chapitre 26 : crise d'angoisse

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Alors que l’on s’interrogeait encore sur l’origine de ce bouleversement, la voix faussement joviale du présentateur se fit entendre.

- Mes chers enfants, je suis dans le regret de vous annoncer que le meurtrier vient de frapper. Lydia Derris a quitté la partie.

« Quitté la partie », pourquoi ne pas assumer haut et fort le terme assassinat ?

Lydia était une fille discrète, personne n’avait remarqué son absence. Sans la connaître, Rubie ne put pourtant empêcher son cœur de se pincer. La position dans laquelle se trouvait désormais cette jeune fille, totalement livrée aux habitants de la Capitale, la faisait frissonner. Au fond, elle savait que cette tristesse n’était pas tant pour Lydia, si ce n’est plutôt pour elle-même. Une tristesse égoïste, dont elle ne pouvait pas se blâmer.

- Ils ne la tueront pas, lâcha Marco d’un ton monotone, ils ne tuent jamais les filles insignifiantes. Tous les garçons ici le savent, et je pense que le meurtrier le savait aussi.

Son sang ne fit qu’un tour, et Lydia Derris fut vite oubliée.

- Alors tu penses que c’est un garçon ?

- Disons que c’est une hypothèse dont j’augmenterais la probabilité.

Puis il laissa planer un léger silence.

- Au fait, le coup du miroir, c’était intelligent.

- Je suis une fille intelligente.

- Et je n’en ai jamais douté.

Rubie lui adressa un léger sourire, davantage causé par le relâchement qui s’emparait de ses muscles que par la réelle volonté de remercier ce compliment. Bien entendu.

- Nous n’avons pas encore reçu d’indice, déclara-t-elle, l’énigme n’a pas totalement été résolue. Je propose que nous continuions chacun de notre côté, pour être sûr de ne pas éveiller les soupçons.

- Est-ce vraiment à cause des soupçons, ou chercheriez-vous à vous débarrasser de moi ?

- Ça, monsieur Da Silva, vous ne le saurez jamais.

Puis elle disparue dans un mouvement de robe, théâtral, comme elle les aimait. Une fois seule dans cette pièce remplie de monde, l’angoisse revint la torturer. Encore. Elle tenta de refroidir la chaleur brûlante qui grimpait dans sa gorge, mais les battements de son cœur accéléraient déjà. Un nœud se forma dans son ventre, remontant jusque dans sa poitrine pour ne plus jamais s’en déloger.

Maintenant ? Sérieusement ?

- Une crise d’angoisse ? Un classique.

Une petite rouquine s’était assise au près d’elle. Au regard, elle paraissait encore plongée dans l’innocence de l’enfance, mais quelque chose dans sa voix supposait une certaine maturité.

- Je t’aurais bien proposé de l’eau, poursuivit-elle, mais je n’ose rien boire qui vient de cet endroit.

- Tu as raison, répondit Rubie tandis qu’elle reprenait quelques couleurs, rien n’est fiable ici. Ni les choses… ni les gens.

- Totalement d’accord. C’est de loin la pire soirée d’intégration que le monde eut connue.

Humour. Pourquoi pas.

Les deux jeunes filles s’autorisèrent à rire le temps d’une seconde, sans savoir si elles pourraient le refaire un jour.

- Tu t’appelles Elya Falcon, c’est ça ?

Les rires se stoppèrent au seuil de cette question.

- Elya… Elya… Elya ! Oui, parfaitement, Elya Falcon, c’est mon nom.

Son teint avait rosi, et si l’angoisse qui berçait encore son cœur ne lui servait pas d’alibi, il aurait été aisé de comprendre que ce prénom n’était pas le sien.

Rubie devait se ressaisir, utiliser un pseudonyme nécessitait plus de concentration qu’il n’en laissait paraitre.

- Moi, c’est Nala Krissen.

Délicat. Tout comme elle.

- C’est très joli.

- Merci, Elya ce n’est pas mal non plus.

Puis elles s’échangèrent un sourire, une politesse obligatoire, sans amitié, sans tendresse.

Nala marqua ensuite une courte pause, le genre de pause qui n’avait rien à faire dans une conversation. Son visage se ferma, la politesse disparue ; comme l’espoir, elle semblait s’être envolée.

- Je suis désolée, mais dès que je parle à quelqu’un, je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est peut-être le meurtrier.

- Ne t’excuse pas, je pense que nous sommes tous dans la même situation. Ne pouvoir faire confiance à personne, ça devient pesant.

- A personne… tu es sûre ? Je t’ai pourtant vu parler avec un garçon, pendant très longtemps.

Merde.

- Je… je vois que tu es très observatrice. Si tu veux tout savoir, c’est lui qui est venu me parler le premier. J’ai trouvé cela étrange et je l’ai soupçonné. Mais il était avec moi quand Lydia a été tuée, ça ne peut donc pas être lui.

- Je sais. Je trouvais bizarre que vous soyez si proche, alors je vous ai gardés à l’œil. Ce n’est pas lui, et ce n’est pas toi.

- Alors pourquoi sembles-tu te méfier de moi ?

- Je sais que c’est toi qui as résolu la première partie de l’énigme, et tu ne l’aurais pas fait si tu étais du côté du meurtrier. Pourtant, je sais d’expérience qu’il faut toujours se méfier des gens intelligents.

Serait-ce un compliment ? Mieux valait ne pas trop réagir.

- Belle déduction.

- Pour le moment, vous êtes les deux seules personnes à qui je peux faire confiance. Mais je ne suis pas idiote, je sais que cette confiance ne peut pas être réciproque. J’ai tout de même quelque chose à te proposer. Je vais continuer à observer les autres, et je viendrais te faire part de mes découvertes. Je ne te demande rien d’autre en échange, aucun retour d’information.

Rubie s’apprêtait à accepter cette aide tombée du ciel, puis elle réfléchit. Si Nala était une complice, elle pourrait la mettre sur une fausse piste en la submergeant de mensonges. Il faudrait la tester, vérifier au hasard certains de ses renseignements. Elle en parlerait à Marco, mais cette jolie rouquine pourrait s’avérer être une alliée de taille.

- J’accepte ta proposition.

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