Ouvrez votre cœur d’enfant.
Derrière le rideau, un petit groupe patiente. Les pans bordeaux révéleront la troupe pétillante. Dans l'assistance, le silence garni les travées. Personne ne bouge, tout le monde se tait. L'obscurité se pose, les bouches closes attendent le signal. Qui des cymbales ou des trompettes sonnera le début de la fête ? Petits et grands trépignent. Un seul signe et tous pourront laisser éclater leur joie. Pour une fois, les amateurs ouvriront grands leurs yeux. Le show va commencer, laissez-moi vous compter avec mes mots cette comédie burlesque. Arabesques et pirouettes de lettres vont jouer sur le papier une symphonie bleu acier. Un exploit pour le poète en herbe que je suis de permettre aux vers de fuser dans l'univers de mes pensées infinies. Constellation de rimes, poussières infimes, étoiles filantes de vous à moi sous la toile tendue, le rendu sera peut-être confus.
Veuillez pardonner l'auteur de ses maladresses, avec pudeur, ses idées se pressent. Il tente de les rassembler pour ne pas les laisser filer. Ses doigts pianotent avec douceur sur le clavier et s'emportent. Son index hésite, tout se précipite, un prétexte pour produire un texte sans raison. Mais n'est-ce pas nôtre point commun ? S'enflammer pour un rien. Allez, cessons les bavardages, ne soyons pas sages, prenons notre courage à deux mains. Qui sait ce qu'il adviendra ? Une certitude, je vous l'assure, un challenge mérite d'être relevé quelque soit les dangers. Ne faisons pas les fines bouches et posons les couches d'un prémisse, d'une esquisse juste pour séduire l'auditoire comme les artistes d'un soir.
Roulement de tambour, faites place aux saltimbanques et troubadours qui depuis la nuit des temps, au travers de leur talent charment le public jour après jour. Avec leur clic et leur claque, ils assurent le spectacle. Ne vous y trompez pas, ils deviennent le temps d'une représentation des rois sans prétention. Derrière leur faciesse grimé se cache vous et moi, des hommes simples et fous de joie d'offrir un moment intemporel pour le commun des mortels.
Comment ne pas tomber sous le charme du premier artiste qui s'élance sur la piste sur son monocycle ? Derrière son apparente nonchalance, en équilibre sur son siège, l'homme au regard de braise se balance et semble à l'aise. Il roule et déboule devant la foule enthousiaste. Chaque coup de pédale dans le dédale des allées est un exploit acclamé par le premier rang impressionné. Un enfant s'écrie avec candeur qu'il faut être balaise et ne pas avoir peur de se prendre un gandin devant les gradins. Sa sœur, juste à côté, frissonne à l'idée de le voir se casser la figure sur le sol si dur. Le seul risque pour notre intrépide serait de se retrouver le cul entre deux chaises.
Le public retient son souffle, pas de panique, le funambule déambule et camoufle derrière son sourire de façade, son trac. Pour ne pas penser au pire, il parade le visage badigeonné de talc. Superstition ou grimage pour conjurer les mauvais présages. Il faut être fou ou audacieux pour marcher sur un fil en côtoyant les cieux. Comment fait-il pour garder son humeur joyeuse, ses déambulations sont si périlleuses ? Au moindre faux pas, la chute serait fatale et le spectacle loin d'être banal deviendrait peu acceptable pour les jeunes pousses qui se trémoussent dès que son pied dérape et que d'un coup, il se rattrape. Une femme sort son éventail, pour se rafraîchir. Cette canaille l'a faite blemir quand il a saisi son parapluie, in extremis, avant que sa chaussure ne glisse. Après son grand écart, son teint devint blafard. La pirouette sur un pied l'avait déjà mise dans tous ses états alors ce mouvement-là, je ne vous raconte pas.
Son ami, juste en dessous du câble, fait les quatre cent coups. Ces gestes désordonnés rythment ses pérégrinations d'un bout à l'autre de l'arène. Il emplit la scène de ses acrobaties, et le singe qui l'accompagne, vêtu d'un pagne, mime chacun de ses mouvements dans le moindre détail. Pas facile de ne pas mettre la pagaille quand on n'a qu'une idée en tête, faire la fête. Comment leur en vouloir, leur complicité est si belle à voir ? Avec leur facétie, l'un et l'autre ont ému toute la tribu assise au deuxième rang. Parents et enfants ne tiennent plus en place, devant la classe du clown et de son compère plein d'audace. Les fous rires se mêlent à leurs délires.
Au tour des chevaux de rentrer au galop. En scelle, messieurs. Dans un halo de poussières, les cavaliers apparaissent sur leur monture. Dans leurs habits de lumière, ils ont fière allure et illuminent le chapiteau. Des étincelles brillent dans les pupilles des marmots. Rebelles ou sages, les minauds ne quittent pas du regard les déplacements des équidés. Leurs sabots glissent avec dextérité sur le sable aux grains mordorés. La jument à la robe ébène s'élance dans une danse sereine, où chacun de ses sauts révèlent sa maîtrise. Sans contrainte, elle exécute une cabriole, ses quatres membres s'élèvent du sol. Instant magique, son corps plane à l'horizontal. Son partenaire héroïque, sans effort, se dresse sur son dos, phénoménal. Image irréelle de deux formes surnaturelles dans un ciel étoilé. Comment a-t-on nommé cette figure ? Pégase, bien sûr.
Vous comprendrez aisément qu'après autant d'émotions, un entracte s'impose. Comment ? Je vous sens agacé. Ne le soyez pas, acceptez humblement que les artistes prennent une pause pour vous offrir un moment inoubliable. Je te vois, tu râles toi là- bas mais fais confiance à Monsieur loyal, il a toujours raison. Maître de ses lieux, qui mieux que lui pour te donner moultes façons de te divertir. Quoi ! Tu penses qu'il oserait te mentir ? Ma foi, que nenni ! Sous son haut de forme, tu ne trouveras point de mots sans formes, ni dans sa redingote de fausses notes. Juste de jolies courbes rigolotes. Points de fourberies, même si Scapin il lit. Point de stupidité, il a suivi les cours de Maître Capello. Dans son dico, la Rousse, sa mère lui a enseigné tout le vocabulaire nécessaire pour ne pas rester à cours lors des préliminaires. Me moquez de vous ? Je n'oserai. Ce brave homme sait tout à fait ce qu'il fait et jamais ne triche. Des années d'expériences à son compteur il affiche et le reste il s'en fiche. Allez chiche, jouez son rôle quelques minutes. Zut, plus le temps. Il a su y faire et vous a fait patienter, silence le spectacle va pouvoir reprendre.
Ouvrez grandes vos mirettes, l'athlète qui se présente maintenant avec ses balles, ballons et autres accessoires, va vous en boucher un coin. Il a l'art de jongler avec des objets communs, blague à part, rien de surprenant jusque là vous en conviendrez. De main en main, le moindre petit rien devient le héros de ses doigts. Admirez avec quelle habileté le chandelier s'élève dans les airs avec les bougies qui se montrent bien peu cavalières. Seraient-elles aussi allumées que notre ami à cinq bras à moins qu'elles ne soient jalouses de son épouse la belle Candela ? En attendant, elles tournoient autour de ses branches, loin d'être manches. Le rythme s'accélère quand les mèches s'allument. Comment ne pas avoir le souffle coupé quand on découvre la facilité avec laquelle il fait valser l'argenterie ? Les couteaux ont remplacé le bougeoir. Leurs lames aiguisées fendent l'air pour plaire aux plus téméraires qui ont gardé les yeux ouverts. Les plus craintifs cachent un œil admiratif, ils tâchent de ne pas cligner des paupières pour ne pas perdre l'ustensile qui tournoie et pourfend l'espace.
Oups que se passe-t-il ? Le jongleur a disparu dans un nuage de fumée, envolé. Vous ne l'auriez pas vu ? Le petit coquin est de mèche avec le grand magicien qui crèche dans la calèche au fond du jardin. Je m'égare, je vous avais prévenu. Parfois dans ma cervelle, il y a un grand bazar. Mon cerveau est un chapeau rempli de farces et attrapes. On peut y trouver à toute heure du jour et de la nuit, d'immenses escogrifs côtoyer le lapin blanc d'Alice. Cette boule de poils se montre toujours trop pressée, tellement, qu'il passe à l'orange quand je lui donne le feu vert. Tel un diable sorti de sa boîte, tout s'emboîte, un Tetris plein de malice devient le complice du chat réglisse. Parfois un nain de jardin avec des histoires sans queue ni tête se tape des barres avec Oscar le petit renard. Comment ne pas retomber en enfance ? Toi, petit gars, rejoins-le sur la scène, ne traîne pas, il aurait besoin d'un apprenti sorcier. Merlin enchante heure après heure, les spectateurs. Sur leur strapontin, l’assemblée tape des mains en cadence, le refrain chantonné avec aisance pour le petit lutin au bonnet argenté :
Higitus figitus migitus mum !
Prestidigitori-um !
Higitus figitus zomba kazom
On vous demande toute votre attention.
Après feu d’artifice et rivière de confettis, la lumière se tamise. La salle s’évanouit pour faire place à un trait de lune. L’astre opalin luit et illumine la dune sur laquelle une fée endormie s’étire délicatement. Le violoncelliste au bord de la piste, avec expertise, accompagne son entrée de ses sonorités. Avec son ombrelle ourlée de dentelle fine, la ballerine dans son tutu de flanelle à la couleur violine, esquisse des entrechats. Avec son visage au teint de porcelaine, la reine de la soirée, se suspend à la traîne. Ses jambes s’enroulent autour de ce bout de tissu, le rendu est parfait. Voluptueuse, elle enchaîne les positions. Merveilleuse poupée, son sourire nous entraîne avec passion dans son ballet d’émotions. Ses yeux bleu azur ensorcellent chacun des invités, Mélusine a si belle allure dans ce ciel constellé. Elle virevolte, ondule et côtoie le toit du monde.
Fermez les paupières, une seconde. Laissez-vous transporter dans leur univers. Féconde est leur imagination, ils se nourrissent de douces sensations. Comme vous et moi, ils frissonnent, rient, sourient, aiment et rêvent, alors ouvrez le rideau et qui sait ce vous découvrirez. Un funambule faisant des bulles arc-en-ciel en haut d’un gratte-ciel. Un clown et son pote Saperlipopette réalisent des claquettes dans leur costume à paillettes dans une supérette au rayon des cacahuètes. Un écuyer sans étriers avec son étalon Frison à la robe noire, le pur sang ne perd pas espoir et courtise la jument qui ne se fait pas prier et marche à ses côtés. Un jongleur, farceur et joueur, manipulant avec talent des instruments sans perdre un instant. Un magicien qui a du chien, l’illusionniste cherche à retrouver la piste le menant à clé de sa boîte à trésor qu’il a égaré en perdant le nord, ne craignez rien, je vous l’assure il est bien plus malin que son étourderie, le coquin. Pour finir vous croiserez une jolie ballerine, aux doigts de fée, elle n’égare jamais la rime dès que la sublime se dandine telle une féline.
Le chef d’orchestre se joint à moi pour vous remercier de votre visite dans nos pensées, les mots ont voyagé avec amour, un doux contour autour d’un rêve offrant une trêve dans ce monde fou.
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