Le petit cochon souillon

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" Grouiiiiik ! Grouiiiik ! " "Attends un peu que je t'attrape, tu vas voir ! " Grouiiiiik ! Grouiiiiik ! " "Non mais, tu ne vas pas t'en sortir comme ça ! "

Comme chaque premier samedi du mois, la ferme retentissait de cris et de vociférations. Les animaux assistaient, médusés, à une cavalcade effrénée au départ de la porcherie. Les vedettes de ce curieux defilé traversaient la cour à fond les ballons, soulevaient un tourbillon de poussière, effrayaient les dindons et les poules, éclaboussaient les spectateurs en dérapant dans les flaques d'eau. Du grand spectacle !

"Grouiiiiik ! Grouiiiik ! "

Point besoin de fanfare pour ce charivari, les braillements de Gustave suffisaient à l'animer. Mais qui est donc Gustave ? Et pourquoi donc tant de tintamarre ?

Gustave était un cochon d'ordinaire bien tranquille. Il aimait dormir, manger, rêver et patauger dans la boue. Mmmmmh, quel bonheur ! Il était tout rose et tout mignon avec un joli bidon rond, rond comme un ballon. Il était particulièrement fier de sa charmante queue en tire bouchon. Il se pavanait, fier comme le paon faisant la roue, persuadé que son petit appendice était le plus beau des joyaux, une merveille de la nature. Avec beaucoup de manières et de simagrées, il présentait son derrière à tout le monde, à ses amis et même aux premiers venus. Il les interpellait d'une voix très distinguée : "Regardez, admirez ! Je suis le seul animal à avoir une si jolie queue avec des spirales si fines et si délicates. Elle couronne à merveille mon popotin. Vous ne trouvez pas que c'est tout simplement divin ? " Comme il était très gentil, on lui pardonnait cet orgueil, un peu mal placé entre nous.

Par contre, ce que son entourage avait beaucoup plus de mal à supporter, c'était son odeur de saleté. Seules les mouches semblaient s'en délecter. Comment vous la décrire sans trop vous dégoûter ? Eh bien, fermez les yeux et imaginez le délice olfactif d'une vanille raffinée : ça y est, vous l'avez ? Eh bien, c'était exactement le contraire ! Bref, notre Gustave ne sentait pas la rose, il cocottait, il empestait, soyons franc, il puait. Une horreur ! C'est pourquoi, le fermier avait, pour le bien être de tous, la lourde tâche de laver notre beau gros dégoutant !

Mais autant Gustave aimait se vautrer dans la gadoue, autant il avait en abomination l'eau propre et cristalline. Pour lui donner des frissons d'horreur, il suffisait de prononcer les mots maudits de savon, gel douche, shampooing. Ses cauchemars étaient peuplés de rituels où il était installé dans un baquet tel une victime d´une tribu cannibale dans un chaudron sur le feu. Coiffé d'une ridicule charlotte, ses bourreaux lui frottaient le dos avec des éponges gorgées de mousses parfumées en chantant des incantations :

" Lave, lave, lave Gustave ! Propre, propre le malpropre ! Décrassons le petit cochon ! "

Il se reveillait alors en sursaut, tout tremblant et, pour se remettre de ses émotions, il plongeait avec grand soulagement dans la vase la plus nauséabonde possible.

Gustave n'avait pas d'agenda mais il devinait quand la séance tant redoutée du bain approchait grâce aux miaulements moqueurs des chats :

" Miaou, miaou, adieu la boue. La baignoire se remplit mais pour qui ? ça n'est pas pour nous les matous qui sommes tout propres et tout doux mais pour le plus souillon de tous nos compagnons. "

Donc, quand le fermier approcha de la porcherie en sifflotant d'un air innocent, Gustave était déjà dans les starting-blocks. Dès que la porte s'ouvrit, comme un sprinter champion du monde du cent mètres, il démarra, que dis-je, il décolla à la vitesse de la lumière. Grouiiik ! Grouiiik !

Un cheval ayant participé dans sa jeunesse à une course hippique s'amusa à commenter l'évènement :

"Mesdames et Messieurs, nous assistons à une finale incroyable ! Les paris sont ouverts : qui va gagner aujourd'hui ? Peut être le fermier que nous connaissons toutes et tous : quel magnifique athlète dans sa belle salopette verte mais, que vois-je ? non, ce n'est pas possible ! Quelle erreur de débutant ! Il a mis ses grandes bottes en caoutchouc, les chaussures idéales pour se casser la figure ! Mais il rattrape tout de même son adversaire. Il le talonne désormais, plus que quelques centimètres, il va le toucher : attention, Mesdames et Messieurs, assistons-nous à un retournement de situation ? Mais non, il dérape dans une magnifique bouse toute fraîche. Oh la, la, lalalalalalala ! Quelle déception ! Mais il se relève ! Oh, il semble très énervé ! La fureur lui donne des ailes et il bondit sur le petit goret grassouillet."

C'est ainsi que Gustave se trouva saisi puis immergé dans une auge toute propre remplie à ras bord d'une eau transparente. Comme par magie, la saleté commença à disparaître. Enfin, les nez les plus délicats n'allaient plus avoir à subir ces effluves pestilentielles.

Mais en ce cas, pourquoi donc Gustave affichait-il un sourire narquois ? Aurait-il changé d'avis et deviendrait-il soudain fan de l'hygiène et de la propreté. Apprécierait-il désormais de barboter ? Mais, non, pas du tout : il avait tout simplement une idée pour se venger. Il se concentra et, oh non pas ça, il fit pipi dans l'eau de son bain. Oh, quel cochon ce Gustave !

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