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Je sirote un chocolat chaud tout en écoutant la conversation de Rosie et Tiana.

Oui vous avez bien lu, un chocolat chaud au lait de noisettes bien évidemment.

Nous sommes sur le marché de noël qu'organise le domaine des Balsamines. Il y a justement un chalet qui offrait des boissons chaudes. J'ai, bien évidemment, sauté sur l'occasion. Cette boisson est réconfortante.

Nous avons marché plusieurs minutes et j'ai pu découvrir le splendide paysage qui s'offrait à nous.

Il y a un lac gigantesque entouré de conifères. La neige qui est tombée cette nuit rend l'endroit féerique. C'est à couper le souffle.

Ils ont installé des chalets en bois reliés, les uns aux autres, par de magnifiques guirlandes lumineuses.

Les commerçants, frigorifiés mais souriants, offrent des dégustations de friandises comme du pain d'épice, du nougat et des boules de crème.

J'ai goûté à tout ce qu'on me proposait. Le nougat était tellement exquis que j'en ai repris un morceau, prétextant que c'était pour mon bébé. Le vendeur a trouvé cela tellement drôle qu'il m'en a offert une tranche.

Je vous jure, je n'ai rien demandé !

Je tiens fermement mon gobelet de chocolat chaud. Ils ont opté pour des verres réutilisables, je trouve l'idée fantastique. Cela me fera un joli souvenir.

Le chocolat est vraiment divin. Je savoure sa crème onctueuse. Celle-ci vient me chatouiller le haut des lèvres.

- Penses-tu que nous devrions demander l'avis d'un expert ? Je pense que cela pourrait nous aider à redresser la marque et relancer les ventes. C'est drôle, nous sommes à une période propice de l'année et nous n'avons pas fait tant de bénéfices que ça, malgré la vente privée de début décembre.

Tiana écoute Rosie tout en hochant la tête. Elle croque dans un bretzel salé à pleines dents. Elle a l'air d'avoir retrouvé l'appétit. Elles discutent tellement de leur travail que je me m'écarte et je je flâne entre les chalets.

Un vendeur de savons et laits pour le corps au lait d'ânesse attire mon attention. Je connais cette marque, j'en vends dans ma boutique.

La femme enceinte aux dread locks me sourit. Elle est en train d'étaler une pommade pour les vergetures sur le côté de son ventre. Je jette un coup d'œil vers son flanc et remarque de grandes lignées violacées. Nous ne sommes pas toutes égales face à cela.

- Elles me démangent sans arrêt, fait-elle d'une voix roque.

- Je connais, répondis-je, j'utilise une lotion achetée en pharmacie mais elle ne fonctionne pas vraiment.

- Oui puis nous ne savons pas ce qu'ils mettent comme cochonneries dedans !

Elle rend le tube de pommade au vendeur.

- Au fait, je m'appelle Asha et voici mon mari, Nathan.

- Salomé, dis-je à mon tour.

- Ouai c'est ce que j'ai compris , fait-elle en rigolant, tu es un sacré numéro. Mais je te trouve sympa. Pas comme elle.

Elle balance sa tête sur le côté afin de me montrer Liliane.

Celle-ci mange un énorme cookie à même la main de son jeune concubin. Elle lui lèche les doigts et minaude comme une adolescente.

Asha pouffe et mime le fait de vomir. Son visage métissé se fend d'une grimaçe. Elle me fait un clin d'oeil et regarde l'étalage devant elle.

Le vendeur me tend un tube et j'ôte mon gant pour qu'il puisse me mettre de la crème sur la main.

Je lâche mon gobelet et celui ci rebondit jusqu'aux pieds des vacanciers à côté de moi. Un vieil homme peste et une dame souffle de mécontentement.

- Vous ne pourriez pas faire attention ? Sa voix aiguë et pincée de vieille bourgeoise me fait dresser les poils sur la tête.

Je me baisse en tenant mon énorme ventre et ramasse mon gobelet. Nous pouvons noter qu'aucune personne ne s'en est donné la peine.

À quoi bon ? La nature humaine m'étonnera toujours .

- Elle ne l'a pas fait exprès !

Asha réprimande la vieille dame. Elle la sermonne sur le fait que les jeunes sont nettement plus polis que les personnes âgées.

Je tourne la tête et j'aperçois les vieilles chaussures marrons d'Oscar.

Il ne manquait plus que ça !

Il m'aide à me relever et m'entraîne plus loin, sa main agrippée à mon bras. Il marche étonnement vite.

- Doucement ! Je n'en peux plus ! Tu marches trop vite !

Je respire bruyamment et le fusille du regard, le souffle coupé et la main sur mon flanc.

- Tu sais ce que ça fait de courir avec dix kilos de plus ?

- Où es-tu passée hier soir ? Ce n'est pas cool de nous avoir laissé en plan. Ariette était déçue !

Allons bon ! Il ne va pas me faire avaler ce genre de chose. Je pourrais d'ailleurs lui retourner la question, mais je n'ai pas envie qu'il me tenaille avec ses remontrances.

- Tu as disparu aussi et je me faisais chier !

Ma voix , un peu trop forte attire le regard désapprobateur des parents qui m'entourent. Certains cachent les oreilles de leurs têtes blondes.

Je me jure intérieurement de ne jamais devenir comme eux.

- Salomé ! Ne fais pas l'enfant , tu pouvais m'en faire part. Si tu ne voulais pas te joindre à nous , je pouvais le comprendre.

Mais quel idiot. Il essaye de retourner la situation à son avantage. Il croit m'impressionner, mais je ne vais pas me laisser faire.

Fini la Salomé molasse et introvertie.

Je m'avance vers lui, les yeux froncés. Je tente une réplique mais il passe un doigt au dessus de mes lèvres afin d' essuyer les traces de chocolat.

Je me recule subitement, choquée par son geste.

- Arrête tu vas me faire craquer ! Il rit devant ma consternation. Il fallait me le dire que tu avais encore des sentiments, je peux le comprendre.

Hein ?

- En même temps je t'ai largué comme une vieille chaussette. Ariette n'était qu'un amusement et je me rends compte que tu as besoin de moi. Je suis prêt à faire de nombreux sacrifices pour que notre enfant ne manque de rien !

Il pose sa main sur mon ventre sans ma permission. Je tressaille, parcourue d'un frisson de dégoût. Un relan de nougat me remonte. Je me mets à pleurer.

Pourquoi ? Je n'en sais rien , ce n'est pas à cause de ses paroles car je n'en ai rien à faire. C'est plutôt ce sentiment d'être démunie et prise au piège.

Il ne comprend pas que je ne veux plus de lui. Il m'agace oui, c'est ça, il m'énerve. Je tape sur sa main, je lui balance mon gobelet en pleine figure et je me faufile dans la foule sans me retourner. Haletante comme une chamelle en plein désert, je m'arrête les mains sur les hanches et je regarde autour de moi. Je l'entends m'appeler. Je m'enfonce plus loin à travers les sapins enneigés. Ça monte un peu et le brouhaha du marché de noël me semble éloigné.

Je tape sur un tas de neige et hurle comme une truie. C'est un rocher ! Mon pied endolori me fait souffrir. Compressé dans ma bottine, je sens mes pulsations battre. Si je la retire, il ne sera plus possible de la remettre mais tant pis, je prends le risque. Je la dégage de mon pied et pose celui ci dans la neige. J'ai l'impression que qu'il fume mais en réalité il me brûle et mon gros orteil devient bleu.

Quelle idée stupide encore une fois.

Je sautille sur place et m'appuyant sur mon pied douloureux, je m'avance plus loin. Je découvre un petit bosquet de sapin et je décide de m'installer sur un énorme rocher. Il est glacial , mes fesses sont anesthésiées. Je masse mon pieds, le froid me soulage tout de même.

Cette quiétude soudaine n'est pas désagréable et l'absence d'Oscar est totalement jouissive. Le nez en l'air, je respire l'air sec et frais.

Je me remémore sa tête lorsque je lui ai balancé mon gobelet. J'avoue y avoir été un peu fort.

Ça lui apprendra, au moins, il comprendra. Si ce n'est pas le cas, je vais devoir prendre mon courage à deux mains et me comporter comme une adulte. À vrai dire, cette option ne m'enchante pas du tout.

Mon téléphone vibre. Rosie me demande où je suis.

Elle a enfin percuté que je ne les suivais plus.

« Je me promène ».

« ok !».

Mon pied est moins douloureux. Comme je l'ai prédis, il a un mal fou à se glisser dans ma bottine.

Il est énorme mais cela n'est pas dû à mon délicat coup dans ce rocher de malheur mais plutôt à mes dix kilos ( c'est bon, si je vous le dis ! ) en plus.

Je me lève et je marche jusqu'au marché de noël. Le trajet me semble plus long que tout à l'heure. Tout se ressemble. Le temps s'est légèrement assombri et l'air est plus humide. Je cale mon bonnet correctement sur ma tête puis j'entoure mon cou de mon épaisse écharpe. Les mains dans les poches , je marche tranquillement. Je ne suis pas tellement rassurée, nous sommes seules, mon bébé et moi. La place qu'occupe ma congénère est nettement plus confortable que la mienne. Mais en tant que future maman je me sacrifie. Je lui interdirais de regarder les dessins animés jusque l'âge de dix ans et je lui mangerais tous ses chocolats.

Bah quoi ? Ce n'est pas ce que font déjà la majorité des parents ?

Si ce n'est pas le cas, je trouve cela triste.

La neige commence à tomber à gros flocons et vient s'écraser sur mon visage. Je renifle, mon nez doit ressembler à une grosse tomate bien rouge.

Je n'ai pas l'impression d'avoir pris le bon chemin mais cela ne m'inquiète pas plus que ça. Je suis toujours dans le domaine et il n'est pas indiqué que des animaux dangereux avaient pris domicile ici.

Un drôle de cri d'oiseau se fait entendre. Je ne trouve plus cela drôle à présent. Mes pieds s'enfoncent dans la neige et je commence à avoir une démarche de nageur palmé.

Je ramasse une grande branche et je tente de pousser cette neige mais elle est complètement glacée et elle croustille quand je l'écrase.

J'aimerais être en ce moment même dans ma chambre à déguster mon nougat.

Je me rends compte que je l'ai oublié sur le marché . Il n'y a pas de doute, ma journée est définitivement gachée !

Je bascule en arrière et mes fesses viennent prendre empreintes dans la neige. Je hurle de rage et me laisse tomber sur le dos.

- Fait chier putain ! Vous m'entendez bande de parents dégénérés ? Et oui je dis des gros mots !

Un bruit de craquement se fait entendre derrière moi et je me redresse aussi vite que je le peux.

J'espère que ce n'est pas un tueur en série , qui va tenter sur moi une césarienne low-cost en plein bois. Mon enfant sera élevé par un fou qui l'habillera avec des guenilles et l'affublera d'un prénom numérique horrible ou de pays à la con.

Je me suis stoppée et ma respiration fait de la vapeur devant moi. Bébé se tortille dans tous les sens. Ce n'est pas le moment de faire des pirouettes, moi aussi je me gèle les miches.

Une violente douleur m'assaille sur le flanc, je gémis de douleur. J'espère que ce n'est pas ma chute qui ait provoqué des contractions.

Je souffle, j'inspire et j'expire . Je cherche mon téléphone pour trouver ma leçon audio.

J'inspire , j'expire . Mes doigts engourdis ne le trouve pas.

Je vais mourrir. Une deuxième douleur pire que la première me brûle de l'intérieur.

Je m'agrippe à un arbre.

Ne paniquons pas. La douleur va sûrement diminuer si je marche. Mais oui ! Lors de contractions, il faut bouger.

Je fais quelque pas et je viens percuter quelque chose de mou devant moi. Je hurle et frappe avec mon bâton.

- Mais ça ne va pas ! Arrêtez ça !

La voix de Flavien me parvient jusqu'aux oreilles.

Avec la neige qui tombe et le brouillard qui s'est installé, je ne l'ai pas reconnu.

- Tout le monde vous cherche, que faites-vous ici seule ?

Son ton est réprimant. Il me regarde l'air sévère.

-Je vous ai entendu hurler, êtes-vous sûre de vous sentir bien ?

Je secoue la tête négativement. Mes lèvres engourdies et crevassées m'empêchent de répondre convenablement.

Une troisième douleur m'envahît et pliée en deux, je sens les larmes coulées sur mes joues.

- Salomé ! Qu'y a-t-il ? Penché vers moi, il dépose une main sur mon dos.

- Il faut que je vois Alva! De toute urgence.

Il agrippe mon bras et m'emmène loin de cet endroit. Son pas est rapide et silencieux . Je remarque plusieurs fois sa mâchoire se contracter. Lorsque nous arrivons devant le marché de noël, je me rends compte que j'ai tourné en rond et que je n'étais pas si loin que ça. Mon corps est engourdi mais comme prévu la marche a légèrement atténuée la douleur. Je suis exténuée et livide.

Rosie et Tiana nous rejoignent soulagées. Essoufflées et rougies par le froid, elles me posent un milliers de questions dont je n'ai pas spécialement envie de répondre.

Oscar se rapproche aussi, bombant le torse et braillant que c'est lui le père. Il m'attire vers lui et les mains de chaque côté de mon visage se penche vers moi. Il me demande comment je me sens. Son haleine empeste le vin chaud. Je grimace et de ma voix à peine audible, je lui demande de s'écarter.

- Quoi ? Parle plus fort je n'entends rien. Il respire fort et provoque de la fumée avec son haleine.

- Casse toi, dégage , lâche moi !

Ma voix est cassée, je lâche un haut-le-coeur.

- Elle ne sait pas ce qu'elle dit, elle doit être sous le choc, écartez vous, je l'emmène à l'hôtel où elle pourra se reposer.

Sa voix traînante m'irrite.

-Il faudrait qu'elle consulte Alva leur animatrice, fait Flavien d'une voix posée.

- Je vous demande pardon mais qui êtes-vous ?

Il le toise méchamment en bombant toujours le torse.

- Elle n'est visiblement pas en état d'être seule, il faut qu'elle soit auscultée.

-Mais attendez, je vous reconnais ! Vous étiez avec elle à la soirée. Je suis désolée mon vieux mais je la connais mieux que vous.

- Pas si bien que ça apparement. Elle vous demande de la laisser et vous continuez à jacasser à côté d'elle, ne voyez-vous pas qu'elle a besoin d'espace ?

Il écarte les bras autour de lui et Oscar, piqué au vif s'approche de lui furieux et menaçant.

Attendez Oscar veut se battre ? C'est le monde à l'envers. Il est aussi courageux qu'une limace.

Un jour, lorsque nous revenions d'un festival en plein air, un homme m'a abordé et a commencé à m'ennuyer. Oscar s'est caché derrière un mur et c'est un groupe de jeunes qui a prit ma défense. Depuis ce jour, lorsque nous sortions, je prenais toujours soin d'avoir ma bombe au poivre dans ma poche.

Dommage que je ne l'ai pas sur moi. J'aspergerais bien son visage afin qu'il me laisse tranquille.

Oscar commence à pousser rudement Flavien mais celui-ci, bras croisés sur son torse, ne réagit pas.

-Tu la ramène moins pauvre type! C'est bien tu comprends que tu dois te mêler de ce qui te regarde.

Là s'en est trop ! Appuyée sur une table de pique- nique, personne n'a l'air de se soucier de mon état. Le groupe qui s'est formé devant nous est devenu bien curieux.

J'attrape ma branche et je l'enfonce dans les fesses de Oscar . J'appuie tellement fort qu'il se retourne médusé et surpris de mon comportement.

- Écoute Oscar, quand je te dis de te casser ça veut laisse moi tranquille connard ! Quoi ? Vous voulez ma photo ? Demandé-je à deux vieilles harpies offusquées.

- Mais Salomé ....

- Non en fait ferme la ! Ta gueule ! oui c'est ça ta gueule ok ?

Je me crispe de douleur et la respiration saccadée, je me laisse tomber sur la table de pique-nique.

- Il faut l'emmener voir Alva ! S'impatiente Flavien.

Rosie et Tiana m'encadrent et nous sommes bientôt rejoint par la fameuse Alva qui buvant son café, l'air inquiet , m'escorte jusqu'à l'hôtel.

Elle dispose de tout un cabinet gynécologique. C'est étonnant. Le bien-être des femmes enceintes est au coeur de leurs préoccupations.

Installée sur la table d'examen, les pieds calés dans les étriers, je suis nerveuse.

- Contractions de braxton Hicks, Salomé. Elles ne sont pas dangereuses mais pensez à vous hydrater. Et surtout, pensez à lever le pied ! Le yoga aide beaucoup.

Le yoga oui, biensur, je suis aussi souple qu'une planche à repasser.

Puis lever le pied ? Il faudrait déjà que j'arrive à enfiler ma culotte et mon pantalon sans l'aide d'une chaise ou d'un tabouret.

Si ces contractions étaient fausses, je ne veux pas imaginer les vraies. Je retourne à ma suite et je ressasse ma journée.

Oscar a vraiment été odieux avec Flavien. Il me conforte dans l'idée qu'il est toxique et que je n'ai pas besoin de lui.

Je suis peinée quand même pour Flavien.

Je me dirige vers sa chambre. Je reste plantée devant sa porte comme une godiche.

Il veut peut être qu'on le laisse tranquille, il n'a peut être pas envie d'être en ma présence après ce qu'il s'est passé.

Je peux toujours essayé de toquer et s'il m'envoie promener, je ferais demi tour.

Je tape de petits bruits secs sur sa porte. J'espère que princesse Mallaury ne va pas m'ouvrir. Cela m'inquiète seulement maintenant. Mais qu'est ce qu'il m'a prit ?

J'entends du remue ménage. Il ouvre en grand la porte. Sa taille est enveloppée dans une serviette de bain et ses cheveux mouillés coulent sur le haut de ses épaules carrées.

Nous sommes quitte apparemment. Compte-tenu, qu'il m'a, lui aussi, vu dans le même accoutrement il y a quelques jours.

Je reste stoïque, les yeux grands ouverts, m'interdisant de regarder son corps.

- Oui ? Finit-il par dire pour couper le silence.

-Je pense que je reviendrais plus tard , vous avez l'air occupé.

Je tente de faire demi toute, mais il lève deux doigts et referme la porte.

Non mais alors là ! Il faut vraiment que j'apprenne, non seulement, à tourner ma langue mais aussi à tourner mes connexions cérébrales. Des idées absurdes, j'en ai à la pelle, mais celle-ci arrive en haut du podium.

Il ouvre de nouveau la porte. Il s'est habillé avec un simple t-shirt noir et un short en coton.

Je pince les lèvres et il m'invite à rentrer.

J'hésite, j'ai peur de me trouver face à sa copine foldingue. Je risque de me sentir encore plus honteuse.

- Elle n'est pas là.

A-t-il lu dans mes pensées ?

J'entre et je découvre que sa suite est tout aussi grande que la mienne. Il a ouvert en grand les fenêtres. Cherche-t-il à avoir une pneumonie ?

- Je tenais à vous remercier pour tout à l'heure et par la même occasion m'excusez pour l'attitude odieuse d'Oscar.

Je triture mes doigts et mon regard croise le sien.

- Vous n'avez pas à vous excusez de son comportement. Il ne mérite pas qu'on lui donne autant d'importance.

Ok, c'est fait. Je l'ai quand même remercier mais il n'a sans doute pas entendu, ce n'est pas grave.

- Je vous laisse , j'ai des choses à faire je ne vais pas gaspiller votre temps plus longtemps, bonne soirée !

Je me dirige vers la porte , je ne suis pas à l'aise du tout.

J'ai chaud malgré les fenêtres ouvertes.

- Vous faites quoi ce soir ?

Sa voix est très douce et grave à la fois.

- Je vais rester dans mon appartement, avec les filles, elles ont tenue à rester avec moi ... soirée zapping . Nous allons nous gaver de pop corn . En pyjama. Je dois lever le pied apparement.

Je parle de façon saccadée. J'ai l'impression d'être la voix d'un GPS.

- Du pop corn ? Je ne me rappelle pas en avoir manger.

Il laisse ses yeux dans le vague et je ne sais par quelle circonstance je lui demande de se joindre à nous avec l'entière conviction qu'il va refuser.

Qu'est ce qu'il me prend ? Biensur qu'il va refuser !

Mais il accepte et je lui réponds que je suis ravie.

Je ne suis même pas honnête avec moi-même ! Tu me déçois Salomé.

Je n'ai plus qu'à avertir les filles que nous seront quatre , elles vont me poser des questions et je devrais leur dire : « les hormones me ramollissent le cerveau ».

- En pyjama ! Pas de tenue solennelle. Donc pas de gêne , pas de moquerie non plus !

- Ce n'est pas du tout mon genre . Il plisse les yeux et un instant, je m'imagine dans mon pyjama à côté de lui. La honte. Il faut absolument que j'en trouve un qui cache entièrement mon ventre.

Je sors de chez lui et je rentre comme une furie chez moi. Enfin vous comprenez.

J'ouvre les placards et je farfouille dans le tas de vêtements devant moi.

Le pilou pilou ? Je le jette derrière moi .

Le pantalon à carreaux et le t-shirt aux manches longues avec un renne ? c'est dans le thème du moment.

La nuisette ? La nuisette ! Elle n'a rien à faire là dedans et je ne suis pas sûre de savoir me glisser dedans. Ce n'est pas du tout le moment ni l'endroit. Il faut être impeccable pour porter ce genre de vêtement de nuit : Jambes rasées, aisselles épilées, corps douché, svelte et musclé. Pour l'instant nous allons nous arrêter sur le mot corps. Le reste ? Nous verrons plus tard.

Je finis par prendre un bon bain moussant.

Je reçois un texto d'Oscar qui me demande comment je vais.

Je lui envoie un doigt d'honneur.

Je n'ai pas envie de passer par quatre chemins.

« Très drôle Salomé ».

« Il va falloir que l'on ait une discussion, je n'ai pas aimé l'attitude de ton ami »

L'attitude ? Il est resté hyper calme et avenant tandis que toi tu as été un affreux personnage.

Oui, j'essaye de parler plus convenablement. Je dois me ressaisir , lorsque mon enfant sera là je ne pourrais plus passer mon temps à dire des grossièretés.

« Je suis prêt à venir te voir là pour que l'on en discute »

« Non merci »

« Je suis devant ta porte »

« Reste s'y »

« De ta salle de bain ! Tu n'as pas fermé ta porte je suis rentré »

- sors d'ici ! Hurlé-je

Il se prend pour qui ? S'en est trop.

Je sors de mon bain et j'enfile un peignoir. L'eau du bain dégouline de mes jambes et j'ouvre en grand la porte.

- Qu'est ce que tu veux ?

Je le mitraille des yeux. J'ai envie de l'étouffer.

Il a un sérieux problème.

- Te parler ! Je sens bien que tu m'en veux.

- T'en vouloir est un doux euphémisme.

- Écoute on ne va pas être fâché toute notre vie. Lorsque notre enfant sera là, il aura besoin de nous deux . J'ai merdé Salomé je le sais , mais n'étais-tu pas la première à donner une seconde chance aux autres ? Même lorsqu'ils t'avaient trahis ? Tu mettais toujours notre couple avant tout le reste , rien ne comptait plus que notre amour.

- Et Ariette ? Elle aussi faisait partir de mes priorités ?

- C'était une erreur ! Monumentale !

- Tu te l'ai tapé aussi ou comment ça s'est passé ? Tu ne t'ai pas gêné pour l'embrasser l'autre soir.

- Elle allait partir et ...

Je lui envoie ma main en pleine figure. Il me regarde stupéfait, la main collée sur sa joue.

- Tu ne peux pas me faire ça. Tu m'aimes encore ça se voit. Notre histoire était écrite comme ça , tu ne peux pas me laisser.

- Tu ne t'ai pas gêné pour me virer de ta vie. Ou c'est peut être toi qui m'aime encore ?

Mon ton est cassant et piquant. Penser qu'il a encore des sentiments pour moi me rend vulnérable.

J'ai envie de le massacrer sur place. C'est une ordure. Pourtant, lorsque il attrape ma nuque pour m'embrasser, je ne le repousse pas. Ses lèvres sont chaudes. Au bout, de quelques secondes (ou minutes ) je m'écarte de lui , abasourdie la main sur mes lèvres.

- Tu vois ! Je le savais ! Salomé donne moi cette seconde chance. Je te promets, je ne te ferais plus de mal, j'ai besoin de toi.

Il pense que je vais tomber dans son panneau et j'aime l'idée qu'il se fasse des films. Mais jouer sur ce terrain glissant risque de m'attirer des ennuis. Je préfère en rester là. Nous dirons que c'était notre baiser d'adieu.

Je plaque mes mains sur son torse et le pousse violemment. Il bascule en arrière et fait tomber un vase. Celui-ci se brise en milles morceaux. Encore une facture qu'il devra régler.

- Mais qu'est ce qu'il te prend? Tu es devenue complètement folle !

- C'est seulement maintenant que tu le remarques ?

Mes yeux lancent des éclairs.

- C'est quoi ton problème?

- Mon problème c'est toi ! Il m'a fallu des semaines entières pour t'oublier, pour digérer ta trahison. Pour me reconstruire, j'ai vu une psychologue. J'ai passé mes rendez-vous chez le gynécologue toute seule. Tu arrives la bouche en cœur en prétextant que tu m'aimes ? Alors qu'il n'y a pas deux jours tu étais dans les bras d'une autre! Va-t-en Oscar ! Va-t-en avant que je ne te trucide.

- Tu le regretteras , viendra le jour où tu auras besoin de moi.

- Pour l'instant c'est de ton absence dont j'ai besoin.

Je m'avance vers lui férocement.

- Je veux que tu arrêtes de me suivre et de m'envoyer des messages. Je veux que tu m'ignores, compris ? J'ai voulu te faire chier en prenant tes réservations, mais maintenant je suis en vacances et je n'ai pas besoin d'une source de stress comme toi. Alors fous le camp!

Je hurle de rage , les yeux emplis de larmes . Les poings serrés.

Il part silencieusement et claque la porte. Je suis tellement blessée et en colère que mes larmes coulent.

Il m'a mis dans une rage folle et j'ai dû mal à me calmer. Je range mon bardât et j'enfile mon pyjama, celui avec le renne et le pantalon à carreaux. Je m'allonge sur le lit , mon coussin d'allaitement entre les jambes.

Je prends mon téléphone, je crée un groupe de discussion et j'annule la soirée. Je prétexte que je ne suis pas bien et que j'ai besoin d'être seule.

Je ferme les yeux. Bébé n'a pas besoin de sentir tout cette nervosité.

Elle est devenue bien calme et n'a pas bougé depuis tout à l'heure.

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