Positiver

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Lorsque j'ouvre la porte, emmitouflée dans un gros plaid, je suis surprise d'y trouver Rosie, Tiana et Flavien.

Ils ont tous amené quelque chose à grignoter. Malgré mes protestations, ils entrent et s'installent.

La main sur la poignée, je reste statique. Mon visage doit être bouffi et mes yeux rouges écarlates.

- Tu comptes passer la soirée debout entre ta chambre et le couloir ? Me demande Rosie.

Elle s'avance vers le canapé et le bascule. Je découvre qu'il peut se mettre en position couchette.

Elle installe de gros coussins et une multitude de plaids.

Tiana s'affaire autour de la table. Elle sort un gros sachet de pop corn de son sac. Elle le verse méticuleusement dans un énorme saladier puis le dépose sur la table basse.

Quand à Flavien, il tamise les lumières à l'aide d'une télécommande.

Il faudra que j'observe ma suite plus en détail la prochaine fois. Ils ont l'air de mieux la connaître que moi. Aucun ne se préoccupe de moi.

Je me dirige vers la salle de bain et je me rafraîchis le visage. Je tire sur mon visage pour le lisser. Ces derniers mois, mon visage a perdu de son éclat. Mes heures de sommeil se volatilisent de jours en jours.

- Viens t'installer dans le fauteuil ! Ne reste pas debout ! Tu as entendu ce qu´Alva t'a dis ? Il faut te ménager !

Rosie m'attrape par les épaules et je me dirige vers le canapé. Je me laisse faire et je prends la place du milieu.

Je leur ai envoyé un message pour leur dire que j'annulais la soirée. Ils n'en ont pas tenu compte.

Connaissant Rosie, elle se jettera sur son téléphone à la première occasion et me demandera ce qu'il s'est passé.

Rosie et Tiana ont revêtu un pyjashort. Leurs jambes sont incroyablement longues et fines. Allongées sur ma droite, leurs pieds arrivent au bout de la couchette.

Flavien, installé sur ma gauche, a opté pour un t-shirt simple et un pantalon de pyjama à carreaux.

- Vos époux sont-il au courant ? Vous devriez rester avec eux, vous ne trouvez pas ?

- Ils sont en réunion avec un tas d'autres hommes d'affaire, ils s'amusent ne t'en fais pas.

Rosie attrape son téléphone et pianote dessus.

Je me tourne vers Flavien. Silencieux, il est droit comme un piquet.

- Êtes-vous sur de vouloir rester avec nous ? Nos conversations vont sûrement vous sembler ennuyeuses.

- Je pense le contraire.

Les mains posées sur les genoux, je reste silencieuse. Bébé gigote après être resté étonnement calme. Je masse mon ventre et je regarde Tiana s'évertuer à trouver le bon HDMI.

Elle passe la télécommande à Rosie. Celle-ci me l'a donne. Je la tends à mon tour à Flavien.

Il clique sur des boutons, l'écran d'accueil apparaît et il choisit une chaîne au hasard.

Nous tombons sur des hurlements de femme. Celle-ci pousse des cris atroces, la douleur transformant son visage.

Il a cliqué sur la chaîne documentaire. Un reportage sur une maternité de la région est diffusée.

Je me redresse rapidement. Les yeux rivés sur l'écran.

Pourquoi hurle-t-elle comme une hystérique ? N'a-t-elle pas la péridurale ? Ils sont longs en plus ! Le père tombe dans les pommes. Il faut qu'ils gèrent ce pauvre papa en plus de tout le reste.

De ce côté, je suis plutôt sereine. Connaissant Oscar, il n'aurait pas aimé salir sa belle chemise Hermès, achetée en solde avec un rabais à moins cinquante pour-cent.

- C'est un film d'horreur ou un documentaire ? M'inquiète-je.

Je regarde l'écran à travers mes doigts.

- Changez de chaîne Flavien ! S'écrie Rosie, c'est angoissant ! Nous allons passer par là toutes les trois et je ne veux rien savoir.

Je me hisse hors du canapé, telle un orang-outan s'extirpant de sa grotte. Tout cela m'a perturbé, il me reste un peu moins d'un mois avant d'expulser mon petit obus.

- Où vas-tu ? Me demande en chœur les filles.

- Pisser ... j'écarte les yeux et j'évite le regard de Flavien. Il faudrait que j'apprenne à parler correctement.

- Je reviens ! M'empressé-je de dire.

J'ai chaud. J'ouvre la fenêtre et je passe rapidement ma tête hors de la salle de bain. L'air frais vient carresser mon visage.

Si je pouvais sortir complètement et me vautrer dans la neige, je le ferais volontiers.

Un craquement se fait entendre, je penche ma tête vers le bas afin d'observer ce qui m'entoure. Le corps posé contre l'embrasure de la fenêtre , je ne distingue rien d'anormal.

Ma nuque et l'arrière de ma tête sont soudainement ensevelis sous une épaisse couche de neige. Je ne me peux m'empêcher d'hurler comme une folle.

- Ce n'est pas possible Salomé ! Tu attires la malchance !

Rosie est arrivée en courant et avec l'aide des deux autres, ils me conduisent dans le salon .

- Nous allons t'attacher afin que tu arrêtes de provoquer des catastrophes. Tu dois te reposer !

Gelée, je m'emmitoufle dans un gros plaid.

Facile à dire quand tu ne tiens pas en place. Je suis une pile électrique.

Je me disputais souvent avec Oscar à ce sujet. Monsieur pantouflard n'aimait pas sortir le week-end. Mis à part les vacances de noël et celles d'été, nous restions à l'appartement. Lorsqu'il voulait sortir, c'était toujours par intérêt :

Les conférences de Tartempion et Trucmuche.

Ce qui me plaisait, c'était principalement les buffets. Mais je savais me tenir, je ne me servais qu'une fois sinon il convulsait sur place.

Tiana finit par trouver un film, « Maman j'ai raté l'avion ». C'est le film de noël par excellence.

Celui qui pense le contraire peut prendre la porte directement ! Je ne le retiens pas.

C'est le film qui passe tous les ans. Nous le connaissons par cœur mais nous le regardons sans se lasser.

Oscar me riait au nez lorsque je le regardais. Il ne voulait jamais m'accompagner et il s'installait dans le canapé. Il visionnait le film tout en jouant avec son téléphone.

Tout le monde pioche dans le saladier. Rosie bâille plusieurs fois, si bien que tout le monde en fait autant.

Les filles frottent leurs yeux plusieurs fois et : un deux, trois fermez les yeux .

- Petites joueuses dis-je à voix basse.

Je me tourne vers Flavien, qui la mine fatiguée, me regarde en souriant . Il a passé un bras au dessus du fauteuil et je n'ose pas m'appuyer dessus.

Il ôte un morceau de pop corn de ma chevelure et plonge son regard dans le mien.

Alerte maximale.

Qu'est- ce qu´il m'arrive ?

Une drôle de sensation m'envahit. Intimidée, je détourne le regard. Ça ne doit pas se passer comme ça. Je baille à m'en décrocher la mâchoire et il se met à rire.

- Reposez- vous Salomé ! Vous en avez besoin.

Il baisse son bras et je m'installe, les yeux rivés sur l'écran.

- Vous n'êtes pas obligé de rester... Vous avez peut-être mieux à faire ?

- Je m'amuse bien ici , votre compagnie est sympathique.

Il prend une grosse poignée de pop corn et l'englouti.

Je ne le pensais pas aussi gourmand !

Je rougis de la tête au pieds. Je n'ai jamais autant été gênée par un compliment. Il s'installe confortablement et regarde le film.

Je me tais et je ne l'embête plus. Son téléphone bipe plusieurs fois mais il ne répond pas. Sa main effleure la mienne lorsqu'il se lève pour couper la sonnerie.

Je pense que Mallaury ignore la chance qu'elle a. Il a l'air serviable et d'une gentillesse sans égale. Je sais qu'une fois les portes fermées , nous ne savons pas ce qu'il se passe.

Mais pour l'instant, il est enfermé avec moi et je trouve que cela se passe plutôt bien.

Il a de beaux yeux bruns et un visage tellement doux. Ses cheveux châtains sont soyeux et il faut vraiment que j'arrête de le mater car il va me prendre pour une fille intéressée.

Plusieurs fois, il me toise du coin de l'œil et contracte sa mâchoire , un sourire aux lèvres.

Son parfum est si apaisant que dans un long bâillement, je me laisse tomber dans les bras de Morphée.

- Regarde là ! Elle sourit ! Tiana prend ton appareil, il faut immortaliser cet instant.

J'entends du remue ménage mais mes yeux refusent catégoriquement de s'ouvrir.

Arrêt sur image.

Pourquoi Rosie et Tiana rigolent près de moi ?

Il me faut quelques secondes pour remettre la situation en place. J'ouvre les yeux et je suis couchée dans le salon.

Ok.

Je me trouve dans le canapé couchette .

Ok .

Ma tête est posée sur le torse de Flavien qui dort encore paisiblement.

Pas ok du tout.

Je me lève et sa main posée dans le creux de mon dos me fait tressaillir.

Depuis combien de temps dormons-nous dans cette positon ?

Je prends son bras délicatement et le passe au dessus de moi.

Rosie et Tiana pouffent et je leur mime de faire moins de bruit. Tiana forme un cœur avec ses doigts et se met à glousser.

Rosie, quand à elle, frotte ses deux index l'un sur l'autre et jubile.

N'importe quoi !

J'ignore ce qui s'est passé cette nuit.

Même si cela est plutôt agréable, il n'y a aucune ambiguïté.

Elles n'ont pas l'air de cet avis.

Elles ont préparé un petit déjeuner et elles sont déjà habillées. Elles m'annoncent qu'elles ne restent pas .

- Déjeune en bonne compagnie chérie ! Rigole Rosie

- Arrêtez ça ! Chuchoté-je, ne me laissez pas toute seule !

Lorsqu'elle partent, j'essaye de changer de position. Mon gros ventre m'empêche de me mouvoir convenablement. Flavien se frotte les yeux. Surpris de me voir penchée au dessus de lui , il se redresse subitement. Je m'écarte de lui, pinçant les lèvres et je descends du canapé.

Je baille et je prends la direction de la salle de bain.

- Déjeunez ! Dis-je lorsque je sors de celle-ci. Elles nous ont préparé un festin, cela me ferait plaisir de déjeuner en votre compagnie. Enfin si vous le voulez, je ne vous force pas. Je ne voudrais pas que vous pensiez que j'essaye de profiter de la situation, bien au contraire . Vous êtes charmant mais ... non je ne veux pas dire ça ... enfin ce n'est pas que je ne le pense pas, mais en fait, peut être un peu, mais vous pouvez manger ici, mais si vous préférez déjeuner en bas c'est comme ...

Il s'avance et enfourne un petit pain au chocolat dans ma bouche. Il explose de rire devant mes joues grossies par la viennoiserie.

- Vous parlez trop ! Dit-il dans un bâillement.

Je retire le petit pain et le contemple , effarouchée.

- Salomé, j'apprécie votre compagnie sincèrement ! Mais vous devriez manger un peu vous aussi.

Je croque dans mon petit pain et je déjeune silencieusement.

Je m'exaspère. Il faut toujours que je me donne en spectacle. Il n'y a que nous deux. Ses yeux rieurs se posent plusieurs fois sur moi. Il est calme . J´ignore comment il fait pour le rester. Moi j'ai un besoin viscéral de parler.

Sûrement parce que je suis heureuse en ce moment. J'aimerais comprendre pourquoi sa présence me rend si euphorique.

Il est vrai que je suis célibataire depuis deux mois. Il ne m'est jamais venu à l'esprit de me remettre avec quelqu'un.

Je ne pense pas que les hommes me regardent compte-tenu de mon physique actuel. Cela pourrait faire peur à plus d'un !

La seule chose qu'ils puissent remarquer est mon imposante poitrine. Celle-ci m'a déjà provoquée des soucis et j'ai déjà pu en faire preuve depuis le début de mon séjour.

Je n'ai jamais pensé que je puisse plaire. Je ne suis pas comme Oscar, je ne tourne pas la page aussi vite.

Parfois, j'angoisse. Je me demande l'effet que cela fait d'élever un enfant seule ?

Heureusement que je suis entourée de mes parents.

La première phrase de ma mère lorsque je lui ai exposé la situation a été très expéditive : « tu vas le garder Salomé ? Cet enfant a besoin de deux parents qui l'aiment. L'élever seule sera compliqué, t'en sens tu capable? »

Mon père m'a élevé seul pendant qu'elle sortait et s'amusait. J'ai parfois l'impression qu'elle regrette ses choix de jeunesse. Elle en parle très peu, il m'est difficile de la comprendre.

Je suis persuadée que j'y arriverais. En tout cas, j'aimerais lui prouver. Selon moi, il n'est pas nécessaire d'être deux pour élever un enfant. Ma mère pense que je n'en suis pas capable.

Elle ne m'a pas envoyé de message depuis mon arrivée. J'en reçois un, quasiment, tous les jours de la part de mon père.

Elle n'a pas cette fibre maternelle. Elle m'a élevé mais j'ai l'impression que je n'étais pas son premier choix.

Lorsque nous nous quittons, je me prépare tranquillement.

Aujourd'hui est une journée paisible. Alva veut nous ménager car noël arrive à grand pas.

Arrivée dans l'espace bien-être, je me dirige vers la salle de massage et soins du corps.

Assise à califourchon sur l'un des fauteuils, la poitrine contre celui-ci, je dénoue le haut de maillot de bain qu'ils nous ont fourni. Prenant soin de ne pas écraser mon bébé, je laisse la masseuse passer ses mains sur la peau de mon dos. Elle a de la magie au bout des doigts. Elle roule ma peau sous ses doigts chauds . Je me détends et profite un maximum de ce moment.

C'est la première fois que je prends soin de moi. J'ai souvent tendance à me négliger. J'avoue que parfois il est plus facile de me coiffer en vitesse et de prendre le premier vêtement de mon armoire.

Une fois le massage terminé, elle applique une crème à l'odeur agréable et fruitée sur ma peau . Une musique douce et apaisante sort des enceintes murales. Je suis détendue.

Je me trouve dans un autre monde, complètement déconnectée.

Je suis sortie de ma plénitude par d'horribles gémissements venant de Liliane.

Elle insiste pour que la dame, qui s'occupe d'elle, lui malaxe ses omoplates à l'aide d'un objet quelconque. Cette dernière semble extrêmement gênée.

- Plus fort s'il vous plaît ! Oui allez-y c'est tellement bon !

Elle se lève, la poitrine à découvert et sans complexe. J'enfuis mon visage dans le fauteuil, honteuse de son comportement.

Elle ramasse un flacon de lotion et le dépose dans la main de sa bienfaitrice. Celle ci refuse de s'exécuter. Liliane secoue les bras au dessus de sa tête, la menaçant d'en parler au directeur de l'établissement.

Elle finit par sortir de l'espace vêtue d'un simple string.

Je suis curieuse de voir la réaction des vacanciers devant sa tenue d'Ève.

Entre nous, quelle idée de mettre un string ! Nous ne voyons même pas la ficelle. Mes culottes en coton ultra confortables n'ont pas à pâlir.

La séance touche à sa fin.

Il est dommage que cela soit déjà terminé. La dame m' aide à attacher mon haut de maillot de bain et noue un paréo autour de ma taille.

Alva nous emmène vers le bassin. Elle nous laisse vaquer à nos occupations. Je m'assoie sur le bord et laisse mes pieds dans l'eau chaude. Je regarde les couples devant moi et les familles qui s'amusent. J'en suis à la moitié de mon séjour et je n'ai pas envie de partir . J'ai rencontré d'étonnantes personnes. Hormis le fait, que Oscar est présent ici même , mon séjour est plutôt sympathique.

Justement le voici qu'il s'approche de moi. Silencieux, il fait aller ses jambes dans l'eau.

- Écoute Salomé , je tenais à m'excuser de ce qui s'est passé entre nous.

Son regard est fixé sur l'eau du bassin.

- Nous sommes partis du mauvais pied , je pense que nous pouvons nous comporter en adulte juste une fois.

Pour le coup, je suis d'accord avec lui.

Je hoche la tête, il a l'air sincère. Je suis fatiguée de nos disputes et j'aimerais trouver un chemin d'entente.

- Marché conclu ? Il me tend sa main et je lui serre docilement.

Il attrape mes épaules et me serre contre lui. Il embrasse le haut de mon crâne.

- Qu'as- tu prévus ce soir ? Te connaissant tu vas te jeter sur la raclette qu'ils proposent !

Il rit de bon cœur et je me rends compte que cela m'avait manqué. Il n'arbore plus son rire de hyène et j'en suis ravie.

- Pas du tout. Je n'étais pas au courant !

En fait, je le sais mais j'ai envie qu'il pense le contraire.

- Ok ! On se voit ce soir ! Il s'éloigne et je fais de même. Il faut que je passe par la case genoux à terre, ce qui ne rien de glamour .

Niveau séduction ? Et oui !

Je croise le regard de Flavien. Son visage est fermé et sa mâchoire se contracte. Il attrape son sac et part aussi.

Je fais de même, jusqu'au moment où je me rends compte que j'ai oublié de me rhabiller. Je suis en maillot de bain dans le couloir qui mène au hall de réception. Merde !

Je n'ai que le paréo autour de la taille et le haut de mon maillot de bain.

Les gens paraissent abasourdi et certains pères de famille rencontrent le regard assassin de leurs épouses.

Je hausse les épaules et me précipite dans ma suite de luxe.

L'air frais du couloir me donne des frissons. Lorsque j'arrive à l'intersection du couloir, j'entends la voix mielleuse de Mallaury.

Elle n'avait pas disparue celle là ?

Postée devant Flavien, elle parle avec de grands gestes. Sa voix est si aiguë que je fais demi tour en vitesse. Cachée derrière le mur qui fait le coin, je les observe.

- Tu n'as plus rien à faire ici ! Je te laisse dix minutes pour prendre tes bagages et te casser.

- Ce n'est pas toi qui me donnera des ordres, j'ai un contrat !

- Ils t'ont pris seulement parce qu'on était fiancé ! Mais maintenant que nous ne le sommes plus, ils n'ont plus besoin de toi.

- Ils n'ont qu'à m'en faire part ! Excuse-moi, si tu le veux bien, j'ai d'autres chose à faire !

- Comme quoi ? Pianoter sur ton ordinateur toute la journée ?

Elle s'entendrait à merveille avec Oscar . Ils ont le même répondant !

Je mords mon poings pour ne pas rire. J'imagine Oscar et cette folle ensemble. Je ne sais lequel des deux morflerait le plus.

- Salomé qu'est ce tu fais ? Demande la voix de Rosie.

J'ouvre grand les yeux et lui fait signe de se taire.

Je recule d'un pas et elle me toise de la tête au pied. Je suis en maillot de bain dans un couloir d'hôtel luxueux, pieds nus et un paréo autour de la taille. Un sac est pendu à mon épaule.

Je n'entends plus les voix de Mallaury et Flavien. Ils ont dû rentrer.

Je m'avance , talonnée par Rosie. Curieuse, elle veut savoir ce que je fabrique .

- Tu es une fouineuse en réalité ! S'exclame-t-elle, après lui avoir expliqué la situation.

- Pas du tout ! Je rougis de la tête aux pieds , tout en enfilant une robe et des collants en laine.

- Il ne te laisse pas indifférente ...

- Pas du tout ! Je tire sur mes collants et les remonte dans une dégaine à faire pâlir les mannequins de grande couture.

- Menteuse ! Tu le dévores des yeux !

Elle sourit et me fait un clin d'œil.

- Pas du tout ! Je me regarde dans le miroir et lui demande ce qu'il l'amène

- Tu radotes ! Ce soir ils organisent une soirée raclette. Je suis certaine que tu es déjà au courant. Vais-je te voir t'empiffrer de fromage fondu ?

- Oui , mais je n'abuserais pas ça ! J'irais me servir qu'une seule fois.

- Super alors , nous t'attendrons. Elle me fait un bisou volant et s'éclipse par la porte.

Je ramasse les vêtements que j'ai semé un peu partout. Le saladier de pop corn trône encore sur la table.

J'entends une porte claquer violemment et des hurlements se produisent dans le couloir.

Je m'avance discrètement de la porte et je tends l'oreille. Mallaury a un sacré timbre de voix. Même à travers des parpaings, nous pouvons la reconnaître.

Silence radio.

J'ouvre ma porte et je découvre Flavien assis à côté de ses bagages.

Il ne lève pas les yeux vers moi. Ses avant-bras musclés sont posés sur ses genoux.

J'aimerais faire demi tour, mais ma curiosité est tellement forte que je m'avance et le fixe.

Mallaury sort à ce moment là. Elle verrouille la porte puis me toise en balançant ses cheveux derrière elle.

- Là où il y a des restes , la meute arrive. Vous n'avez aucun scrupule.

Son regard de biche me mitraille sur place.

- Vous n'êtes qu'une traînée, qui n'est pas foutu de garder son mec ! Vous cherchez un père pour votre mioche , c'est ça ? Vous n'arriverez jamais à ma cheville , vous et vos grosses fesses de sale opportuniste .

Je lève mon majeur vers elle. Surprise, elle rigole.

J'ai décidé de ne plus dire de gros mot. Je n'en peux rien, mon doigt s'est levé tout seul.

- C'est cela votre répondant ? Entre déchets vous vous comprendrez !

Elle tourne les talons et se volatilise.

Les mains sur les hanches, je la regarde. Flavien explose de rire puis s'essuie les yeux.

- Le coup du doigt d'honneur, c'était bien mérité.

Je hausse les épaules et je le lui tend la main.

Il la prend et se lève.

- Quels sont vos projets ? Je demande curieuse.

- Me trouver une chambre. Je crains qu'en cette période, ils n'aient rien à me proposer.

- Ah ... Je mords mes lèvres , j'ai très envie envie de lui proposer ma suite mais il trouverait cela déplacé .

- Que faites vous ce soir ? Me demande-t-il. Ils proposent une soirée raclette, je suis curieux de voir comment vous vous en sortez avec un poêlon brûlant et une montagne de fromage.

Il reste positif et garde son humour. Il vient pourtant de se faire humilier par princesse. Tout ce qu'il importe en ce moment c'est de manger.

Je ne relève pas sa moquerie. Ses sarcasmes sont sûrement son moyen de défense.

Cette soirée raclette a l'air d'enchanter pas mal de monde.

Je prends mon courage à deux mains et je lui propose de déposer ses bagages dans le hall de ma suite.

Je sais c'est très minable . Mais lorsqu'il accepte, je ne montre pas mon enthousiasme.

Il dépose ses bagages dans un coin de la pièce et part se rafraîchir. Son téléphone est resté sur la table et il se met à vibrer.

C'est chérie Mallaury qui lui envoie un sms.

Je balaye son écran et découvre une photo d'eux devant une gigantesque montagne. Lui en short et t-shirt et elle en croc top et mini short.

« Si tu te la tape, pas de risque de la mettre enceinte ».

Mais quelle mauvaise femme ! J'aimerais répondre mais cela ne me regarde pas. Enfin un peu, mais cela ne se fait pas.

Je verrouille son téléphone , le replace à sa place et je m'installe sur mon lit.

J'attends qu'il sorte pour aller me rafraîchir à mon tour et m'habiller autrement.

Lorsqu'il sort, un petit sac à la mais, je reste bouche bée. Il porte un jeans qui lui va parfaitement bien ainsi qu ´une chemise blanche . Il est très beau .

Je me précipite dans la salle de bain. Je prends une douche rapide. Emmitouflée dans un peignoir, je sors et tente de trouver quelque chose de convenable. Rosie et Tiana ne sont pas là cette fois ci. Je dois me débrouiller seule comme un petit oiseau hors de son nid.

- Petit oiseau si tu n'as pas d'ailes , ah tu peux pas voler !

Je chantonne dans mon dressing et je choisis une jupe noire et une jolie blouse.

- Tu peux pas voler non non non non. Petit oiseau si tu n'as pas d' ailes, tu peux pas marcher !

Je continue de chanter et sursaute lorsque j'aperçois Flavien posé contre la porte. Les bras croisés, il me fixe en rigolant.

- Je n'imaginais pas votre registre musical aussi riche.

Je gonfle les joues et je bafouille dans un jargon incompréhensible.

Il éclate de rire, en renversant sa tête en arrière.

Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de drôle.

- Arrêtez ça ! Je connais d'autres chansons !

Je passe devant lui. La tête haute, je m'aventure dans la salle de bain et je me prépare.

Cette jupe est splendide. Elle est assez large pour mon ventre et je pourrais m'empiffrer comme il se le doit.

Enfin, je pense car bébé en aura peut être décidé autrement.

Je brosse ma tignasse et je l'attache en une jolie queue de cheval.

Pas de fioritures ce soir. Raclette ne rime pas avec glamour, nous sommes bien d'accord.

Le supplément fromage me donnera des boutons sur la figure d'une façon ou d'une autre.

Lorsque je sors, Flavien est installé dans le canapé. Il est perdu dans son téléphone.

- J'ai appelé la réception, ils n'ont aucune chambre même dans les hôtels à côté.

Il ne lève pas les yeux et est accaparé par son téléphone.

- Vous pouvez rester ici si vous le désirer , il y a assez de place.

Je dois paraître complètement désespérée. Le message de Mallaury me revient en tête. Je ne veux pas qu'il se fasse de film.

- J'ai assez abusé de votre gentillesse.

Sa voix suave et douce me fait vibrer.

- Je ne vous force pas, simplement, sachez que cela ce ne me dérange pas. Je tourne les talons et fait la femme désintéressée . Je sens son regard brûlant sur ma nuque.

- Je pense rester une nuit alors. J'aviserais demain.

Je jubile intérieurement. Le sourire au lèvres, je prends ma clé et je lui montre la porte.

Il se lève dans une classe légendaire. Sa démarche est assurée et sa posture droite.

Je déglutis. Je ressemble à un pingouin en fin de vie lorsque je marche.

Ils ont installé les appareils à raclettes sur chaque groupe de table . La lumière est tamisée et un homme joue du piano sur la scène.

Rosie me fait de grands signes et je m'approche d'elle.

- J'ai cru que tu ne viendrais pas ! S'indigne-t- elle.

Tiana est à côté d'elle , elle sirote un cocktail sans alcool et croque dans le bonbon banane qui l'accompagne.

- Tu es venue accompagnée ? Me fait-elle en penchant la tête vers Flavien. Celui-ci est en grande conversation avec un des hommes du restaurant de l'hôtel blanc.

Leurs époux respectifs se joignent à nous et je prétexte que je dois me rendre au toilettes.

Je balaie des yeux la salle et je distingue Oscar. Seul, il consulte son téléphone. Je m'avance discrètement et je m'installe face à lui.

Il me regarde perplexe, tout en posant son téléphone.

-Salomé ! J'ai cru que tu ne viendrais pas !

Il se sont donné le mot ma parole !

Il avale d'un trait son verre de vin blanc.

- Je savais bien que l'appât de la nourriture te titillerait .

Il est convaincu de me connaître, mais il se trompe. Je n'ai pas envie de rentrer dans un débat sans fin avec lui.

Il a de nouveau le don de m'énerver. Cela n'aura décidément pas été long.

- Je dois te laisser .... Toilettes ! murmuré-je entre les dents.

Je quitte sa table. Rosie et Tiana sont en grandes roucoulades avec leurs époux. Oscar rigole à pleine dent avec une jolie serveuse qui s'est arrêté à sa table. Il reluque ses fesses indiscrètement.

Pauvre type !

Nikita s'avance vers lui et lui rempli son assiette de fromage et de charcuterie. Il proteste mais elle colle sa large main sur sa bouche.

Il se lève brusquement et renverse la bouteille de vin sur la nappe. Nikita se met à parler dans sa langue tout en épongeant le liquide répandu.

Je me rapproche de la sortie , à reculons. Cette vision me donne envie d'exploser de rire. Je percute quelqu un et lorsque je me retourne, je croise les yeux bruns de Flavien. Je souffle de soulagement.

- Je pensais que vous seriez restée plus longtemps.

Il tient dans sa main une coupe de champagne et le groupe de personnes auquel il était en conversation m'observe.

- Je dois y aller ! Bonne soirée !

Je le contourne et sors de la pièce. Je traverse le hall en trottinant et passe les portes tourniquet.

Je respire l' air frais et je soupire.

L'atmosphère à l'intérieur était oppressante. Les mains dans les poches, je marche le long du chemin. Le domaine regorge de paysages et de chemins de promenade. Je longe le petit bois et je me retourne lorsque j'entends quelqu'un courir derrière moi.

- Salomé, attendez !

Flavien me rejoint tout en enfilant son manteau et son écharpe.

Je m'arrête et le regarde incrédule.

Il est essoufflé et je me demande ce qui l'amène à me suivre. Il avait l'air d'être en bonne compagnie.

- Flavien que faites- vous ici ?

Je plante mes yeux dans les siens. Mon cœur s'accélère légèrement, il est séduisant malgré son sprint.

- Je n'avais pas spécialement envie de rester maintenant que vous êtes partie.

Piquée au vif, je me maudis de rougir comme une tomate.

Je regarde ailleurs afin qu'il ne voit pas mon embarras.

- Vous aviez l'air si enjoué de cette raclette, lui fais- je moqueuse.

- Je me suis posé la même question à votre sujet.

Il me sourit et se place en face de moi.

- Je n'en ai jamais fais illusion pourtant , mais tout le monde s'est donné le mot pour m'en parler.

- J'aimerais rester avec vous s'il vous plaît, accepteriez-vous de faire un bout de chemin avec moi ?

J acquiesce et j'avance . Son parfum me parvient aux narines et j'ai des papillons dans le ventre.

Bébé remue brièvement et vient me taper dans les côtes. Elle a l'air d'apprécier mon état d'âme et me le fait comprendre.

Je pense à cette raclette qui est servie en ce moment même. J'ai faim et mon ventre ne tarde pas à me le faire comprendre.

Je passe devant un chalet de noël. Je prends un café noir pour Flavien ainsi qu'un chocolat noisette pour moi. Il ne m'a pas remarqué et il continue d'avancer tout en parlant.

Je souris intérieurement et je le suis.

Lorsqu'il se tourne, il semble étonné de me voir derrière lui.

- Pour vous ! Je lui tends un gobelet et il l'attrape en effleurant mes doigts.

- Café noir sans sucre, c'est bien ce que vous prenez ?

- Oui ! Vous avez le sens de l'observation !

Ses yeux rieurs me perturbent.

Nous continuons de marcher en contemplant ce qui nous entoure.

Un petit jardin décoré de jolies guirlandes lumineuses se trouvent devant nous. Je m'installe sur les marches d'une statue représentant un homme du dix-huitième siècle.

Je souffle sur mon chocolat chaud, les mains autour de mon gobelet. Recroquevillée sur moi-même, Flavien vient se placer à côté de moi.

- Merci pour le café.

Il souffle aussi dessus, ses mains sont rougies par le froid glacial.

- Je vous en pris .

Je perds mon regard dans le paysage qui s'offre à nous. Les gens flânent dans le jardin, bras dessus dessous. Ils rigolent.

- Vous avez l'air de vous être réconciliée avec votre ex- compagnon ? Dit-il soudain, sa question pleine de sous entendus.

- Nous avons entrepris d'enterrer la hache de guerre, mais c'est très difficile avec lui. Il est d'une arrogance !

Je dépose mon gobelet vide à mes pieds. Je couvre mes mains de mes gants et les tapotent l'une contre l'autre pour les réchauffer.

- Il ne vous accompagne jamais aux animations, il devrait ... il n'est pas conscient de la chance qu'il a.

Sa remarque me surprend. C'est la première fois qu'il se confie à moi et je ne sais pas la façon dont je dois réagir.

- Pourquoi dites-vous cela?

- Comme ça! Parfois le bonheur est juste sous nos yeux et nous ne saisissons pas notre chance . Pour l'attraper.

Ses yeux bruns sont magnifiques. Ils possèdent une nuance tellement belle. La lumière des réverbères vient ricocher dans son regard. Ses pupilles dilatées lui donnent un regard envoûtant.

- Je ne pense pas que les activités pré-natales l'intéressent, entre nous, sa compagnie a le don de m'exaspérer ! Loin des yeux, loin du cœur.

Je masse mon ventre qui semble tendu. Bébé n'arrête pas de faire des pirouettes dans mon utérus. Ce n'est pas le moment , je suis apaisée et je n'ai pas envie de courir aux toilettes.

- Je pense que cela m'aurait intéressé ...

Il doit faire allusion à Mallaury. Quelle peste !

- Je n'aurais peut être jamais l'occasion d'y assister.

- Il ne faut pas partir défaitiste, je suis sûre que vous trouverez la perle rare. Il faut être patient.

- C'est plus compliqué que cela Salomé. Il se lève et dépose son gobelet sur le mien. Il semble tout à coup mal à l'aise et j'ai l'impression que notre conversation n'est pas agréable pour lui.

- Avez-vous songé à un prénom ? me demande t il, j'ai l'impression qu'il veut changer de conversation.

- Non pas vraiment , je ne sais pas encore le sexe , mais je suis persuadée que c'est une fille.

- Vraiment ? dit-il amusé , si j'avais l'occasion d'avoir une fille, je l'appellerais Paloma.

-Paloma ? Fais- je souriante.

- Oui c'est un symbole d'amour et de paix.

- Je ne vous savez pas aussi poète!

Un couple âgé passe devant nous. Ils déversent de la monnaie dans nos gobelets.

Surpris, nous les regardons s'éloigner et nous explosons de rire.

Je dois attiser de la compassion avec mon gros ventre et mon nez rouge.

Flavien a les yeux humides, sûrement à cause du froid.

Je prends la monnaie et je lui tends.

- Non non c'est pour vous.

- Je n'en ferais rien !

-Moi non plus ! Vous pouvez la mettre dans la tirelire de Paloma... excusez- moi de votre enfant!

Il rougit et se pince les lèvres.

Je le contemple. Il n'est pas méchant , il doit être adorable. Mallaury ne sait pas se qu'elle perd.

- Dites-moi Flavien, pourquoi n'avez vous pas réagit lorsque Mallaury vous a hurlé dessus ?

Ma question peut paraître déplacée , mais j'ai envie de savoir.

Après tout lui aussi m'a posé des questions assez indiscrètes.

- Ce domaine appartient à ses grands parents. Je n'ai pas tellement mon mot à dire.

- Tout de même, elle n'aurait pas dû vous éjecter comme cela ...

Il reste silencieux , je me montre trop curieuse je devrais arrêter ça !

- Ils m'ont contacté pour remettre de l'ordre dans leurs affaires, je n'étais pas ici en séjour. Ma mission est terminée , ils n'ont sûrement plus besoin de mes services.

Lorsque nous retournons à l'hôtel, nous remarquons que le restaurant est presque vide. Les vacanciers repus sont repartis. J'en profite pour aller aux toilettes .

Le Froid et la neige me provoquent des envies de pipis expéditifs.

J'ai faim, j'aimerais manger de la raclette moi aussi. Lorsque je sors des toilettes, Flavien me fait signe. Il s'est placé à une table et me montre une assiette garnie de pommes de terre.

- Pas de charcuterie pour vous Salomé ! J'ai cependant mis du jambon blanc, il n'y a pas de risque.

- Merci vous être adorable , mais êtes- vous sûr de vouloir m'accompagner ? Je ne mange pas proprement, vous risquez d'être choqué!

- Je ne raterais ça pour rien au monde. Entre nous, dit-il à voix basse, vous nous avez déjà montrer vos talents en matière de maladresse.

Il avale d'un trait son verre de vin.

La langue entre les dents, je le fixe. Mes yeux venant se déposer sur sa bouche. Je me concentre sur mon poêlon et nous mangeons tranquillement.

Je fais extrêmement attention à ne pas en mettre partout. Même lorsque que je dépose le poêlon bouillant sur la nappe blanche et que je provoque une auréole dorée.

Je frotte énergiquement dessus dans l'espoir d'atténuer la tache.

Flavien me fait un clin d'œil .

- Dix minutes ! Vous battez votre record !

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