Chapitre 6

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Le soleil peinait à percer les lourds nuages gris de cette matinée fraîche. Dans la cuisine parfumée à la cannelle et au café fraîchement moulu, Andres déjeunait avec sa grand-mère. La vieille maison de pierres anciennes semblait absorber chaque son, des craquements du vieux parquet aux légers froissements du vent qui s'engouffrait par une fenêtre mal calée. L'odeur de la pluie récente se mêlait au parfum boisé du vieux buffet et à celui plus subtil des herbes séchées suspendues près du plafond.

« N'oublie pas ta lampe torche, et surtout, ne t'éloigne pas trop du groupe, » dictait sa grand-mère d'une voix ferme mais tremblante. « Ne pars pas sans ton téléphone chargé, et... surtout, fais attention à toi, Andres. »

Il sourit, tentant de cacher l'inquiétude qui bouillonnait dans son regard. « Je ferai attention, mamie. Je dois voler de mes propres ailes un jour, tu sais bien. »

Elle secoua la tête, ses yeux brillants d'une peur qu'elle ne voulait pas lui montrer. « Je ne veux pas te perdre. Pas après ton père... »

Andres sentit ses yeux piquer, un nœud douloureux serrant sa gorge. Penser à son père était encore une blessure fraîche, même si les années avaient passé. Il détourna le regard, le cœur lourd, mais tenta de se ressaisir. Sa grand-mère prit une profonde inspiration et son expression s'adoucit.

« Bon, on va finir ce petit déjeuner. Après, tu iras promener Turbo, d'accord ? »

Dans son sac à dos, Andres avait caché précieusement une petite boîte cadenassée, un objet qu'il avait récupéré quelques jours plus tôt auprès d'une femme aux cheveux emmêlés, dont le sourire étrange l'avait glacé. Il ne disait rien à sa grand-mère à ce sujet, préférant garder ce secret pour lui. Le poids de cet objet semblait presque lourd à porter.

Un petit morceau de papier glissa alors sous la boîte lorsqu'il l'avait manipulée, à moitié caché : un mot griffonné, presque effacé, qui disait simplement :

« Tu risques de voir ce que ton père n'aurait jamais dû voir lui non plus. »

Ce message hantait ses pensées, et il se surprenait à regarder autour de lui, craignant de croiser à nouveau cette femme au sourire glacé.

Le parc voisin était un havre de verdure, parsemé d'arbres centenaires aux branches lourdes de feuilles, qui exhalaient un doux parfum de mousse et de terre humide. Le chant des oiseaux se mêlait au bruissement léger des feuilles et aux rires lointains d'enfants jouant près des balançoires. L'air frais portait des notes d'herbe coupée et de fleurs sauvages, tandis qu'une légère brise caressait le visage d'Andres.

Turbo, un labrador noir aux yeux pétillants d'énergie, courait partout, une boule d'enthousiasme débordante. Il filait comme une flèche entre les arbres, gambadant avec une vitesse incroyable, d'où son nom. Andres riait, le cœur léger, jetant une balle que Turbo rapportait sans cesse, secouant la tête comme une machine à remonter le temps. L'heure passa vite entre jeux et pauses, la complicité évidente entre le garçon et le chien.

De retour chez le voisin, un homme au visage ridé mais chaleureux, Andres fut invité à boire un verre. La maison sentait la cire et le bois ancien, les étagères croulaient sous des bibelots et des photos jaunies. Autour d'une table couverte d'une nappe à carreaux, ils parlèrent de tout et de rien, jusqu'à ce que la conversation dérive vers son père.

« Tu sais, ton père était un homme courageux, » dit le voisin d'une voix douce, les yeux se perdant dans un souvenir.

Andres sentit son cœur se serrer. Brusquement, il se leva, la chaise raclant le carrelage dans un bruit strident.

« Parlez pas de lui comme si je n'avais pas le droit d'avancer, » cracha-t-il, la voix tremblante. « Oui, il me manque. Mais penser à lui ou à ma mère me fait mal, alors laissez-moi tranquille. »

Sans attendre de réponse, il s'excusa à peine et quitta la maison, le souffle court, le poids des mots lourds sur ses épaules.

Il marchait d'un pas rapide dans la rue calme, le ciel chargé menaçant de craquer à tout instant. Soudain, il aperçut au coin de la rue une silhouette familière : la même femme aux cheveux emmêlés, vêtue d'un manteau usé, immobile, le fixant intensément. Son regard perçant lui glaça le sang. Elle semblait tout droit sortie d'un cauchemar, son sourire large et figé contrastant avec l'aura inquiétante qui l'entourait.

Andres cligna des yeux, croyant halluciner, mais la femme était toujours là, immobile comme une statue vivante. Son cœur battait à tout rompre. Il voulut la fixer plus longtemps, mais elle disparut soudainement dans un souffle de vent, laissant derrière elle un silence pesant.

Un frisson lui parcourut l'échine.

De retour à la maison, Andres jeta un dernier regard à sa valise déjà prête, au sac à dos qu'il avait bouclé la veille, au carnet où il avait noté chaque détail du voyage à venir.

Une fois à l'intérieur, il croisa le regard inquiet de sa grand-mère. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais il la devança.

« Je serai prudent, je te le promets. »

Elle acquiesça doucement, puis lui fit un signe de tête pour qu'il se prépare.

Peu après, les amis d'Andres arrivèrent, l'ambiance devint légère malgré le poids imminent du départ. Après plusieurs câlins donnés à sa grand-mère, il monta dans le véhicule.

Alors qu'il fermait la porte, un léger bruissement attira son attention. Au bout de la rue, une silhouette furtive - la même femme aux cheveux emmêlés - apparut de nouveau, immobile, comme figée dans le temps. Ses yeux brûlaient d'une intensité glaciale.

Andres sentit un frisson profond le traverser. Puis elle s'effaça dans l'ombre.

Le silence retomba, seulement troublé par le bruissement des feuilles et le souffle du vent.

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