chapitre 34 : six

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Plus que six noms.

Six suspects.

Six vies suspendues au bord d’un fil.

Rubie avait encore le pouvoir d’éliminer une personne de ce jeu, un pouvoir qu’elle aurait aimé ne jamais utiliser, un pouvoir qui lui était plus que jamais essentiel.

Six noms, et une seule chance. Lorsque l’on jouait avec la mort, il était interdit de se tromper.

Le temps filait tranquillement et Nala vint la rejoindre, s’allongeant, comme elle, sous la table renversée.

- Tu penses à Marco ? demanda-t-elle sans attendre de réponse. Je comprends, je vois bien qu’il y a quelque-chose de spécial entre vous mais tu sais, tu ne devrais pas t’inquiéter, il tient à toi et ça crève les yeux.

Si seulement Nala avait su, si elle avait su qu’à ce moment-là Rubie n’avait aucune pensée pour Marco, que ce n’était pas lui qui occupait son esprit, qui torturait son âme. Ce garçon ne la hantait pas, ou peut-être qu’il ne la hantait plus. Elle doutait de lui, et elle détestait se perdre dans des doutes, tout comme elle détestait laisser son énergie s’emporter en amour. Son cœur ne devait battre que pour la maintenir en vie, et maintenant plus que jamais. S’amouracher était une perte de temps, le désir était un plaisir qu’elle ne pouvait pas se permettre et Marco, Marco était bien loin du prince charmant.

- Je ne m’inquiète pas, déclara-t-elle.

Puis elle ferma les yeux. La fatigue l’accablait, et son cerveau endolori ne réfléchissait plus. Des heures étaient passées, et la nuit devait être tombée depuis longtemps. Il lui fallait dormir, là, au milieu de ce monde bouleversé par le chaos. Insensible à la mort qui dansait autour d’elle, Rubie laissa la pénombre l’envelopper, ses sens s’évanouirent et le sommeil vint doucement la cueillir.

Lorsqu’elle se réveilla, la trace de sa main demeura marquée sur sa joue. Bien qu’allongée sur un sol dur et froid, cette sieste lui avait fait le plus grand bien. Elle se sentait de nouveau capable de penser à l’endroit, dans les mesures qu’autorisaient les circonstances. Tout en dépliant ses articulations, elle fit un bref résumé de sa situation actuelle. Elle était donc bloquée dans un jeu dont la finalité n’était autre que la mort, et l’identité de son adversaire lui demeurait inconnue. De plus, elle n’avait pour alliés qu’une jeune fille chétive et un garçon dont elle ignorait les véritables intentions. Marco lui semblait sincère, au fond d’elle-même elle rêvait de le croire, mais elle ne devait pas oublier que les rêves n’ont aucune place dans un cauchemar.

- Elya ?

Et elle avait changé son nom pour un pseudonyme, information capitale à ne pas négliger.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

Marco s’abaissa à sa hauteur. Ses vêtements étaient en partie déchirés, salis par du sang séché. Rubie le contempla longuement, observant chaque entaille qui ciselait sa peau. Combien de temps avait-elle dormi ? Qu’avait-elle manqué ?

- Tu t’es battu ? fit-elle remarquer dans une interrogation.

- Perspicace.

Très amusant, elle n’avait pas envie de jouer.

- Je ne plaisante pas. Je ne peux pas me reposer cinq minutes sans que tu ne fasses une connerie !

Le visage de Marco se crispa, lui indiquant que ses mots auraient dû être pesés.

- Pour votre information, mademoiselle Falcon, vous avez dormi environ six heures. Sept personnes ont été éliminées, et notre liste de noms ne se limite plus qu’à Louis, Norie, Eneko et Alondra. Nala rassemble des informations à leur sujet. Elle voterait pour Louis, moi pour Eneko, et nous nous accordons sur le fait qu’Alondra est innocente.

Elle inspira grandement. Sept personnes… elle n’avait fait que fermer les yeux, et sept personnes ne les réouvriraient peut-être plus jamais. Son rythme cardiaque s’accéléra, la peur laissait peu à peu place à la colère. Pourtant, elle savait que se rebeller n’était pas une option. Pas maintenant. Elle était enfermée, enfermée dans l’horreur de sa propre existence. Il lui faudrait du temps pour digérer toutes ces informations.

- Ça ne me dit pas pourquoi tu t’es battu, lâcha-t-elle d’un ton mécanique.

- C’est tout ce qui t’intéresse, répondit Marco. Très bien. Morgan m’a provoqué. L’entremetteuse nous a convoqué dans une pièce à part, et cette entrevue a fait remonter de vieilles querelles. Je le connaissais avant de venir ici, ce n’est pas quelqu’un de bien.

- C’est drôle, il m’a dit exactement la même chose de toi.

Rubie avait parlé trop vite, dans l’intention mauvaise de le blesser, et elle avait réussi.

- Tu l’as cru ? demanda-t-il d’une voix tremblante qu’il tentait de dissimuler.

- Je ne sais pas encore.

Elle avait lancé la confrontation, il lui était désormais impossible de revenir en arrière. Si elle s’attendait à des cris et des injures, Marco semblait en avoir décidé autrement.

- Très bien. Préviens-moi quand tu auras pris ta décision. Je n’ai rien à te prouver, Elya, et je ne compte pas m’abaisser à ça. Nala et moi poursuivons notre enquête, adresse-toi à elle si tu as des questions.

Puis il disparut derrière une porte qui, jusqu'alors, n’existait pas. Rubie observa sa silhouette s’évanouir dans l’épaisseur de la cloison, sans savoir s’il reviendrait un jour.

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