Chapitre 8

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La voiture filait doucement sur la route étroite bordée de hautes haies de buissons épineux, dont les feuilles brillaient encore des dernières gouttes de rosée du matin. De chaque côté, des champs vastes s’étendaient à perte de vue, couverts d’une herbe dorée qui ondulait sous la caresse légère du vent. Ici et là, des arbres majestueux — chênes aux troncs rugueux et pins au parfum résineux — ponctuaient le paysage, dressant leurs silhouettes sombres vers le ciel pâle de la fin d’après-midi.

L’air était chargé d’odeurs multiples, un mélange subtil de terre humide, d’herbe coupée, et d’une senteur douceâtre de fleurs sauvages — marguerites, ajoncs et lys d’un jaune éclatant. Le parfum âcre du bitume chauffé sous les pneus contrastait avec cette nature vibrante, tandis que des insectes bourdonnaient doucement autour des fenêtres entrouvertes.

À l’intérieur, la chaleur accumulée s’était mêlée à l’odeur du cuir usé des sièges, des emballages de snacks à moitié déchirés, et du parfum fruité d’une bouteille de soda oubliée sur le tableau de bord. Les rayons du soleil traversaient les vitres, dessinant sur les visages des ombres mouvantes, alors que les arbres défilaient en un ballet hypnotique.

Andrés, au volant, sentait la lourdeur de la fatigue peser sur ses paupières. Sa gorge irritée piquait sous l’effet du pollen omniprésent. Il fronça le nez, lâcha un éternuement sec et pressant.

— Je dois m’arrêter une minute, dit-il d’une voix rauque, le regard toujours fixé sur la route qui serpentait devant eux.

Ils sortirent à la prochaine sortie et s’engagèrent dans un petit parking en face d’un supermarché fatigué, avec ses néons tremblotants et sa façade délavée. Le vent faisait bruisser les feuilles mortes qui jonchaient le sol craquelé, mêlées aux mégots et aux papiers froissés.

Andrés entra rapidement, étouffant un autre éternuement. Il fouilla dans son sac à dos, attrapa son spray nasal et s’en aspergea avec soulagement. Léa, debout à côté de lui, le regardait avec un sourire complice.

— Tu sais, lança-t-elle, j’ai eu une idée géniale ! Une collection de vêtements pour les allergiques au pollen. Des tissus qui empêchent les particules de passer, des capuches avec filtres… Ça pourrait marcher, non ?

Andrés secoua la tête, amusé malgré lui.

— T’es sérieuse ? Je t’imagine bien en styliste anti-pollen.

Elle éclata de rire, puis ils rejoignirent Julien qui revenait avec un sac plastique.

— Cette fois, j’ai tout pris, annonça-t-il fièrement.

Mais Léa fronça les sourcils en sortant une canette de soda à la cerise.

— Julien, c’est pas ce que j’ai demandé ! grogna-t-elle en souriant.

Sam ne put s’empêcher de rire.

— Il a la mémoire d’un poisson rouge, ce mec.

La voiture reprit sa route, quittant la lumière dorée pour s’enfoncer dans une forêt dense. Les arbres se resserraient, formant une voûte de feuilles sombres qui tamisaient la lumière, et le parfum était devenu plus humide, plus terreux, avec des relents de mousse et de champignons en décomposition. Des fougères aux feuilles dentelées tapissaient le sol, mêlées à des touffes d’herbes sauvages et à de petits rochers couverts de lichen gris-vert.

Le moteur ronronnait doucement, ponctué par le crissement des pneus sur la route asphaltée qui serpentait au milieu des racines apparentes et des troncs tortueux.

Peu à peu, la fatigue gagna Andrés. Ses yeux se fermaient par intermittence, ses mains devenaient moins assurées sur le volant.

— Andrés ! s’écria soudain Julien, la voix pleine de panique.

Dans un réflexe vif, il attrapa le volant, redressant brusquement la voiture qui menaçait de dévier vers le bas-côté jonché de feuilles mortes. Son visage était blême, les sourcils froncés, tandis que la peur crispait ses traits.

— Sérieux, arrête de t’endormir au volant, lui lança Julien, haletant.

— J’crois que j’suis trop crevé… souffla Andrés.

— Laisse-moi conduire, repose-toi un peu.

Julien échangea sa place avec Andrés, qui s’affaissa, les yeux à moitié fermés.

La voiture roula dans un silence pesant, bercée par le doux cliquetis de la mécanique.

Andrés sombra bientôt dans un sommeil profond, son esprit s’échappant loin de la forêt et de la route.

Il se retrouva dans une maison ancienne, le bois des murs craquant sous la chaleur d’un feu de cheminée. L’air sentait la fumée, le pain chaud, et la poussière mêlée aux souvenirs. Sa famille était là, réunie autour d’une table en bois massif, illuminée par la lumière vacillante des bougies. Les voix étaient douces, les rires légers. Il voyait le visage de sa mère, la tendresse dans ses yeux, le sourire fatigué de son père.

Mais peu à peu, l’atmosphère changea. Le feu faiblit, la lumière vacilla. Un silence glacé tomba, lourd et oppressant. Une ombre apparut à la porte, indistincte, menaçante. Le temps sembla suspendu, et l’angoisse s’insinua dans chaque recoin de la pièce.

Puis tout s’effaça, laissant Andrés haletant et tremblant, le cœur battant à tout rompre.

Un léger choc sur son épaule le ramena à la réalité. Sam le secouait doucement, tandis que la forêt dense les entourait, emplie de bruits d’insectes, de feuilles bruissantes et d’un vent qui sifflait entre les branches.

— On est arrivés, murmura Clara, les yeux embués.

Les larmes coulaient sur le visage d’Andrés, mais il détourna la tête, essuyant précipitamment ses joues.

— Oui… on y va, souffla-t-il, d’une voix rauque.

Il attrapa ses sacs, tandis que le groupe quittait la voiture. L’odeur humide de la mousse, du bois en décomposition, et des sous-bois lui emplissait les poumons. Le silence mystérieux et presque vivant de la forêt les enveloppait, comme une présence silencieuse et attentive.

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