Norbert, un ami extraordinaire

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Il était une fois, dans un pays merveilleux, un petit village endormi au milieu de la nuit. Les enfants rêvaient de tout ce qu'ils pourraient faire quand ils seraient grands et les parents de retrouver leur insouciance d'antan. Aucune lumière ne brillait aux fenêtres, seule la lune éclairait les rues d'une timide lueur. Quand soudain, tel un phare au milieu de l'océan, une lampe s'alluma. A trois heures du matin, comme toujours, Norbert était déjà réveillé. Comme tous les super héros, il avait une mission à accomplir. Il grimpa les escaliers, ouvrit la porte d'un coup de patte et se posta tout au bord du lit. L'homme qui s'y trouvait ronflait si fort qu'on aurait cru entendre un ours en pleine hibernation. Mais cela n'impressionnait guère Norbert. Il sortit sa grosse langue baveuse, et, slurp, il lécha le visage du pauvre endormi.

"Oh, non ! " s'écria-t-il. Je t'ai déjà dit de ne plus faire ça. C'est dégoûtant ! " Puis en voyant la bonne grosse tête et les yeux remplis d'amour de son chien, le boulanger sourit et le caressa en le remerciant. Une fois sa toilette faite, il descendit au fournil où les pains et les viennoiseries gonflaient tranquillement avant d'être mises au four. Très vite l'air ambiant se remplit d'odeurs délicieuses. Norbert attendait sagement dans son panier l'heure du petit déjeuner. Il en profita pour s'assoupir jusqu'à ce que la machine à café et le craquement de la baguette toute chaude que son maître rompait le réveillent. " Tiens mon gros loulou ! " dit l'homme en lui jetant le crouton. " Qu'est-ce que tu en dis ? Les clients vont-ils être contents ? " Norbert n'en doutait pas, il se régalait. Par contre, il s'inquiétait un peu de la santé psychique de son ami. En effet, n'importe qui d'autre savait qu'il n'allait pas pouvoir lui répondre en langage humain. Cependant, pour le satisfaire, il aboya d'approbation : "Ouaf ! " Son maître lui répondit : " Ah je comprends, tu as envie de partir pour faire la tournée. Attends, je prépare ton sac." Même si ce n'était pas le sens de son aboiement, Norbert remua la queue de contentement. Comme ses collègues sauveteurs dans les montagnes, il se retrouva harnaché d'un sac à dos rempli de matériel de survie : Des pansements et du désinfectant ? Non, des gâteaux savoureux pour sauver les gourmands. Il profita d'une minute d'inattention de l'artisan pour ajouter, en le laissant tomber délicatement, un petit supplément dans son baluchon.

Le soleil n'avait pas encore pointé à l'horizon qu'il arpentait les trottoirs déserts. La première adresse à visiter était celle d'un hôtel-restaurant où dormaient quelques vacanciers. Le livreur à quatre pattes pénétra dans la cuisine puis, avec sa truffe, il poussa les portes battantes qui menaient à la salle. Il se retrouva à côté du comptoir où Simon, le patron, était affairé à préparer la vaisselle pour le prochain service. " Ah te voilà Norbert ! Toujours à l'heure et de bonne humeur ! " Puis il ouvrit le sac et prit le paquet qui lui était destiné : de bons gros croissants parfaits à déguster pour bien commencer la journée. " Combien je vous dois, Monsieur ?" demanda-t-il. " Ouaf, ouaf ! " répondit Norbert. "Oh, oh, les prix ont augmenté ! " Puis en riant, il versa, dans une jolie gamelle argentée, un reste de boeuf bourguignon. " Et voilà, vous pouvez garder la monnaie ! " Le chien ne se le fit pas répéter et il lécha si soigneusement son écuelle qu'on aurait pu l'exposer dans la vitrine d'un bijoutier. Sans perdre de temps, il se remit en route.

La prochaine maison, tout au bout d'un chemin, était un peu retirée du centre du village. Sautant par dessus la barrière du potager où se côtoyaient légumes, fleurs et arbustes porteurs de petites baies, Norbert atteignit le rebord d'une fenêtre où il posa ses deux pattes avant. " Bonjour ", s'exclama tout de suite Henriette qui surveillait son arrivée depuis son fauteuil. " Rentre donc, c'est ouvert ! " Norbert vint tout près de la vieille dame qui lui tapota la tête. " Tu es un brave chien. " Elle récupéra une jolie brioche dorée et un éclair au chocolat dans la besace du messager. Comme on le lui avait appris, ce dernier s'approcha du bûcher, prit un morceau de bois dans sa gueule et, hop, il le jeta dans la cheminée où le feu menaçait de s'éteindre. " Merci, mon bon samaritain. Je vais ainsi avoir bien chaud jusqu'à la visite de ma fille. " Et fouillant dans les poches de sa blouse, elle en sortit un bel os. Norbert s'en saisit et alla l'enterrer dans le jardin entre les choux et les carottes. Il était déjà grandement rassasié pour la matinée. Il reviendrait le chercher pour son goûter.

Il était désormais temps de rejoindre l'une de ses destinations préférées. Au trot, il traversa la place de l'église où les cloches carillonnaient sept heures à toute volée. C'est de ce côté qu'habitaient Jules, Charlotte et leur maman. Celle-ci était déjà partie au travail dans sa petite voiture rouge. Norbert aboya : "Ouaf, ouaf, ouaf ! ". Les enfants avalèrent leur chocolat au lait prestement et coururent pour être le premier près de leur ami poilu et lui faire un gros câlin. "Oh non, tu as gagné ! " grogna le petit Jules. Mais il oublia vite sa défaite, car il trouva le pouic-pouic, le jouet préféré de Norbert. Après le lui avoir présenté, il le jeta à l'autre bout de la pelouse. Le chien l'attrapa avant qu'il ne touche le sol puis le rapporta. Le trio s'amusa follement jusqu'à ce que l'animal s'assied près du portail de la cour. C'était le signal pour arrêter de jouer. Il était l'heure de prendre le bus pour aller à l'école. Ils marchèrent ensemble prudemment jusqu'à l'abri au bord de la rue. Avant de monter dans le véhicule, les enfants prirent dans le sac à dos, deux énormes cookies. Tous leurs amis déjà assis à l'intérieur et le chauffeur agitèrent leurs mains pour saluer le sympathique Norbert.

Il ne restait plus qu'une seule personne à livrer. La plus importante, et pourtant même le boulanger ignorait que son chien y allait. Isabelle venait de s'installer depuis quelques semaines sdans une jolie maisonnette entourée de jachère fleurie. Les oiseaux aimaient s'y retrouver à tout moment de la journée ; des abeilles bourdonnaient au fond de leur ruche, heureuses à la perspective de butiner dès que le soleil brillerait. La propriétaire des lieux se préparait un thé lorsqu'elle entendit aboyer. " Tiens ! " se dit-elle. " Cela doit être un nouveau gâteau que le gentil boulanger me fait livrer comme chaque matin depuis mon arrivée. " Après avoir câliné Norbert, elle ouvrit le sac à dos à l'intérieur duquel il n'y avait plus qu'une gourmandise : celle que le petit malin avait ajouté au nez et à la barbe de son maître. C'était un petit chou tout craquant de caramel et garni d'une crême pâtissière fondante à la vanille. Elle le mit en bouche et ferma les yeux de bonheur et de gourmandise. Norbert pencha la tête en regardant ce tableau attendrissant.

C'était l'heure de rentrer pour une sieste amplement méritée. En fin de journée, alors que son maître était dans la boutique, il reconnut la voix d'Isabelle qui disait : "Chaque matin, je pense à vous. Vos pâtisseries embellissent mes journées. " Le boulanger rougit en regardant les beaux yeux bleus de la charmante cliente et murmura timidement : " Si vous êtes intéressée, je pourrai vous montrer quelques-unes de mes recettes secrètes. " Norbert fut ravi en entendant : "oh, oui, avec grand plaisir et quand vous voulez."

Sa mission était accomplie. Son maître allait avoir enfin une autre compagnie que la sienne, un être parlant le même langage que lui et avec lequel il pourrait avoir de vraies discussions. Serait-ce pour un instant, pour un moment ou pour toute une vie ? L'histoire ne le dit pas, c'est à chacun de l'imaginer comme il lui plaira.

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