Simulation

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Et s'il n'y avait rien de vrai dans tout ce que vous viviez. C'était l'hypothèse de K. Celle qu'il adorait le plus. Attaché sur sa chaise, l'air agard, il contemplait le spot lumineux qui tournoyait doucement au-dessus de sa tête. La dernière chose dont il se souvenait était la rame de métro, l'obscurité, les portes, les crampes à l'estomac. Alors qu'il gisait au sol, le regard flou, de petits pieds nus entrèrent dans son champs de vision. Un petit garçon ? Une petite fille ? Iel s'était penché, lui avait tendu la main. Et maintenant, il était là, assis, solidement arrimé à une chaise dans le noir, avec pour seul compagnon une lampe qui tournayait bruyamment au dessus de lui. De l'extérieur, la scène ressemblait certainement à une scène de film vue et revue maintes fois, dans laquelle le héros se retrouve kidnapper par les bandits, et sur le point d'être torturé parce qu'il était potentiellement celui qui allait mettre fin à tout ça. Mais tout ça, quoi ? D'ailleurs, lorsqu'il pensa au mot "kidnappé", il ne pût réprimer un petit sourire qui se dessinait sur son visage. Kidnapper... Quelle ironie.

Comme dans ses films, il essaya de déserrer un peu ses liens pour respirer un peu, mais en vain. Il se mit alors à crier des noms au hasard, à appeler à l'aide, mais comme dans les films, sans plus de résultats. Alors il se mit à essayer de voir dans l'obscurité. Il devina une armoire dans la pénombre, et sur l'armoire des outils. Il se dit alors que s'il arrivait à faire basculer la chaise, peut-être qu'il arriverait au prix d'un effort considérable à se glisser jusqu'au meuble. Puis à coup de grands coups de pieds, il pourrait faire tomber l'outil contendant dont il pourrait alors se servir pour couper ses liens. Un nouveau rire s'empara de lui. Il avait vraiment été conditionné par tous ces films américains du 20ème siècle, la dernière époque qu'il considérait peuplé par des personnes imaginatives et originales. Au fond, il était incapable de réfléchir autrement que de la manière dont on lui avait apprise, au travers de référence. Il était comme un programme informatique, exécutant l'algorithme avec lequel il avait été conçu, limité par un modèle de pensée prédéfini. Il n'était pas capable de penser autrement, et la situation dans laquelle il se trouvait présentement le poussait à adopter une solution qu'il avait apprise. Il repensait alors à une autre scène de film, dans lequel un espion organisait l'enlèvement de sa femme qui avait commencé à flirter avec un vendeur de caisses, qui lui prétendait être un véritable espion. Attachée sur une chaise, elle avait été mise dans une condition psychologique particulière, des spots braqués sur elle, l'obligeant à terme à avouer ses sentiments. Il ne manquait plus que ça, des spots braqués sur lui...

A peine eut-il le temps d'avoir cette pensée qu'un flot lumineux l'aveugla. Il essaya instinctivement de détourner le regard pour se protéger de la douleur, alors que son corps semblait ne pas être étonné et s'y attendre. A ce moment précis, il ne savait pas ce qu'il éprouvait, à la fois de la surprise sans être surpris, de la peur sans avoir peur, de l'intérêt sans être intéressé. C'était comme s'il savait déjà à l'avance ce qui allait se passer sans le savoir.

- "K. ... Pourquoi.. as-tu voulu tout lui dire ?"
- "Dire quoi... A qui ?"

La voix lui semblait familière, mais pour une raison qui l'échappait, il n'arrivait pas à replacer un nom dessus.

- "Kayla, c'est toi ?" essaya-t-il.

- "Pourquoi as-tu voulu dire ? T'as pas conscience de ce que tu fais ou bien t'es complètement stupide ?" insista la voix.

- "Je ne sais pas de quoi tu parles, ni qui tu es. Mais je ne suis rien. Tu peux me torturer, me défigurer, m'ôter la vie, personne ne viendra. Je ne vaux rien."

Un silence qui lui semblait une éternité s'installa. La pièce lui semblait plus vaste, notamment à cause du faible echo qu'il percevait alors qu'il exprimait ces mots. Un sentiment de puissance l'envahit en l'absence de réactions de son interlocutrice, et l'envie de continuer la provocation s'installa en lui. Alors qu'il fit un premier mouvement de lèvre, il entendit, sans surprise, et répéta en même tant qu'elle:

- "Tu te crois la·le plus fort·e ?"

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