- Je vous le répète, encore et encore s'il le faut, Grande Raon, nous ne pouvons pas nous permettre une telle...

Il fut surpris par une détonation lointaine, l'interrompant.

- Je comprends. Mon idée est loin d'être parfaite mais que prévoyez-vous ? Vous allez garder son existence secrète ? Mentir est une solution, mais le mieux est que ça soit fait en douceur.

Qu'est-ce qu'elle pouvait être si têtue ! La Grande Raon, cheffe sûpreme de son royaume, avait toujours été calme et posée en toutes situations, d'aussi loin qu'il s'en souvienne. Cette fois-ci, elle paraissait inquiète et ses mouvements désordonnés, faisant les cent pas dans la maigre pièce où ils s'étaient réfugiés pour parler en privé.

- Je pense que la meilleure solution, oui, c'est de faire comme si le cours des choses n'avait pas été atteint. Nous pourrons très bien signaler sa disparition et...

- Le peuple serait effrayé par cette nouvelle, vous le savez autant que moi, Helinger.

Un silence innonda la pièce. Jamais cette petite chambrette désaffectée n'avait été aussi chargée de tension dans l'air. La Grande Raon s'arrêta et posa ses iris jaunes dans les siens. Il eu un mouvement de recul. Même si il s'évadait un peu, il prit en compte l'air désemparé de sa souveraine et la douleur qu'elle devait ressentir à ce moment précis.

- Vous avez raison, admit-il. Nous pourrons mentir sur la disparition, dire que c'est un long voyage, mais comment faire pour l'enfant ?

- Je ne sais pas.

Elle se prit la tête entre les mains. Un instant, Helinger aurait bien voulu s'approcher d'elle pour la rassurer. Mais, même si ils étaient très proches, la distance des rangs et de l'étiquette a adopté interdisait son geste.

- J'ai trouvé, Helinger, j'ai trouvé !

- Je vous écoute.

- Et si nous nous marrions et...

Elle arrêta sa phrase, soudain gênée.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, reprit-elle, si nous faisions semblant de nous marrier, nous pourrions prétendre que c'est notre enfant. Comment trouvez-vous cette idée, Helinger ?

- Je trouve cela un peu...radical.

Ils retrouvèrent un silence gêné. Pendant ce temps, quelqu'un toqua a la porte. Helinger s'approcha et ouvrit. Après s'être prosterné devant la Grande Raon et Helinger, le garde leva ses mains, mettant son paquet bien en évidence.

- Le bébé, Grande Raon, il est étrange. Le chef a souhaité qu'on vous l'ammène.

- Donnez-le moi, dit-elle au garde.

Avec un aspect bourru, le garde posa délicatement le bébé dans les bras de sa souveraine en essayant de ne pas la toucher. Ce serait un affront de toucher quelqu'un d'aussi éminent, lui, un simple soldat. Lorsqu'il sortit et que ses pas ne résonnèrent plus, Helinger reprit.

- Grande Raon, il ne serait pas plus prudent de faire garder cet enfant par des personnes...de totale confiance ? Qui sait ce qui pourrait arriver entre des mains imprudentes ?

- Ne soyez pas si pessimiste.

Elle pencha sa tête sur le tas de couvertures, un sourire se dessinant sur ses lèvres en voyant le petit corps à l'intérieur se retourner.

Au moment où Helinger allait répliquer, il sentit une étrange bourrasque qui le fit basculer en arrière. Surpris, il n'eut pas le temps de se relever qu'un grondement sourd et un tremblement le plaqua contre le mur. Puis ce fut des cris, des nouveaux tremblements et plus rien. Le néant.