Chapitre 19 : Pharell Chapelier

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Il n’existait pas de réveil à la Capitale, nul n’en trouvait l’utilité quand je jour s’invitait par les plafonds sans y être invité. Et ce aux heures les plus matinales. Rubie fit les frais de son interruption tandis que sept heures n’avaient pas encore sonné. Le temps était en avance.

Encore engourdie par la fatigue, elle peina à se détacher de ses couvertures. Dehors, le froid lui cisela la peau. Elle tira de sa malle un épais cardigan et se traina jusqu’à la salle de bain. Son visage transpirait la fatigue, et ses cernes habituels ne s’étaient pas gênés pour s’installer. Pour couronner le tout, de petits boutons dodus lui parsemaient le visage. Les hormones résistaient donc à la magie. Encore une chose à ajouter au panel de son savoir.

Une fois son teint recouvert sous une couche de crème hydratante, son haleine malodorante balayée aux quatre vents et ses cheveux peignés à la va-vite, la jeune fille se posa devant le tas de vêtements blancs qui parsemaient sa chambre. Bien qu’elle appréciât la mode et le shopping, le matin avait eu raison de son excitation et de sa créativité. Elle était sur le point de s’endormir au milieu de ce capharnaüm quand on frappa à sa porte.

- Mademoiselle Falcon, souffla une voix délicate, votre styliste vous attend. Inutile de vous habiller, une tenue spéciale vous sera confectionnée pour la journée.

Puis l’on entendit le bruit d’un millier de petits pas quittant le pallier.

Rubie retrouva aussitôt sa vivacité. Un styliste lui avait été attribué ? Sérieusement ? Il n’y avait donc aucun luxe que le Conseil ne pouvait se refuser. Tant mieux. Avem ne lui aurait jamais permis de jouir d’autant de privilèges. Quitte à se retrouver bloquée ici, autant en profiter.

Lorsqu’elle franchit l’embrasure de la porte, une déferlante de nuisettes blanches ruisselait déjà dans le couloir. La jeune fille décida de se laisser porter par le mouvement, et finit par atterrir dans une salle bondée. Là, une bonne quinzaine d’hommes et de femmes, tous plus extravagants les uns que les autres, s’attelaient autour de petites poupées de porcelaine immaculées. Une palette infinie de couleurs et de formes se dessinaient sous ces tissus blancs que les couturiers s’empressèrent de remplacer. Toutes ces filles, que Rubie s’attendait à trouver semblables, n’étaient en réalité que différence et singularité. Certaines avaient la peau si foncée, ou si claires, qu’il leur aurait été impossible d’acheter du fond de teint chez les vendeurs de cosmétique avemiens.

- Mademoiselle Falcon ?

Cette voix chantante s’était échappée d’un corps à la peau sombre, élégamment vêtu d’un costume à rayures blanches, ainsi que d’un haut de forme multicolore dont s’échappaient des mèches rousses orangées.

- Excusez-moi, seriez-vous par hasard Elya Falcon ?

Elya ? Bien sûr, elle avait menti. Ces quatre lettres avaient beau précéder de plus en plus souvent celles de son nom de famille, Rubie ne parvenait pas à y trouver de la véracité.

- C’est bien moi, mentit-elle de nouveau.

Le visage du styliste s’illumina et il se mit à lui serrer la main avec une frénésie douloureuse.

- Parfait ! s’exclama-t-il. C’est absolument parfait ! Veuillez excuser mon engouement, je craignais simplement de devoir habiller une fille dont la banalité m’ennuierait. Mais vous, votre regard pétille d’originalité. Nous allons faire de grandes choses ma petite, je peux vous l’assurer.

Puis il la fit tourner sur elle-même, admirant chaque recoin de son corps qu’elle trouvait pourtant si ordinaire.

- Sublime ! Tout simplement merveilleux ! Oh, mais c’est que j’en perdrais presque mes bonnes manières ! Permettez-moi de me présenter, Pharell Chapelier !

Son bras effectua une révérence qui présenta l’intérieur de son chapeau. Rubie resta décontenancée face à tant d’enthousiasme. Néanmoins, elle appréciait cette touche de bonne humeur que Pharell venait de lui apporter. Avec lui, elle ne risquerait pas de s’ennuyer.

Sans qu’elle n’ait eu le temps de s’en rendre compte, le styliste la plaça sur un tabouret et commença à prendre ses mesures, tandis qu’un coiffeur s’occupait déjà de ses boucles brunes.

- Ne touchez pas trop à ses cheveux, je les aime comme cela.

Rubie fut rassurée. Lorsqu’elle ressortirait de cette métamorphose, il y aurait au moins quelque chose en elle qui n’aurait pas changé.

Les minutes s’accumulèrent, et lorsque Pharell eut finit de griffonner des chiffres sur son petit carnet, il décida enfin de reprendre la parole.

- Dites-moi mademoiselle Elya, comment s'est passé votre arrivée dans notre Capitale ? J’imagine que vous avez dû être légèrement déboussolée ? Votre famille ne vous manque pas trop ?

Déboussolée ? Pour sûr elle l’avait été, et toutes ces questions la déboussolaient encore davantage. Hormis Andréas et Théoxane, personne n’avait jamais réellement pris le temps de s’intéresser à ses ressentis. Venant d’un parfait inconnu, cette soudaine attention lui parut presque suspecte.

- Tout s’est bien passé, répondit-elle d’un ton inhabituellement neutre. Je suis heureuse d’être ici, d’avoir la chance d’apprendre à contrôler mes pouvoirs et de servir les intérêts du Conseil.

Soudain, Pharell s’approcha de son oreille.

- Vous savez, murmura-t-il, je ne suis pas l’un de leurs espions.

- Vous voyez, ironisa Rubie, c’est exactement ce qu’aurait dit un espion.

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