visage entre ses doigts.

- Je le savais ! dis-je pointant mon doigt vers elle. Je ne suis qu'un prétexte depuis le début.

- J'avoue que depuis que je t'ai vu, l'idée m'a immédiatement traversé l'esprit. Mais vois ça comme une aide pour une future amitié à charge de revanche bien évidemment ?

Son visage se fend d'un sourire forcé.

- Quel toupet !

Je tourne les talons une fois habillée et je sors en trombe, en ouvrant la porte comme une furie.

Je me doutais bien que je ne pouvais pas attirer ce genre de filles pour une amitié quelconque.

Moi Salomé, rouquine et criblée de tâches de rousseur. Ayant pour seule compagnie une colocataire de trois kilos.

Je suis vexée.

En plus maintenant, je suis contrainte de me joindre au dîner de mon ex.

Me voilà dans un sacré embarras.

Rosie me rattrape, elle empoigne mon bras et reste pendu dessus.

- Allez Salomé, rend moi service s'il te plaît. Tu ne peux pas savoir comment ça nous aiderait de te voir porter notre nouvelle collection. Tu sais ce n'est pas tout beau tout rose dans le domaine de la mode.

- Franchement Rosie laisse tomber.

Son manque de tact me blesse.

- Salomé je m'excuse, j'ai tendance à être maladroite. Sincèrement, je te trouve drôle et sympathique.

-Je ne dis pas car j'aimerais te voir porter mes robes, ajoute-t-elle lorsque j'essaye de répliquer.

- une robe en plus !

Mon air offusqué lui provoque un rire enjoué. Sa mine défaite et son regard implorant me font changer d'avis et je lui pardonne.

- Je te rendrais la pareille.

- On dira que c'est grâce à la magie de noël, mais soit plus honnête avec moi la prochaine fois. Je suis une personne vivante pas un morceau de tissu !

- merci Salomé , je te promets que je m'abstiendrais de te blesser la prochaine fois.

- j'espère bien.

Je reste silencieuse. Ma grossesse me rend plus vulnérable et moins rancunière. Tant mieux pour elle.

- Alors , prête à voir ma nouvelle collection ?

Son regard malicieux me détend, il est temps pour moi de penser à autre chose et de profiter de chaque instant qui s'offre devant moi.

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