chapitre 40 : pas aujourd'hui

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- Qu’est-ce que vous pensez de Sacha Delgard ? demanda Mely. Son insolence me fait craquer.

Prévisible.

- C’est un idiot, répondit Rubie, macho et inutile.

- Tranché comme avis, fit remarquer Luciana.

- Je sais. Je ne le sens pas, c’est tout.

Elle se souvint des remarques de Sacha lorsqu’ils s’étaient rencontrés. Mauvaises remarques, mauvais garçon.

- Très bien, puisqu’on est dans les confidences, se lança Alondra, je crois que j’aime bien Morgan Garçia.

Non.

De toutes les personnes de ce monde, non.

- Je ne veux pas vous vexer les filles, prévint Rubie aux abords d’une pique sanglante, mais dire que vos goûts sont à chier serait un euphémisme insultant pour tous les goûts à chier de ce monde.

- Elle dit ça parce que Morgan est à fond sur elle, renchérit Mely, ça crève les yeux.

- En tout cas il ne m’intéresse pas. Si vous le voulez, prenez-le.

Elle se leva, et quitta la table.

Sans vouloir se l’avouer, elle sentit pourtant que ces quelques heures de naïveté, quoi que nul n’était réellement naïf à la Capitale, lui avaient apporté la légèreté dont elle manquait cruellement. Cette après-midi sentait bon les lycées d’Avem, entre géographie et cours d’histoire, autant de leçons qu’elle comprenait aujourd’hui n’être que mensonges. Rubie eut une pensée pour tous les élèves qui, jadis, composaient sa classe, et qui ignoraient tout de ce qui constituait le monde. Elle aurait aimé la retrouver, la plénitude de l’ignorance ; mais quand on sait, on ne peut plus oublier.

En parcourant le couloir, elle découvrit Nala, assise contre le mur de sa chambre.

- Tout va bien ?

- Oui, très bien, déclara la jeune fille en essuyant une tripotée de larmes.

Contrairement à Rubie, elle ne savait définitivement pas mentir.

- Si tu ne veux pas en parler, je n'insisterai pas. Mais sache que je suis là, si tu as besoin.

- Merci Elya, mais c’est un petit coup de blues, rien de plus. J’ai juste besoin d’être seule.

La solitude, elle la comprenait. Malheureusement, Rubie savait très bien qu’avec elle venait souvent la destruction. L’autodestruction.

- Ne fais pas de truc stupide, c’est tout.

Nala acquiesça.

Sans pouvoir considérer qu’elle était rassurée, Rubie poussa la porte de sa chambre.

- Je suis désolée d’être rentrée si tôt, lâcha-t-elle dans le vent en espérant que Salomé entende. J’ai essayé de me sociabiliser, mais je n’étais vraiment pas d’humeur.

Aucune réponse.

Silence.

Lourd.

Pesant.

Salomé n’était pas là.

Elle avait finalement retrouvé la liberté que le Conseil avait souhaité lui prendre, ou du moins, une forme d’illusion convaincante. Rubie sourit à cette idée, et à l’espoir de la savoir heureuse. Puis vint la jalousie. Nul n’est parfait.

Après avoir retiré ses vêtements, inconfortables, elle s'endormit sans avoir mangé. Elle était fatiguée, émotionnellement fatiguée.

Demain serait son premier jour de classe, un jour qui était censé lui apprendre à devenir une bonne porteuse de sphère. Or, elle ignorait ce que cela signifiait réellement. Ou même si elle le désirait. Elle savait seulement qu’à la Capitale, tout ce qui était nouveau ne pouvait pas être bon.

Quand le jour perça le plafond cristal, la jeune fille sentit ses yeux lourds sous ses paupières, et les traits de ses cernes lui tiraient le visage. Elle voulut se relever, mais une crampe la plaqua contre son matelas. Entre ses jambes, elle remarqua une énorme tache de sang décorant les draps immaculés.

Ce n’est pas vrai ! Pas aujourd’hui ! pensa-t-elle à voix demie-basse.

Ses règles avaient toujours eu le don d’arriver aux moments les moins propices de son existence ; mais son premier jour de cours dans une école magique perdue au bout d’un autre monde, ça, elles ne l’avaient encore jamais fait.

- Salomé ! cria-t-elle juste assez fort pour ne pas la réveiller trop brusquement.

Mais Salomé était déjà levée depuis longtemps. Elle sortit de la salle de bain, une serviette entourant ses cheveux, avec le même ton nonchalant qu’elle arborait la veille.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- J’ai un petit problème, dit-elle en indiquant le carmin coulant sur ses cuisses.

La jeune fille laissa échapper un soufflement agacé. Elle plongea la main à l’intérieur de la salle de bain, puis lui jeta une serviette hygiénique à la figure. Elle ressemblait en tout point à celles que Rubie utilisait à Avem. S’il y avait bien un objet qu’elle était heureuse de retrouver ici, c’était celui-là.

- Il y en a d’autres sous le lavabo. N’hésite pas à en prendre plein, le blanc, c’est salissant.

- Merci. Et pour la douleur, tu n’aurais pas quelque-chose ?

- Désolé, mais pour ça tu vas de devoir prendre ton mal en patience. Je ne suis pas une pharmacie.

Rubie s’appuya sur le rebord du lit, elle tenta de se lever. Echec. La douleur l’assaillait jusqu’au dos. Au bout de trois essais, elle parvint enfin à se mettre debout. Dans la baignoire, le rouge apparaissait en tache dans l’eau transparente.

Puis elle sortit une robe en soie de sa petite malle, moins légère, moins volage, moins agréable qu’elle l’aurait souhaitée. Mais elle était soignée, stricte et sobre, parfaite pour un premier jour. Ainsi vêtue, la jeune fille ressemblait à une élève modèle, ce qu’elle n’était pas, et le miroir ne manqua pas de le lui rappeler.

Ses cheveux n’avaient pas encore eu le temps de sécher que l’horloge la poussa vers l’extérieur. Salomé la guida à travers les escaliers et les couloirs jusqu’au seuil d’un petite salle de classe. Elle allait toquer quand on l’invita à entrer.

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