Agonie

5 minutes de lecture

Il y a de ces jours, où perdu dans l'obscurité, vous agonisez lentement.. Gisant au sol, les multiples lacérations dans votre corps vous font souffrir.. Dans ces moments, vous rêvez.. Vous rêvez d'être un animal, un orc, ou un gobelin... Même un chien aurait été mieux traité. Vous rampez tant bien que mal vers la sortie, celle lumière chaude, scintillante et brillante, baignant dans le sang abondant s'échappant de vos membres meurtris et mutilés. La douleur... Vous suppliez qu'elle vous tue pour qu'elle s'arrête, hurlant à l'agonie. Vous n'avez qu'une envie, qu'on vous achève. Mais progressivement, elle vous lacère, vous ouvrant de nouvelles plaies, réouvrant celles profondes et qui avaient cicatrisé. Tandis qu'elle est là, à vous observer derrière la vitre insonorisée. Vous vous tenez au mur, essayant de vous relever, posant votre main ensanglantée sur la baie transparente. Elle pose la sienne sur votre empreinte, d'un léger sourire. Vous la regardez, attendri, les yeux mouillés...

Vous vous effondrez alors au sol, le regard vide orienté vers le plafond noir, alors que le froid engourdit vos membres. La Mort arrive, surgit avec ses ailes sombres, vous enveloppant dans une brise glacée et réconfortante. Certains l'appelle Ryuk, d'autres Izrail.. Vos dernières larmes coulent le long de votre joue et vous repensez...

Vous aviez toujours voulu exister auprès d'elle, mais elle n'y voyait en vous qu'un substitut, un objet jetable et remplaçable, destiné à assouvir ses besoins profonds les plus pervers. Vous aviez accepté ce rôle, mais vous espériez, secrètement, au fond de vous, qu'elle vous donne matière, qu'elle vous donne une raison d'exister, une existance matérielle. Mais vous voyait-elle vraiment ou n'était-ce qu'un mirage.. Et si vous pensiez que vous étiez un objet transparent, mais qu'en réalité, vous n'existiez tout simplement pas ?

Vous vous rendez compte que les multiples fissures traversant votre corps n'étaient qu'une illusion. L'usure du temps n'était qu'une impression. Jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, ces personnes que vous voyiez et qui vous manipulaient, elles, ne vous voyaient pas. Elle ne voyait pas le fluide qui coulait à travers les multiples orifices, le vase perdant de sa substance. Elle vous avez secoué jovialement et innocemment dans tous les sens, vidant le peu de matière qu'il restait.

Votre âme avait sombré, peu à peu dans l'oubli, et votre corps, allant d'une relation charnelle à l'autre, n'attendait plus que la fin. Vous aviez fini par vous habituer aux stigmates, habitué par devenir quelqu'un d'autre destiné à vous protéger. Ou à protéger ce qu'il restait de vous. Vous aviez créé un monde pour vous, dans lequel vous réfugier, perdant de nouveau matière, cette chère matière que vous vouliez tant et qui pouvait vous rendre consistant. Un monde dans lequel vous vous pensiez en sécurité, mais d'où vous n'imaginiez pas la trahison arriver.

Et alors que vous vous y attendiez le moins, elle avait surgit des profondeurs des Abysses pour vous avaler de nouveau et tout détruire allègrement. Complices, vous aviez décidé de l'accompagner, et de la laisser détruire ce qu'il restait de vous, de votre univers.. Espoir qu'elle vous libère, ou à la recherche d'une raison pour en terminer. Mais peu à peu, d'une manière inattendue, les liens qui vous reliaient à elle s'étaient resserrés. Vous vîtes sa création, et vous vous étiez mis à croire que vous pouviez revivre, qu'elle pouvait vous redonner substance, quand bien même elle était éphémère. Et lorsque de manière inattendue elle invoqua le chaos sur vous, vous vous rendîtes compte que vous n'aviez plus la force ni la volonté de vous battre. Vous aviez tout abandonné. Elle avait décidé d'un claquement de doigt de tout remplacer, parce que ce n'est pas vous qu'elle voyait, mais, à travers vous, un de ses amours passés.

Désormais, sans âme et sans corps, vous errez. Même la Mort ne veut plus de vous. La Mort, censée être votre dernière amante pour l'éternité, celle censée vous choyer jusqu'au jour de sa disparition. La Mort souriait en vous voyant agoniser, comme toutes celles et ceux avant elle, qui vous avaient assassiné maintes et maintes fois. Mais malgré tout, vous ne pouviez lui en vouloir. Elle était toujours là, avec vous, vous tenant la main, auprès de vous.

Elle pose sa main sur votre joue, votre tête posée sur ces genous confortables. Elle sort une lame acérée, et se met à dessiner dans votre chair, à y graver son nom. Telle une enfant insouciante, elle s'amuse et vous ne pouvez vous empêcher de la regarder faire en souriant. Mais tout ceci n'est qu'illusion. Vous n'existez guère, et la douleur que vous pensiez ressentir n'est qu'une sensation mensongère dictée par l'Univers. Vous ne pouvez expérimenter la douleur si vous n'existez pas.

Ainsi, K. ouvrit les yeux. Elle était là. Une âme nouvelle, naissante, prête à prendre sa place, fine et élancée. Sa chevelure dorée tombait le long de ses épaules. Son visage ne laissait paraître que de la douceur et mettait en valeur une frêle silhouette. Chloé lui souriait.

"Je te présente Elise, elle sera Toi, elle sera Nous. Ne t'inquiète pas, tout se passera bien. Nous avons déjà creusé ta tombe, non loin d'ici, près de la colline que tu apprécies. Tu pourras y reposer éternellement, en paix. K., je..."

La voix de la jeune brune s'enrouait.

"Je t'ai toujours considéré comme mon meilleur ami, je ne voulais pas qu'on en arrive là... Ta mère m'a accueillie comme sa propre fille, je m'en souviens encore... Tu te souviens de la fois où on a mis repeint les murs de la cuisine avec de la pâte à tartiner..." Elle laissa s'échapper un rire. Elle le prit et l'entoura de ses bras. "J'ai essayé de te défendre comme j'ai pu, mais cette fois, les blessures étaient trop profondes pour que tu puisses survivre. Je sais que tu as toujours douté de mon existance parce que tu n'es qu'une création de Son esprit, mais je t'assure que de nous deux, je suis celle qui est bien vivante..."

K. ne put s'empêcher de retenir ses larmes. Pour la première fois depuis si longtemps, il avait la confirmation de ses doutes les plus profonds.

"Je suis désolée... Elise s'occupera bien de lui."

Le caméléon essuya les yeux, et s'en alla vers sa dernière demeure. Mais lorsqu'il se retourna une dernière fois pour observer les collines vertes de son enfance, il ne pût s'empêcher de les voir... Les stigmates et les cicatrices éternelles qu'Elise allait endurer...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire KuraiYama ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0