Chapitre 3

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La pluie fine tambourinait doucement sur les carreaux usés de la petite maison, mêlant son rythme régulier au crépitement chaleureux du vieux poêle en fonte. L'air était chargé d'une odeur familière de bois brûlé, mêlée au parfum sucré du thé à la menthe que la grand-mère d'Andres venait de servir. Un léger relent de cannelle flottait aussi, vestige d'un gâteau encore tiède posé sur la table en chêne massif, dont la surface marquée par le temps racontait les innombrables repas partagés.

Le salon était un cocon de souvenirs : un vieux tapis persan défraîchi recouvrait partiellement le plancher craquant, tandis que des fauteuils en velours vert olive trônaient autour de la table basse en bois ciré, où des magazines aux coins froissés jonchaient le sol. Sur les murs, des cadres aux photos jaunies racontaient l'histoire d'une famille aux racines profondes. Dehors, le vent faisait bruisser les branches des grands arbres, ajoutant un fond sonore doux et apaisant au ballet des gouttes sur la toiture en tôle.

Autour de la table basse, Clara, Sam, Léa, Julien et Andres savouraient un repas simple mais chaleureux, préparé avec soin par la grand-mère d'Andres. Les assiettes en porcelaine ébréchée étaient posées sur une nappe à carreaux rouges et blancs, froissée mais propre, qui ajoutait une touche de couleur au décor.

Entre deux bouchées, Clara jeta un regard en coin à Andres et, d'une voix presque inaudible, lui demanda :
- Alors, tu as demandé pour le voyage ?

Andres secoua la tête, légèrement embarrassé.
- Non, pas encore... Je pensais le faire ce soir, devant vous.

Il se leva et, avec les mains légèrement tremblantes, composa un message sur son téléphone. La grand-mère fronça les sourcils, son regard embué d'inquiétude.


- Cette forêt... c'est pas un endroit pour rigoler, dit-elle doucement. Les chasseurs y ont installé des pièges pour les sangliers. Mais parfois, ils attrapent autre chose... Faites bien attention. Promets-moi d'être prudent, Andres. Et prends bien les affaires que je te préparerai demain matin.

Le groupe se pressa de la rassurer, promettant d'être vigilants. La soirée s'étira, les amis restèrent pour la nuit. Après le repas, ils s'installèrent dans le salon, éparpillés sur des matelas gonflables recouverts de plaids douillets. La lampe torche posée sur la table basse diffusait une lumière tamisée qui faisait danser les ombres sur les murs tapissés.

Julien, la voix basse et mystérieuse, commença :
- Vous avez déjà entendu parler du lac rouge ? Pas loin de la forêt, il y a un petit lac, rouge comme du sang... Des promeneurs y ont disparu. Plus personne ne les a revus. Seules leurs affaires ont été retrouvées sur la rive, abandonnées, comme si quelqu'un les avait laissées là sans explication.

Un frisson parcourut le groupe. Le silence s'étira, lourd et chargé d'une inquiétante anticipation. Andres sentit son échine se hérisser. Julien éteignit soudain la lampe, plongeant la pièce dans une obscurité totale. Des cris surprises s'élevèrent, suivis d'un éclat de rire contagieux quand la lumière revint. Clara, exaspérée, donna un coup léger à l'épaule de Julien en le traitant d'imbécile.

Plus tard, Andres sortit sur le petit balcon de bois, la pluie fine caressant son visage et le parfum de la terre mouillée emplissant l'air frais. Deux de ses amis, Sam et Léa, le suivirent. Ensemble, ils allumèrent une cigarette, le crépitement du briquet se mêlant au clapotis régulier de l'eau sur la toiture.

Leur regard se perdit vers une vieille cabane, à peine visible dans l'obscurité, enveloppée par la brume et les ombres des arbres.

- Cette cabane, c'est flippant, non ? murmura Léa. On dirait qu'elle sort d'un film d'horreur.
- Ouais, ça fait des années que personne y va, confirma Sam. C'est pas un endroit où traîner la nuit.

Andres prit une longue bouffée et souffla lentement la fumée, goûtant le mélange amer dans sa bouche humide.
- Vous pensez que ces histoires de disparitions sont vraies ? Le lac rouge, tout ça...

Léa haussa les épaules, son regard fixé sur la silhouette indistincte de la cabane.
- Je sais pas... Ça fait peur, mais ça reste une légende, non ?

Sam sourit, l'œil malicieux.
- Parfois, j'aimerais que ce soit vrai. Juste pour voir si on tient le coup.

Andres sourit faiblement, mais son regard restait troublé.
- Moi, je me demande juste comment je vais tenir trois semaines loin d'ici. Sans repères, sans rien de familier.

Léa posa sa main sur son épaule, douce et rassurante.
- T'inquiète pas, on sera tous là. C'est pour ça qu'on y va. Pour se prouver qu'on peut y arriver.

Un silence complice s'installa, accompagné par le doux bruit de la pluie sur le toit et le chant lointain d'une chouette. Andres ferma les yeux un instant, et son esprit s'évada vers un souvenir lointain.


Ils étaient enfants, dans cette même maison, sous le même toit. Andres se revoyait avec Damián et Mireya, ses frères et sœur. Leur mère les avait surpris en train de faire des bêtises et la colère avait grondé dans la cuisine. Damián et Mireya reçurent une punition sévère, tandis qu'Andres, lui, n'eut qu'un avertissement. Il sentait les regards noirs de ses frères et sœur, lourds d'envie et d'injustice.

- C'est pas juste ! cria-t-il, la voix tremblante. Pourquoi eux et pas moi ?

Sa mère ne répondit pas, occupée à sermonner les deux aînés. Andres baissa la tête, seul dans la cuisine aux murs jaunes, le cœur serré, tandis que le vieux carillon de la pendule au salon sonnait les heures qui passaient.


Le claquement des doigts de Sam ramena Andres à la réalité.
- Eh, tu dors debout ou quoi ? Viens, on rentre.

Ils regagnèrent le salon où la grand-mère préparait déjà les affaires pour le lendemain. Andres prit une douche chaude, la vapeur enveloppant la pièce, et le parfum du savon à la lavande flottant dans l'air apaisa un peu ses nerfs.

Il s'allongea enfin sur le matelas gonflable, les bruits de la maison endormie - le craquement du bois, le souffle régulier de la pluie sur le toit, le souffle apaisé de la grand-mère qui dormait dans la pièce voisine - l'enveloppèrent doucement.

Ses pensées se tournèrent vers le voyage qui l'attendait, vers la forêt, les nuits froides et mystérieuses. Peu à peu, il glissa dans un sommeil profond, bercé par la pluie des promesses.

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