chapitre 69 : Marco n'était pas le cavalier

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Rubie désirait ardemment découvrir le monde, mais ce qu’elle en avait vu aujourd’hui l’avait terrifiée. Ces femmes étaient à la fois des reines et des meurtrières, et elle ne savait si elle devait les haïr ou les admirer. Avec elles la mort devenait simplement douce, une banalité, une carte que l’on pose comme on lancerait un dé. Était-ce bien, ou était-ce mal ? Voilà la question que la jeune fille se posait.

Mais la réalité la frappa de nouveau de plein fouet et la fit sortir de ses questionnements philosophiques. Une fois passée la porte de sa chambre, au Palais de Cristal, elle vit Salomé. Assise en tailleur sur son lit, elle l’attendait. Ses yeux étaient remplis d’inquiétude et cernés de fatigue. Elle n’avait pas bougé de la soirée, mourant d’angoisse pour son amie qui courrait les salons précieux. La jeune fille s’en voulait de l’avoir fait souffrir ainsi, tout en sachant que leur conversation la ferrait souffrir davantage.

- Où tu étais ? demanda-t-elle simplement.

- Je ne vais pas te mentir, lui répondis Rubie, je suis sortie du palais avec Nala.

Elle aurait voulu lui dire tout ce qu’elle avait entendu, là-bas, dans le cabinet, mais une sorte de confidentialité professionnelle l’en empêchait.

- Très bien, déclara Salomé.

Puis elle s’allongea, la tête tournée contre le mur, et s’endormi. Rubie aurait mille fois préféré qu’elle l’insulte de tous les noms, sa passivité ne faisait que renforcer la culpabilité qui la rongeait déjà. Dans un sens, Salomé le savait et c’était exactement ce qu’elle recherchait.

L’idée d’avoir détruit leur amitié naissante, de l’avoir une fois de plus déçue, tourmenta Rubie à tel point qu’elle ne parvenait pas à dormir. Pourquoi Salomé comptait-elle autant à ses yeux ? Ses doigts claquaient sur le bois blanc de son lit au rythme des Tic Tac de l’horloge. Une heure passa ainsi, puis une deuxième, une troisième… mais la quatrième ne passait pas. Rubie décida donc de sortir, cherchant désespérément le sommeil dans les couloirs de l’aile Ouest.

Elle avait beau marcher, les battements de son cœur ne souhaitaient pas ralentir. Bientôt les chambres disparurent dans la pénombre, les classes et le théâtre aussi. Elle évoluait dans un environnement qui lui était jusqu’alors inconnu, et qui ne s’offrait à elle que sous un voile de noirceur. Il y avait de la poussière partout, il lui arrivait même parfois de se cogner le pied dans un sceau en métal. Cet endroit doit-être en rénovation, songea-t-elle tandis qu’elle tentait d’imaginer à quoi il pourrait bien servir. Soudain, le son d’une voix vint rompre le silence ambiant, un accent chantant comme il n’en existait qu’un seul. Qu’est-ce que Marco faisait-là ?

- Je dois quitter le palais le plus vite possible, dit-il à l’imposante silhouette noire qui se situait à ses côtés.

- Si je t’aide mon garçon, tu me devras un service.

- Tout ce que tu voudras. Maintenant laisse-moi passer.

- Bien.

Le passeur sortit une carte de sa poche et lui entailla la main. Rubie n’aperçut pas le sang mais elle vit son visage se crisper. Etrangement, ce n’était pas sa coupure mais son tors qui le faisait souffrir. Elle aurait voulu courir, l’interpeller afin de connaitre les véritables raisons de sa présence ici, dans l’aile Ouest, à cette heure. Mais elle n’en fit rien.

Intérieurement, la jeune fille avait déjà la réponse à sa question. Rubie ne put s’empêcher de comparer cette histoire avec celle qu’elle avait entendue quelques heures auparavant. Si Marco errait si tard dans le Palais de Cristal, s’il devait absolument partir et en toute discrétion, ça ne pouvait être que parce que c’était lui le cavalier que les roses rouges convoitaient. Imaginer un enfant si jeune dans le lit de Miza lui souleva le cœur, d’autant qu’elle ressentait pour Marco un attachement inexplicable. Elle ne voulait pas de lui, mais le savoir avec une autre femme lui tordait le ventre. Tout son intérieur se voyait secouer par cette révélation. Puis elle se ressaisit.

Certes il consultait un passeur de l’aile Ouest à minuit passé, mais il n’avait aucune raison valable de s’approcher ainsi du Conseil. Les sœurs Shenren n’avaient aucun pouvoir sur lui, pourquoi aurait-il voulu en avoir sur elle ? C’était un dragueur, mais Rubie savait que Miza ne l’attirait pas. Quand bien même ce serait le cas, où et par quelle occasion l’aurait-il rencontrée ? Toutes ces questions sans réponses firent renaitre en elle l’espoir qu’elle se trompait. Marco n’était pas le cavalier. Il ne pouvait pas.

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