Chapitre 12 (partie 2) : une porte dans une porte

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Rubie sentait la pression retomber sur ses épaules, son ventre se nouer et se dénouer, tordu par des larmes qui lui chatouillaient les joues. Elle aurait pu éclater en sanglot, s’écrouler, comme une pauvre fille, sur ce carrelage gelé. Mais où cela l’aurait-il menée ? Désormais elle n’avait qu’une certitude : si tout ce qu’elle vivait était bel et bien réel, il lui faudrait se battre pour s’en sortir.

- Ces femmes ont parlé d’une porte, tenta-t-elle de réfléchir, une porte que je devais trouver.

Mais elle avait beau regarder autour d’elle, il n’y avait aucune porte.

Une porte… Une porte… elle était en ce moment même dans une porte, la porte 513 à croire ce qu’en avait dit Willy. Elle avait passé une porte pour venir dans cette salle, une porte dans une porte. Il y avait bien trop de portes dans cet endroit, bien trop pour qu’elle en trouve une autre.

Totalement perdue, elle s'assit au centre de la pièce, observant avec attention tout ce qui se trouvait autour d’elle. Des tableaux, des centaines de tableaux cohabitaient sur ces murs exigus. Jamais elle n’en avait vu autant, pas même dans les musées. Tous avaient des sujets différents. L’un représentait un flanc de montagne, l’autre un désert aride. Des paysages qu’elle ne connaissait pas étaient peints sur ces toiles. Des visages aussi, des visages aux couleurs étranges et aux traits singuliers. Mais pas de porte.

Juste au-dessus des sièges, un artiste avait représenté trois natures mortes. Il était le seul à avoir signé ses œuvres, peut-être avait-ce de l’importance. Rubie s’approcha pour tenter de déchiffrer la signature. Une certaine Jawel Reynard, ou Jewel, elle n’était pas sûre. Quoi qu’il en soit, cette fille avait du talent. Elle savait tout faire, les fruits autant que les objets, les reflets métalliques, la transparence… Mais ce qui épatait le plus la jeune fille, c’était cette âme qu’elle donnait à ses tableaux. Pour la première fois de toute sa vie, elle ressentait une émotion particulière devant un dessin. Ces peintures l’envoutaient. Sur celle du centre, Jawel avait peint une petite clef en verre qui brillait à la lumière. Etrange. Magnifique. C’est en admirant ses reflets que Rubie se rendit compte qu’il n’y avait absolument aucune lumière dans cette salle. Le toit ouvert donnait sur une nuit sombre et aucune lampe ne semblait être accrochée aux murs. Pourtant quelque-chose brillait, éclairant la petite clef de Jawel. C’était une bougie, peinte sur un autre tableau. En réalité, sur chaque tableau. En bas, à droite de leur toile, chaque artiste avait représenté une petite bougie de cire blanche. Rubie frôla la flamme de l’une d’entre-elles, elle était chaude. Elle souffla, celle-ci s’éteignit.

- Ce pourrait-ce que…

Elle retourna près du travail de Jawel et saisit la petite clef de verre qui, comme par magie, sortit de ses traits crayonnés pour apparaitre dans sa main.

- S’il y a une clef, pensa-t-elle à voix haute, c’est qu’il doit y avoir une serrure.

Alors elle se mit à chercher, fouillant jusqu’aux moindres détails, mais elle ne trouvait pas. Voilà peut-être deux heures qu’elle était ici, seule, observée par trois femmes qui lui avaient, il y a peu, parlé. Deux heures qu’elle cherchait cette porte sans succès. Elle avait une clef, certes, mais rien où l’enfoncer. Tandis qu’elle désespérait, elle aperçut sur la table d’un banquet une petite étiquette adossée à une tasse de thé. Elle la prit et la lut.

- Bois-moi.

Sans essayer de comprendre, elle saisit la tasse et en avala son contenu d’une seule traite. Ce thé avait un goût infame de poivre noir et d’anis. Si elle n’avait pas eu peur de rester coincée ici pour toujours, elle l’aurait immédiatement recraché par terre. Enervée et fatiguée, elle se retourna vers les femmes de peinture et laissa retomber sur elles toute la rage qui lui encombrait le cœur :

- Ecoutez-moi bien bande de vieilles commères hypocrites, je m’appelle Rubie ! Rubie Falcon ! Je ne sais pas pourquoi mon nom vous fait peur, je ne sais même pas qui vous êtes et vous voulez que je vous dise ? Je m’en moque ! Tout ce que je veux, moi, c’est rentrer chez-moi ! Je n’ai aucune envie de trouver votre putain de porte si c’est encore pour tomber dans un de vos endroits bizarres ! Alors maintenant arrêtez de vous cacher et ramenez-moi à Avem !

Tout en disant ces mots, la jeune fille envoya valser la tasse en porcelaine. Etrangement, celle-ci ne se brisa pas. En la ramassant, Rubie aperçut une petite serrure dessinée sur le fond de l’objet. Une porte.

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