Chapitre 30 : Les hommes, le sexe, l’orgasme et moi

6 minutes de lecture


J’ai commencé mon nouveau job le week-end qui a suivi cet ubuesque entretien d’embauche. Je suis arrivée en jupe et talons, la tenue obligatoire. Pour me faire désirer, j’avais intérêt à être jolie, donc je m’étais préparée soigneusement dans ma nouvelle salle de bain rien qu’à moi. Je venais d’emménager dans mon nouveau logement, seule, bien que je sois déjà à nouveau en couple. Force était de constater qu’il paraissait bien loin le temps où je ne sentais pas à l’aise avec les rapprochements physiques avec la gent masculine car, depuis un an, je cumulais les relations. Après ma rupture avec Nicolas, et ma liaison aussi brève que regrettable avec Jules, j’avais eu deux autres amants.

Le troisième s’appelait Antonin, et était... je vous le donne en mille, encore puceau. Je l’avais croisé le jour de mon troisième et dernier test au code de conduite. Nous avions participé à la même session, mais je le connaissais déjà d’avant car nous étions dans la même classe depuis des années. Nous ne nous fréquentions pas du tout, mais il avait suivi mes déboires médicaux, comme mes autres camarades, alors il était venu s’enquérir de mes nouvelles. Je ne me rappelle plus tellement comment cela s’est déroulé mais je me souviens très bien avoir accepté de le revoir, à moins que cela soit moi qui lui ai proposé.

J’étais clairement devenue une chasseuse. Quand une histoire se terminait, je fonçais dans la suivante sans prendre le temps de respirer. Alors Antonin, avec son air intello (ce qu’il était réellement au demeurant) m’a séduite sans difficulté. Et dans la foulée, je lui ai offert sa première expérience sexuelle qui, de mémoire, avait semblé plutôt le ravir, d’autant qu’avec mon petit palmarès, j’avais acquis un peu d’expérience. Le sexe me permettait de rendre quelqu’un heureux. Je ressentais beaucoup de satisfaction à combler un homme. J’avais le sentiment que cela me procurait un certain pouvoir.

Je ne sais pas si à ce moment-là, j’étais une bonne amante, mais j’aimais ce que je faisais. Pourtant, le sexe n’était pas un plaisir à proprement parler, car je n’avais pas d’orgasme en retour de ceux que je donnais. Je n’en avais même jamais eu avec un homme, ni avec Nicolas, ni avec le suivant. Je ne pratiquais pas le sexe pour jouir, mais pour me rapprocher d’une personne qui me plaisait et créer un lien unique qui rendrait notre relation spéciale. Je savais pourtant à quoi ressemblait un orgasme. Je me masturbais depuis pas mal d’années déjà et même si ma technique a évolué depuis, à l’époque, elle était assez efficace pour que je jouisse à chaque fois. Je n’étais donc pas frigide.

Depuis que j’avais démarré ma vie sexuelle, jouir n’était tout simplement pas ce que je recherchais. Le plaisir paraissait accessoire, voire accidentel. On ne m’en avait jamais parlé et je n’avais pas de livre m’expliquant comme procéder avec un garçon. Pire, à cette période, je croyais encore qu’il existait des femmes clitoridiennes, et d’autres vaginales. Je ne savais pas que les rapports se terminaient majoritairement sans jouissance pour la femme, si personne ne s’était occupée vraiment d’elle. Autant dire que mes croyances en matière de sexualité s’avéraient biaisées.

Très rapidement, j’ai été éprise du bel Antonin, avec sa voix de baryton et son cerveau bien rempli, car j’aimais et j’aime toujours les hommes intelligents. Aujourd’hui, on appelle ça la sapiosexualité, mais je n’ai pas attendu d’en connaître le nom pour préférer un homme avec de la matière grise que de beaux biceps. Malheureusement pour moi, ma matière grise à moi et mon physique attractif n’ont pas suffi pour retenir le charmant jeune homme. Il s’est détourné de moi pour une raison que je juge à postériori tout à fait valable : ma négativité. Même si le coup a été dur à encaisser, je ne remercierai jamais assez Antonin d’avoir été celui qui a pointé du doigt pour la première fois le problème, car jusque-là, je n’avais jamais entendu quelqu’un dire ça à mon sujet. Mais il avait raison, entièrement raison. Vivant au milieu d’une famille d’alarmistes et de déprimés en tout genre, allant du légèrement atteint au gravement touché, je n’avais pas remarqué que cela me concernait aussi. Suite à cette rupture, j’ai fait le tour de mon auditoire et ai questionné chaque personne que je croisais :

— Hey, tu me trouves négative, toi ?

Les réponses variaient de « un peu » pour ceux qui voulaient me protéger à « carrément » pour ceux qui jouaient cartes sur table.

Ainsi, mon troisième flirt ne m’a pas offert plus d’orgasme que les deux autres, mais il a mis le doigt là où ça faisait mal et ce, pour mon plus grand bien. Car même si je suis restée par la suite dans cet état encore de longues années, il avait planté une graine qui, avec le temps, ne demanderait qu’à germer. Un beau cadeau de sa part dont je lui serai toujours reconnaissante.

Après ma séparation brutale d’avec le cerveau de mon ancienne classe de terminale, je suis tombée par hasard sur le « bad boy » de cette même promo. Décidément, quand j’étais au lycée, aucun de ces garçons n’avait attiré mon attention, et maintenant que c’était terminé, c’était mon nouveau vivier !

Sylvain, un beau gosse ténébreux à la langue bien pendue, taclait toutes et tous sans vergogne, spécialiste des clashs verbaux et autres boutades sans pitié. Vous l’aurez peut-être deviné, mais la vanne facile et acide était une des caractéristiques des mecs de cité et comme ses congénères, il n’en était pas dépourvu. Après Antonin, provenant des quartiers chics, me voilà alpaguée par une pure racaille, jogging, baskets et petit pull Lacoste. Bien sûr, toujours en manque de la présence d’un grand frère qui avait aussi arboré cette panoplie, j’ai été d’emblée attirée par les talents de beau parleur du jeune homme en question.

Cela dit, j’ai découvert que les « mauvais garçons » avaient un cœur tendre et quand je l’ai entendu me dire qu’il m’aimait, je l’ai cru sur parole. Sylvain se révélait amoureux aussi jaloux que possessif, alors, après mon entretien d’embauche dans le bar à bouchon, je ne l’ai pas informé de ma nouvelle future activité professionnelle.

Ainsi, je sortais depuis peu avec Sylvain, quand je me suis pointée fraîche et pimpante pour démarrer mon nouveau job. La patronne m’a félicitée pour ma tenue, une robe blanche d’été arrivant à mi-cuisses, prédisant que j’allais faire un malheur. En entendant ces compliments, le visage de celle qu’on m’a présentée comme ma nouvelle collègue s’est paré d’un regard dépité au milieu d’une mine déconfite. La femme apparaissait quelconque. Là où la patronne s’affichait comme une bombe, avec son corps sculptural, son visage magnifique et ses yeux verts de chat, la quadragénaire d’origine maghrébine qui officiait ce soir-là ne me faisait pas la même impression. Elle portait une perruque au carré pour camoufler ses cheveux courts et crépus qu’elle détestait.

Assise au bar, un verre à la main, elle sirotait un alcool fort, probablement un whisky. Cela m’interpela étant donné tout le pataquès que m’avait débité notre cheffe sur notre besoin de rester sobre. J’en ai déduit que la femme devait être à bout de souffle puisqu’elle n’envisageait plus de démarrer la soirée sans un petit remontant. Cette situation me mettait d’emblée la puce à l’oreille quant à la vie qu’elle menait et que je risquais de mener également si je persistais dans cette voie. J’ai failli prendre mes jambes à mon cou.

Mais la perspective de l’échéance du loyer que je devais désormais honorer et l’accueil chaleureux et enthousiaste de ma splendide patronne m’en ont empêchée.

L’instant suivant, on a sonné à la porte et chacune s’est redressée sur son séant, poitrine bombée et œil brillant, pour accueillir le nouveau micheton.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 12 versions.

Vous aimez lire Argent Massif ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0