Se détendre 

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« Cher journal ,

Tu ne devineras jamais !

Oscar se trouve ici avec sa nouvelle fiancée Ariette (alias Morticia).

Je ne sais pas ce qu'il lui trouve, elle est d'un ennui. Mortel.

Mais je te raconterais ça plus tard, ce soir je dîne avec eux, (je ne sais toujours pas comment j'en suis arrivée là). Je n'ai pas envie d'y aller, il faut que je trouve un prétexte.

Les deux égeries de mode sont vraiment très sympathiques et aux antipodes de ce que j'ai pu m'imaginer au début. J'en viens même à regretter mes jugements. Elles gèrent une marque de luxe très connue. Qui aurait cru ?

Quand à mes deux emmerdeurs du train, ils me laissent tranquilles et il s'avère que la princesse est plutôt une vilaine sorcière. Lui ça va, il s'est montré sympathique hier et je peux avouer que sa compagnie n'était pas désagréable. Mais restons sérieux, il doit être aussi insupportable qu'elle !

De plus, mes jambes sont gonflées à force de crapahuter et mon oesophage ressemble à un geyser de feu. Je ressemble à un volcan en éruption.

Aujourd'hui, c'est cours de relaxation et d'exercices de maintien. Cela va me faire un bien fou ! On verra bien! ».

Je me suis installée à ma place habituelle, les jambes allongées sur le fauteuil en face de moi. J'ai calé mon fessier dans le fond de mon siège et j'ai déposé un bol de fruits sur mon ventre. Je pique mes morceaux de clémentines à l'aide de ma fourchette.

Les rayons du soleil viennent caresser ma nuque, je suis si bien installée que je n'ai plus envie de bouger.

Je tente d'attraper mon verre d'eau matinal en allongeant mon bras. Mais je suis de nature feignante aujourd'hui et je n'ai pas envie de me redresser correctement.

Rosie et Tiana arrivent et la première attrape mon verre pour me le donner. J'avale rapidement le contenu de mon verre en respirant comme une forcenée.

- Excuse-nous pour hier Salomé ! Nous voulions passer plus de temps avec nos hommes.

Elles s'installent près de moi et déposent leurs affaires sous la table.

- Tu n'as pas à t'excuser ! C'est normal.

Je mastique mes fruits à une vitesse folle. Je dois ressembler à une gloutonne. Je n'ai pas envie de m'éterniser ici. Si l'autre arrive avec sa copine, je veux être sur le point de partir.

Flavien s'assoit comme d'habitude à la table près de la mienne. Il nous dit bonjour et la bouche remplie de clémentines, je lui réponds par un bruit de mastication incompréhensible.

Niveau politesse ? On y reviendra.

Il sourit et sort son éternel ordinateur de sa pochette.

Je suis curieuse de savoir ce qu'il peut bien exécuter avec cet appareil scotché au bout des doigts.

En vacances, il est inconcevable de perdre mon temps dans les soucis du travail, enfin chacun son point de vue.

- Tu es prête pour ce soir ? Me demande Rosie tout en buvant son jus de fruits.

- Non pas vraiment, je pense ne pas y aller !

Je croque tellement fort dans un morceau de clémentine que le jus atterri sur la table d'à côté.

Je regarde mon voisin, confuse. Amusé, il attrape ses écouteurs et se perd dans son ordinateur.

- Tu ne vas pas te défiler ! j'ai encore une tenue à te faire essayer, celle là est moins solennelle.

Elle croque dans une biscotte et je n'entends que le bruit de sa mastication. Tiana, qui est plus en forme aujourd'hui, mange une pomme et me regarde les yeux plissés.

- Si tu te défiles, il aura gagné !

Voilà qu'elle s'y met aussi ! Elles se sont concertées ?

- Je ne suis pas disponible ce soir sinon cela m'aurait amusé de venir. Mais c'est notre anniversaire de mariage !

- Oh c'est vrai ? Joyeux anniversaire de mariage Tiana ! lui dis-je en me redressant, les jambes engourdies par ma position de baleine échouée. Ça fait longtemps que vous êtes mariés ?

- Ne change pas de conversation ! Me sermonne Rosie.

- Je m'intéresse au contraire ! Je m'assois convenablement, les mains sous le menton.

Nikita passe près de notre table, elle a revêtu une robe d'un jaune pâle, aux manches courtes et bouffantes, de la dentelle aux extrémités.

Elle ressemble à celles que l'on peut voir dans la petite maison dans la prairie. Peut-être que je suis passée à côté du thème d'aujourd'hui ? Ils gardent ce genre de festivités pour les soirées normalement.

Elle a essayé, je dis bien essayer, de se coiffer en mettant de drôles de barrettes plates. Je peux remarquer qu'elle a un duvet sous le nez.

Elle aurait pu faire un effort tout de même. On ne peut pas enfiler une robe sans faire sa moustache. Enfin je crois ? Est ce que les deux termes vont ensembles ?

Nos regards se croisent et elle s'avance vers moi.

- Madame veut lait de vache ? Sa voix à l'accent de l'Est est railleuse. Lait de vache bon pour la santé de bebelus !

Hein ?!

- Non moi toujours pas vouloir lait de vache ! Elle m'agace à la fin !

- Moi vouloir lait végétal ! Mais vous pas en avoir !

- Madame peut parler moi correctement moi comprendre. Lait de vache bon pour les os et les dents.

Elle me gratifie d'un large sourire avec ses énormes dents. À tous les coups, elle a dû en boire des litres et des litres dans sa jeunesse.

Je me ratatine sur mon siège et elle s'en va en claironnant.

Elle a un sérieux problème. Lorsqu'elle passe près d'Oscar, elle papillonne des yeux et lui sourit bêtement. Celui-ci n'y prête pas attention, il semble plutot préoccupé par quelque chose. La mine renfrognée, elle se rapproche de lui, et la tête sur le côté, elle lui parle.

Oh ! Ne me dites pas qu'elle en pince pour lui ? C'est merveilleux ! C'est extasiant ! Je jubile, un sentiment de satisfaction m'envahît.

Elle dépose sa main sur son avant-bras et lui montre tout ce qu'il y a sur le buffet. Ariette est pendue à son autre bras, visiblement insensible aux minauderies de Nikita.

Je range cette information dans un coin de ma tête, je suis sûre d'en faire bon usage. Je ris sous cape et provoque des bulles dans mon deuxième verre d'eau de la matinée.

Rosie et Tiana me dévisagent, leurs yeux interrogateurs.

- Je pense qu'Oscar à un certain succès auprès de nikita, murmurés-je.

Je balance ma tête vers le buffet.

Nikita rigole à gorge déployée devant Oscar, manifestement, gêné. Elles se tournent et la scène semble également les amuser.

- Penses-tu que sa tenue ait un rapport avec lui ? Me demande Rosie.

-J'en suis certaine.

- Tu ne vas pas manquer de lui rappeler cette scène ?

- Évidemment !

Elle pouffe et consulte sa montre. Si nous voulons être à l'heure à notre prochaine activité, nous devons nous dépêcher.

C'est un cours mixte, les conjoints sont invités à participer.

Je suis toujours seule, donc la question ne se pose pas. Lorsque Alva le remarque, elle a la merveilleuse et ingénieuse idée de vouloir être mon binôme.

Je constate qu'elle possède une force herculéenne pour un si tout petit bout de femme !

Allongée sur un tapis en mousse qui sert normalement au yoga, je suis appuyée dos à elle, ses jambes contre mes jambes.

-Voilà oui c'est ça May-line ! Très bien comme dans un cocon, vous ne formez plus qu'une personne avec votre conjoint.

La femme de quarante ans, du nom de Liliane rabroue son compagnon. Celui-ci frêle et timide n'ose pas broncher.

- Allan mets tes jambes plus près, sers moi ! Plus fort !

Sa voix est forte et sévère. Je n'oserais pas la défier sur quoique ce soit.

Le pauvre Allan s'exécute lorsqu'elle lui attrape férocement son jeans. Il plaque ses jambes si près d'elle qu'on dirait qu'ils exécutent une prise de catch. Avec le recul, elle ressemble étrangement à Beth Phœnix.

- Oui , doucement, soyez plus détendus ! Insiste Alva.

Elle appuie sur ma colonne vertébrale avec la paume de sa main. Pliée en deux, mon ventre touche le sol et mon menton est enfuit dans ma poitrine. Elle nous explique le rôle essentiel de la respiration.

Pour l'instant , la mienne est complètement bloquée et je vais finir asphyxiée si elle ne me redresse pas.

Cela pourrait faire un étonnant article de journal dans la rubrique fais divers : « Madame Salomé Gauchard, trente ans, étouffée par son énorme poitrine ».

C'est à ce moment précis, dans une posture très désavantageuse, que la porte de notre salle s'ouvre et laisse passer une femme blonde aux allures de princesse : Mallaury.

Que vient-elle faire dans un cours dédié aux femmes enceintes ? Elle qui est aussi plate qu'une limande.

- Excusez-moi, dit-elle d'une voix extrêmement aigüe , j'aimerais beaucoup assister à votre cours !

Elle reste plantée près de la porte , une main sur la hanche.

- Ce cours est destiné aux futures mamans ! s'impatiente Alva. Son regard se pose sur le ventre de Mallaury.

- Je viens juste d'apprendre ma grossesse et je pense que cela m'aiderait à faire face à toutes ses nouveautés, pour mon corps et mon esprit. Je promets d'être assidue et de bien écouter.

Elle clignote tellement des yeux que j'ai l'impression qu'elle va s'envoler.

- Très bien ! Installez- vous et à l'avenir évitez de perturber mes cours Madame, cela peut être une source de stress pour mes futures mamans.

Elle souffle et reprend ses explications.

Mallaury tient fermement la porte et laisse entrer ...

Flavien.

La tête levée vers lui et rouge à cause de ma positon très inconfortable, je le regarde un instant et je baisse les yeux. Ils se placent tous les deux devant moi et Mallaury commence à prendre des poses de femme enceinte en fin de grossesse. Il ne faut pas abuser, son fœtus doit mesurer la taille d'une graine de pavot. Quelle arrête son cinéma !

Elle allonge ses jambes de dix mètres de long et dépose sa nuque sur le torse de son partenaire.

Cela me fait drôle, je repense à la conversation que nous avons eu tous les deux hier. Il semblait tellement soulagé de leur rupture.

Cette annonce de grossesse soudaine a l'air de le perturber. Comme s´il était prit au piège.

La bouche ouverte, je le fixe et Mallaury me lance des regards assassins.

Alva finit par me redresser et écarte ses jambes.

Elle me demande d'en faire autant et d'un mouvement brusque, elle me tire vers l'arrière. Ses bras collés sous mes aisselles, elle me bascule sur la gauche puis sur la droite, devant et derrière. Elle fait faire des moulinés à mon corps.

- Voilà, cela vous aidera à ouvrir votre bassin, continuez doucement.

Doucement ? Elle ne doit pas connaître la signification de ce terme. Ouvrir mon bassin ? Pour ma part, c'est la bouche que j'ai envie d'ouvrir afin de vider mon estomac.

Je sens mon cœur s'accélérer. Je suis moite et la tête me tourne.

Et si je me mets à vomir maintenant c'est sur Mallaury. Elle me le fera payer et nous risquons de l'entendre vociférer des choses abominables. Quoique l'idée ne me serait pas désagréable.

Une main collée sur la bouche, j'essaye de rester calme. Elle me plie et replie encore, je pense qu'elle me prend pour un avion en papier. Je pense que je vais plutôt me transformer en avion à gerber.

- Je trouve Salomé pâlichonne ! S'exclame Rosie au bout d'un moment.

- Oui elle semble malade ! continue Tiana.

- Elle va encore degueuler sur mes chaussures celle là !

Je ferme les yeux, quelle saloperie cette femme !

J'essaye de me rappeler les leçons audio que j'ai dans mon téléphone. Puis je m'imagine en train de lui faire avaler celui-ci en lui tirant sa tignasse de sorcière.

- Retenez la ! qu'elle aille dehors et qu'elle fasse son affaire. On ne peut perturber une séance parce qu'une personne ne supporte pas cl'animation.

J'aimerais pouvoir lui repeindre le visage et lui fermer le clapet par la même occasion.

Alva se penche vers moi et attrape mes épaules.

Elle me tapote les joues et moi assise, jambes écartées, je n'ose pas ouvrir les yeux.

Je souffle bruyamment, j'inspire et j'expire. Les mains posées sur mes genoux.

Je suis à deux doigts de me lever et de lui coller ma main dans la figure lorsqu'elle m'accuse de jouer la comédie. Nous pourrions en parler de son attitude.

- Qu'est- ce que tu fais Flavien ! C'est bon elle est grande, elle sait se gérer.

Il s'est avancé vers moi et avec l'aide de Alva, ils m'aident à me mettre debout.

- Je pense que je lui en ai trop demandé. Désolée ma belle ! Je vais vous accompagner jusqu'aux toilettes, excusez-moi, profitez en pour continuer les exercices de respiration.

La tête renversée au dessus des toilettes, j'ai l'impression de vomir la totalité de mes repas depuis noël dernier.

Quelle idée d'avoir manger autant de clémentines, c'est l'acidité du fruit qui me tourne sur le cœur. C'est bien connu, en cas de reflux ou de nausées, les agrumes sont à bannir.

J'ai honte de m'être donnée en spectacle devant tout le monde, leurs regards sur moi, compatissants pour certains, meurtrier pour une.

Pourquoi a-t-il fallu qu'elle soit enceinte, elle n'a visiblement aucune fibre maternelle.

Lorsque nous retournons dans la salle, Rosie et Mallaury sont en train de parler fort. La voix de la première essayant de couvrir la voix de l'autre.

Rosie secoue un doigt devant elle et prononce des jolis noms d'oiseaux dans une langue qui ressemble beaucoup au créole.

- Votre prestance ne vous donne pas le droit de me parler comme ça. Vous ne savez pas à qui vous vous adressez ! Cela n'en restera pas là ! Croyez moi !

Les yeux de Mallaury envoient des éclairs foudroyants.

Rosie les bras croisés la fixe, ses yeux noirs la toisent et de son mètre quatre-ving cinq, elle paraît immense ! Elle se tient droite, la tête relevée. Aucune once de faiblesse dans son attitude.

- Viens Flavien on se tire.

Elle ramasse ses affaires et se tourne lorsqu'elle voit que son fiancé (ou ex?) ne la suit pas .

- Qu'est ce que tu fous ? Allez magne toi ! Allons nous en de cette activité débile pour grosses ...

Vaches ? Mais tu y seras aussi ma cocote , ne te réjouie pas trop vite. Ce n'est que le début !

Devant le manque de mouvement de son compagnon, elle balance ses cheveux derrière elle et s'impatiente.

- Flavien ici !

Elle tape du pied, rouge de colère.

Mais c'est qu'elle nous fait un caprice la princesse. Elle prend son ex compagnon pour un chien.

Les yeux larmoyants, elle s'enfuit en courant, laissant tomber un test de grossesse de son sac.

Rosie le ramasse et s'esclaffe.

- Il est négatif son test. Quelle comédie pour si peu !

Elle le tend à Flavien qui honteux , se tourne vers moi l'air dépité.

Je ne comprends pas comment nous en sommes arrivés à une cacophonie pareille.

C'est un vrai poison ! Elle met la pagaille là où elle passe. Elle est toxique, il devrait s'en rendre compte mais chacun ses problèmes. Ce qui m'importe en ce moment, c'est de rentrer à l' hôtel sans me pisser dessus. Leurs histoires, je m'en fiche.

Tout le monde a fini par s'éclipser et je suis rentrée avec Rosie.

Elle n'a pas arrêter de me parler de princesse Mallaury et j'en ai la tête qui tourne. J'ai fini par lui répondre que nous devrions arrêter d'y penser et que cela lui donne trop d'importance.

Elle a fini par avouer que j'avais raison et est passée à une autre conversation tout aussi barbante : la soirée de ce soir.

- Je ne m'en sens pas bien Rosie, je vais rester dans ma chambre.

- Hors de question ! Tu vas bouger tes fesses, je n'ai pas pris ta défense pour que tu me plantes !

- Tu as pris ma défense ?

Je me tourne vers elle le sourire aux lèvres.

- Evidemment ! Elle vociférait des choses abominables sur toi, elle t'insultait et lui ne disait rien !

Je repense à ce qu'il m'a dit hier. Ce n'est pas l'envie qui lui manque, c'est le regard des autres, il n'aime pas se donner en spectacle.

- Elle n'est même pas enceinte cette femme. Je me demande ce qu'elle a pu lui raconter comme mensonge pour qu'il veuille la suivre.

Je pense à son visage fermé tenant le test entre ses doigts. Il avait l'air déçu mais soulagé à la fois. À mon avis, elle ne devrait pas se reproduire cette mégère.

Lui, au moins, il n'est pas parti en courant. Oscar, lui, avait pris le test de mes mains. Et m'avait accusé de l'avoir collé sur le radiateur. C'est seulement lorsque je suis revenue de chez le gynécologue qu'il m'a balancé toute sorte d'horreur. Je me revois, assise sur une chaise, pleurant toutes les larmes de mon corps pendant qu'il rangeait négligemment mes affaires dans une valise. Il m'a donné vingt euros et m'a chassé comme une malpropre.

Quand j'y repense j'étais complètement sonnée. Je pleurais dans la rue pendant que des enfants couraient à la chasse aux bonbons. Je m'étais assise sur un muret et ils ont cru que le maquillage qui coulait sur mes joues était un maquillage d'Halloween. J'ai eu des compliments du style « trop cool son maquillage », « trop stylé la vieille sorcière », « on dirait la vieille none dans le film d'horreur ». Avec mon écharpe blanche autour de la tête, ma robe noire et mes collants noirs, je ne pouvais pas leur en vouloir de penser ça.

Installée sur mon lit, je fixe le plafond. Je n'aime pas repenser à tout ça , cela m'angoisse et quand j'angoisse j'ai faim.

Rosie s'arrête devant moi et me bouscule légèrement. Elle attrape mes pieds et retire mes chaussures.

- Allez la miss à la douche ! Ta mise en beauté n'attend pas !

- Mais il est midi et demi, nous avons rendez-vous à dix-neuf heures.

- Rien de tout ça ! j'ai demandé au room-service de nous apporter des plateaux repas, ils seront là dans quinze minutes , tu as le temps d'aller te laver ! Allez !

Elle m'agrippe les bras et me sort du lit. Elle a une force incroyable cette femme. J'ai l'impression d'avoir sept ans , quand ma mère me sermonnait d'aller me laver, je passais quarante minutes dans la salle de bain à me regarder chanter avec ma brosse pendant que l'eau du lavabo refroidissait.

Mais elle a bien fait de me secouer car la douche m'a revigorée et détendue.

J'ai enfilé un peignoir moelleux blanc et je mange mes petits ailerons de poulet tout en faisant attention de ne pas me salir.

- Pendant que tu te douchais, je suis allée chercher ça ! Elle me montre une tenue combinaison noire d'une élégance à couper le souffle.

- Impossible ! Je pisse tous les quarts d'heure.

J'essaye de m'imaginer avec en train d'uriner , à poil sur la cuvette. Celui qui a inventé la combinaison avait un sérieux problème de sadisme.

Il a dû se dire « tient je pourrais inventer un haut et un pantalon qui seraient collés afin qu'elles ne passent pas leurs vies aux toilettes ». Il a cru que cela nous arrêterez ? Nous sommes des pisseuses invétérées.

- Arrête de faire ta rabat joie , finis de manger et enfile-la !

- Tu veux mon avis , mes fesses ne rentreront pas dedans.

- Tes fesses rentreront de gré ou de force ! Elle m'observe et son regard pénétrant à presque le don de m'impressionner. ( J'ai dis presque !).

- C'est quoi ce décolleté ? Je ne veux pas le séduire !

- Écoute même sans décolleté ta poitrine est visible jusqu'à la station spatiale internationale.

Je rigole de sa plaisanterie et je me résigne à enfiler sa combinaison. Elle est fluide et légère je vais me cailler les miches avec ça ! Le décolleté n'est pas trop profond tout compte fait et le dos nu est croisé. Mais je dois avouer que le vêtement est ultra confortable.

- Avec ça, pas de soutien gorge, ça ne ferait pas beau !

Pardon ? Excusez moi, nous avons un problème de transmission cérébrale chez ma voisine.

Vu l'épaisseur du truc, si je ne mets pas de soutient gorge je vais me faire embarquer pour tenue inappropriée en public.

- Ils vont tenir tout seul si tu veux mon avis .

Je tente de bien assimiler sa phrase. Elle est bien en train de me parler de mes attributs féminins ? Non parce qu'à un moment donné il faudrait peut être que je réagisse.

Mais je la regarde, la mine décomposée.

Quelle est le pourcentage de chance que ça dérape à un moment donné en soirée ?

(Je vous laisse donner votre réponse pour plus tard).

Je me regarde dans le miroir, mon ventre arrondi est bien mis en valeur, déjà un bon point de ce côté. Ma poitrine ? nous ne voyons que ça comme d'habitude. Mais lorsque je me regarde de dos, je peux dire que je suis plutôt satisfaite.

Ça m'énerve de l'avouer mais elle a vu juste. C'est son métier, elle sait y faire.

Elle me prend en photo avec son téléphone et fait défiler son écran. Il va vraiment falloir que j'aille sur leur site un jour pour voir mes photos. Si cela se trouve, je suis complètement horrible et je vais faire chuter leurs ventes pour cette collection. Les femmes qui me verront se diront: « Mais qu'elle est cette femme dépourvue de grâce ( grasse ?) qui pose pour une marque aussi prestigieuse ? ».

- Tu étais tellement naturelle Salomé dans cette pose. Tu vas concurrencer les pétasses de Instagram.

Elle rigole et ses boucles se balancent. Sacré rosie elle ne rate pas une occasion de m'épater.

Sur le chemin pour nous rendre à l'hôtel « blanc » je suis nerveuse. J'ai passé l'après midi à me ronger les ongles.

Et lorsque que Rosie a retouché, pour la troisième fois, mon vernis, elle m'a menacée de me fixer des moufles aux mains et de me les défaire seulement au restaurant .

- Ce ne sera pas la peine de me faire un doigt d'honneur je le sais !

Comment peut- elle penser que cela soit mon genre ? Enfin tout de même ! En réalité, c'est en effet le genre de chose qui me passe par la tête. Mais je préfère laisser le bénéfice du doute.

Nous sommes arrivées les premières et le serveur nous accompagne dans le fond du restaurant. Il n'arrête pas de sourire et de demander si nous avons besoin de quelque chose.

Il fait bon et chaud et je suis contente d'ôter mon manteau de laine. Je prends mes cheveux dans les mains et les secoue pour me faire de l'air. Rosie a tenu à me faire le même coiffure que la dernière fois. Elle dit que mes cheveux sont magnifiques et mes boucles sublimes.

Le restaurant est en effet plus chic que le notre. Les tables sont toutes rondes et chaque chaises possèdent des accoudoirs. Il n'y a pas de buffet et ce n'est que des services à tables. La lumière est légèrement tamisée et un piano à queue est installé sur une petite scène, un homme y est en train de jouer des morceaux de jazz et c'est plutôt agréable.

Il y a du parquet au sol et les serveurs sont tous en chemises blanches et pantalons de coupe droite. La table derrière nous est occupée par un groupe d'hommes d'une quarantaine d'années qui rigolent bruyamment.

C'est le même groupe d'hommes que j'ai aperçu au pot de l'amitié. Ils sont tous habillés pareil et sont très peu discrets. Ils parlent de sport, de voitures et de femmes , soit des gros beaufs.

Lorsque Oscar et Ariette arrivent, je peux remarquer le visage fermé de cette dernière.

Oscar lui tend sa chaise et elle s'installe. Quelle galanterie. Il n'en a jamais fais autant pour moi.

Il préférait s'assoir dans les transports en commun prétextant qu'il avait mal aux pieds. Il n'a qu'à changer de chaussures et porter des baskets de temps en temps au lieu de vouloir à tout peux mettre ses vieilles chaussures marrons. Qui a idée d'arpenter les magasins en période de soldes avec des chaussures de ville ?

C'est baskets et jeans minimum , c'est une véritable course contre la montre , les vêtements classes, on y repensera plus tard.

Nous commandons des apéritifs et bien évidement moi et Rosie nous nous rabattons sur des choses soft. Un verre de jus de litchi pour elle , un verre d'eau plate pour moi.

- Tu trinques à l'eau ! ricane Oscar , c'est étrange !

Tu veux mon poing ou mon verre dans la figure ? Ça te paraîtra tout aussi étrange.

Nous parlons de choses et de rien et j'apprends que Ariette est gérante d' un magasin de sex toys sur Paris. Voyez-vous ça ?

Premièrement que faisait-il sur Paris lui qui n'a jamais voulu y passer un week-end et deuxièmement que faisait-il dans un magasin de sex-toys ?

Il s'avère qu'il a renversé toute une étagère de lubrifiants et qu'ils ont passé la soirée à tout ramasser.

Mais quel plan drague étonnant et tellement peu commun ! Je m'amuse de le voir si embarrassé.

- Ce n'est pas dans ses habitudes d'être aussi maladroit, mais bon il vaut mieux du lubrifiant que du sucre muscovado.

Il s'étouffe en avalant son apéritif et me donne un coup de pied dans le tibia.

Il me le paiera !

Tandis que je masse discrètement mon tibia, une voix non méconnue me parvient jusqu'aux oreilles. Je me tourne discrètement vers la table derrière nous et j'aperçois Flavien qui dépose sa veste sur le dossier d'une chaise. Il lève les yeux et s'assoit dos à moi.

Je me demande si se sont des collègues de travail. Que fait-il ici ? Maintenant j'ai encore moins envie d'écouter les frasques de mes deux interlocuteurs.

Rosie est plongée dans son téléphone depuis que nous sommes arrivées. L'air soucieux, elle ne participe pas à la conversation, elle qui d'habitude est si joyeuse , paraît préoccupée. Elle tape sur son écran assez rapidement et lorsque je lui demande discrètement si elle va bien, elle me répond subjectivement et s'intéresse de nouveau à son téléphone.

Quelle barbe ! Entre les deux qui minaudent et Rosie qui nous ignore, la soirée est d'un ennui.

- Pourquoi n'êtes vous pas accompagnée de votre mari Salomé ?

Ariette me pose cette question sans cligner des yeux, d'un ton calme et d'une voix monotone. J'ai l'impression qu'elle n'est pas humaine.

Oscar visiblement mal à l'aise, s'agite comme un poisson hors de l'eau.

- Ariette chérie , Salomé n'a peut être pas envie d'en parler. Il se racle la gorge plusieurs fois.

Rosie fixe le couple et jette un coup d'œil furtif vers moi. J'inspire profondément et vide d'un trait mon verre d'eau, renversant la moitié sur ma combinaison.

- Je vais y aller... me chuchote Rosie tout d'un coup. Excuse moi sincèrement Salomé , j'ai un soucis et je n'arrive pas à vous consacrer de mon temps.

Je la regarde d'un air grave et après lui avoir dis de ne pas s'en faire, je la raccompagne.

- Tu ne peux pas me faire ça ! C'est toi qui a insisté pour venir !

- Je le sais ! Et cela me chagrine mais j'ai vraiment un problème et je dois m'entretenir avec Tiana.

Son visage est tendu et elle a l'air sincère. Je lui souhaite une bonne soirée et la mine accablée je retourne à ma place , accompagnée du serveur de tout à l'heure. Il a tenu à me suivre après une réflexion déplacée sur ma combinaison mouillée.

Il donne des coups d'oeil furtif à mon vêtement, pinçant les lèvres.

- C'est de l'eau ! Je lève les yeux au ciel et m'installe sur ma chaise.

Je plie et déplie ma serviette de table et soupire bruyamment.

- Alors comment trouvez- vous cet endroit c'est charmant non ?

- Vous n'avez pas répondu à ma question.

Son ton insistant m'énerve, pourquoi veut-elle le savoir ? J'ai cru qu'elle allait penser à autre chose ! Elle ferait mieux de rester silencieuse, ça lui va mieux et la conversation est plus agréable.

- Il est décédé !

Je fais des drôles de moulinés avec ma bouche, évitant soigneusement de croiser le regard de Oscar.

Ariette me fixe, choquée de mon aveu un peu trop enthousiaste.

- Je veux dire, il a eu un drôle... un grave accident ... oui il s'est fait attaquer par une horde de pékinois, il a trébuché tétanisé par la peur et s'est planté une écharde dans le doigt...

Il faut que cela reste cohérent avec la version de la réceptionniste, on ne sait jamais. Si elles viennent à discuter entre elles ...

Bon, j'avoue les pékinois je les ai rajoutés , mais elle me fait étrangement penser à un de ces chiens au museau plat.

Derrière moi j'entends Flavien s'étouffer avec son verre. Il a recraché le contenu par son nez et ses convives s'esclaffent bruyamment. Il tousse fort et aucun de ses copains ne réagit. Je me tourne silencieusement et lui tape mon poing dans le dos.

- Arrêtez-ça ! dis-je entre les dents.

Je reprends un sourire hypocrite et je m'excuse en prétextant que je dois me rendre aux toilettes.

Je me planque dans la première cabine. Il y un petit lavabo avec une multitude de crème pour les mains. J'en prends une et j'appui sur le tube pour m'en mettre sur les mains. Celui-ci explose sur ma combinaison et j'essaye de frotter la tache avec de l'eau. Mais c'est gras et j'étale plus que je n'essuie. Me voilà affublée d'une auréole grasse sur la poitrine.

Je sors et je tente de sécher mon vêtement avec le sèche main mural.

À ce moment là, une dame âgée, assez bourgeoise, sort de la deuxieme cabine et me dévisage l'air perplexe. Ma position est tout à fait anormale.

Je me redresse et quitte l'endroit rapidement.

Lorsque je reviens, Oscar et Ariette se bécotent de façon déplacée et lorsque je prends ma chaise , une boule de papier griffonnée y est posée. Je la lis discrètement.

« Arrêtez de mentir et j'éviterais de m'étouffer ».

Quel toupet!

Délicatement je prend un stylo dans mon sac et je réponds de la même manière. Les deux autres sont passés du simple bisou au baiser langoureux.

« Arrêtez d'écouter ma conversation et ça ira mieux! »

Je passe ma main entre les barreaux de sa chaise et lui coince la boule de papier dans la ceinture de son pantalon.

Celui-ci tressaille à mon contact.

Je souris bêtement et je regarde le couple infernal devant moi.

Ils s'arrêtent et les yeux gris d'Oscar se posent sur moi.

- Tu as eu un accident ? Me demande Oscar en tapotant son torse.

- Oui , un tube de crème a explosé sur le lavabo.

- Tu ne changeras jamais Salomé ! Toujours aussi maladroite !

Je me demande qui est le plus maladroit en ce moment même.

Ariette n'arrête pas de complimenter son Jules et je me lasse d'entendre leur ébats amoureux. Le menton appuyé sur la main, je lutte pour ne pas m'endormir, j'ai tellement vidée la carafe d eau que j'ai de nouveau envie d'uriner.

Je reçois une boule de papier chiffonnée sur les genoux. Je l'ouvre toujours aussi discrètement.

« Vous dormez ! ».

Je prends mon stylo et je lui réponds.

« Pas du tout ».

De fil en aiguille nous nous passons la boulette de papier. Oscar et Ariette sont tellement plongés dans leurs conversations qu'ils ne remarquent rien. Même leurs assiettes ne diminuent pas. Je triture ma viande , ils me coupent l'appétit.

« Je m'ennuie ».

« Moi aussi ».

« Au moins ils vous parlent »

Je me tourne discrètement , les hommes de sa table sont tous plongés dans leur téléphone.

Il écrit son numéro de téléphone sur le papier et me l'envoie.

« Plus de place ».

Je pianote sur mon téléphone et lui réponds.

« On peut échanger nos places si vous le désirez».

« Non ils auraient leurs yeux rivés sur votre combinaison tachée ! ».

« Très drôle ».

Ariette et oscar commandent un dessert , moi je n'ai rien touché de mon assiette. Le serveur me demande si je veux l'emporter , j'accepte. Je n'aime pas le gaspillage et les deux autres me stressent tellement qu'ils ont réussi là où personne n'avait jamais réussi : me couper l'appétit.

- Tu étais plus gourmande avant Salomé ! Où est passé ton appétit féroce!

- Dans ton bide !

Je vide pour la dixième fois mon verre d'eau et je suis contente que ce ne soit que de l'eau.

Flavien explose de rire. Oscar, vexé, se lève et claque sa serviette sur la table , il ferme sa veste sur lui et s'éloigne avec Ariette jusqu'aux toilettes.

Flavien me rejoint, tout le monde à déserté à sa table et il semble seul depuis un moment.

- J'ai cru mourir de rire ! Il essuie ses yeux avec le revers de la main.

- Il l'a cherché !

- Je crois que je n'ai plus ris comme ça depuis des siècles.

- Comme quoi tout vient à point à qui sait attendre.

Qu'est ce qu'il me prend de faire des citations ?

Le serveur m'apporte une boîte avec les restes de mon assiette, il est surpris de voir Flavien à la table. Il marmonne quelque chose et s'affaire à autre chose.

Je triture mes couverts, l'air ailleurs.

- Venez on s'en va ! Dit Flavien soudainement.

Il se lève et attrape son manteau, il me tend le mien ainsi que mon écharpe.

Je repense au premier jour de mon séjour lorsqu'il me l'avait rendu à la gare. J'étais loin de penser qu'il était aussi sympathique.

- Qu'est ce qu'il y a ? Me demande-t-il devant mon sourire.

- Rien , je trouve que vous êtes assez cool.

- Heureux de l'entendre.

Nous sortons rapidement et nous prenons le chemin de l'hôtel.

Il fait froid même glacial. Il marche lentement ce qui m'arrange car je suis déjà essoufflée.

- Vous travaillez dans quoi?

J'essaye de combler le silence qui s'est installé entre nous. Il était plus facile de communiquer par écrit.

Il me regarde les yeux écarquillés, surpris de ma question.

- Vous vous baladez toujours avec votre ordinateur ! Me défends-je.

- Je suis auditeur financier.

- Ah ! fais-je, je n'ai aucune idée de ce que ça peut être.

- J'examine les comptes d'une entreprise et j'analyse. Je ne suis pas ici en vacances. Ils m'ont contacté pour redresser cet endroit .

Il pointe du doigt notre hôtel et je suis surprise d'entendre ça. C'est magnifique et ça a l'air de plutôt bien fonctionner .

- Les apparences sont parfois trompeuses, glisse-t-il à mi voix . Et vous ?

- Moi ? Je gère une épicerie bio et de produits équitables.

- Intéressant ! Il passe sa langue sur ses lèvres et les mains dans les poches , son regard semble ailleurs.

- Vous n'êtes pas trop déçu que Mallaury vous ai menti sur sa grossesse? Son test est tombé lorsque vous êtes sorti je suis désolée nous l'avons regardé.

Pourquoi je change aussi vite de conversation, elle me met mal à l'aise et j'ai un besoin viscérale de savoir la vérité.

- Non je le savais déjà.

Il reste calme et posé. Son regard brun posé sur moi.

- Pourquoi vous l'avez suivi alors ?

- Pour assister au cours, j'étais curieux de voir comment vous vous en sortiriez ! Et c'était un sacré spectacle !

Il me répond d'un air taquin et je plisse les yeux , le maugréant intérieurement.

- Très drôle ! Nous sommes arrivés ! Vous prenez l'ascenseur ?

Nous montons tous les deux silencieux.

Lorsque j'arrive devant ma chambre je lui souhaite une bonne nuit.

- À vous aussi Salomé ! Et évitez d'actionner les enceintes de la baignoire.

Je souris en passant ma clé dans la serrure.

La soirée s'est terminée plutôt positivement. Il s'éloigne dans une démarche gracieuse et ses épaules avaient l'air moins voutées qu'à l'accoutumée.

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