Chapitre 12

9 minutes de lecture

Suzie

Maddie va bientôt s’absenter pour la bonne cause, le bébé ne va plus tarder. Pour fêter son départ en congés maternité, une baby shower est organisée pour laquelle le silence absolu règne. La grande salle de réception et le traiteur ont été mis à disposition pour l’organisation de cette petite sauterie par Aédan. Le secret était de mise, Maddie ne doit pas être au courant sinon la surprise ne sera plus de mise. Il a été assez difficile d’occuper Maddie pour que l’on puisse mettre en place ce guet-apens. Heureusement qu’elle a un gros ventre et les chevilles qui gonflent quand elle piétine. Du coup, je lui ai proposé mon aide pour qu’elle n'ait pas à se déplacer trop souvent. Une bonne excuse pour pouvoir la tenir à distance.

Pour ce soir également, je suis la personne qui a été nommée d’office pour l'occuper un maximum de temps jusqu’au moment propice. Cette fête a été organisée dans le plus grand secret. Enfin je le croyais.

- A quelle heure faut-il que tu me traînes à cette sauterie ? me dit-elle amusée assise à son bureau sans avoir quitté du regard son écran d’ordinateur.

- Comment tu sais ? Tu es incroyable Maddie, rien ne t’échappe ? dis-je en riant. D’ici 10 minutes mais s’il te plait ne gâche pas leurs plaisirs. Ils se sont donné beaucoup de mal pour t’organiser tout ça en catimini. Aédan a payé le traiteur et tout le monde s’est en quatre pour les cadeaux.

- T’inquiète ! Tous les ans à Noël je fouille dans tous les placards de notre appartement pour être sûre que mon mari que j’aime de tout mon coeur va m’offrir le cadeau que je désire. Tous les ans je le trouve, évidemment. Et je simule la surprise. Il n’a jamais rien soupçonné. Je suis une vraie pro. Je garde tous les secrets !

- Tu vas me manquer Maddie ! Je ne vais pas m’ennuyer car Aédan ne me laisse pas une minute de répit mais ta bonne humeur est un réjouissement qui adoucit mes journées.

Nous rions de bon cœur. Nous sommes devenues amies au fil des semaines et j’espère garder contact à la fin de mon contrat. Peut-être que je participerais aux prochaines sorties entre filles vu que plus rien ni personne ne m’empêche de me faire plaisir aujourd’hui.

Le temps de ranger nos bureaux et terminer la passation des derniers dossiers, il est déjà l’heure.

- Détends-toi Suzie, tu vas assurer. Je n’ai aucun doute la dessus.

- Je ne suis pas encore au point et je doute que M. SCOTT m’épargne le moindre faux pas, m'inquiète-je.

- Ne te tourmente pas pour Aédan. Il est arrogant, présomptueux, impertinent j’en conviens mais il prend soin des personnes qu’il apprécie. Et pour en avoir été témoin plus d’une fois, je crois vraiment qu’il t’apprécie. Reste toi-même et tout se passera bien.

Je ne relève pas ces mots qui me touchent. Elle voudrait que je puisse m’épanouir dans ce travail. Ce qui pourrait me permettre de rebondir sur une prochaine opportunité. Mon manque de confiance en moi se voit comme le nez au milieu de la figure et elle voudrait que je travaille sur ce problème en son absence. Je n’aurais plus de protecteur pour répondre à ma place donc par la force des choses je devrais prendre sur moi pour affronter l’une de mes plus grandes peurs : la honte.

Nous avons abordé mon précédent job après notre rapprochement amical et je lui ai avoué mon manque d’enthousiasme à me rendre chaque jour à un poste de travail qui ne plaisait pas. Mais voilà, j’étais obligée de m’y rendre chaque jour selon la volonté de mon cher et tendre ex, Jean et je compte bien lui démontrer qu’à son retour de congé maternité je suis une femme transformée et que j’ai gagné en estime de soi. Je serais la femme la plus épanouie qu’elle n’est jamais vu.

Nous nous dirigeons ensemble vers la réception. Maddie mime la surprise en utilisant une liste d’onomatopée interminable. Quelle bonne actrice ! Je la regarde prendre plaisir malgré son manque d’entrain à assister à sa petite fête. Elle me cramponne le bras. Nous marchons donc bras dessus bras dessous, un verre de jus de fruits pour Maddie et des bulles pour moi vers la montagne de cadeau. Elle est touchée par l'affluence de ses présents, elle a les larmes aux yeux. J’adore Maddie, elle a du coeur sans pour autant être un paillasson. Elle ressemble assez à Annie.

Je la regarde déballer ses cadeaux les uns après les autres et remercier tous ses collègues. On lui offre des bons pour des heures de baby-sitting, un massage et un spa après son accouchement, un livre de souvenir, des bons d’achats pour de la puériculture et encore bien d’autres choses. Elle est très émue, les hormones y sont certainement pour quelque chose.

Maddie jette un coup d'œil vers la porte, elle semble déçue. Attendrait-elle quelqu’un d’autre ? Pourtant il me semble que nous sommes tous là.

Tous les paquets ayant été ouverts, les parts de gâteaux sont distribuées et nous en dégustons une part chacune quand le sourire lui revient aux lèvres et je m’en réjouis. Ce soir est pour elle, elle est mise à l’honneur et son sourire ne doit pas s’effacer, pas même une seconde. Une future maman ne doit pas être triste.

- Vous passez un agréable moment Mesdames ? Maddie, il semblerait que tu aies été gâtée !

- Oh ! Tu es venu, Aédan, ça me fait très plaisir que tu aies changé d’avis et que tu te mêles à la populace, dit Maddie moqueuse.

- Si je ne m'étais pas libéré pour assister à ta petite fête tu m’en aurais voulu. On ne contrarie pas une femme enceinte. Je fais juste une courte apparition pour toi.

- Monsieur est trop bon, dit-elle. Je te remercie pour ton superbe cadeau Aédan, dit-elle discrètement.

Je suis pétrifié, je n’arrive plus à bouger. Ma joie s’est évanouie. En mode panique, je mange plus de sucre. J’avale cette part de gâteau à une vitesse déconcertante. Je m'empiffre comme une goinfre alors que je n’aime même pas ce gâteau aux poires. Pas assez de chocolat à mon goût. Je profite que d’autres collègues sont venus se mêler à nous pour discrètement me faufiler vers le buffet. Je dois faire oublier ce goût de poire qui me reste en bouche. Beurk !

- Je te fais fuir ou la gourmandise t'a happé ?

- Pardon ?! dis-je en me détournant. Aédan me regarde avec deux perles brillantes à la place des yeux. Il a retrouvé son air mutin. Je prends une seconde coupe de champagne et en bois une gorgée pour ne pas avoir à lui répondre tout de suite.

- Tu as mangé ta langue en même temps que ta part de gâteau ? dit-il en rigolant.

- Ça vous arrive d’être agréable ? Ou prenez- vous un malin plaisir à être désagréable avec moi ? Encore une fois, cette remarque sort de ma bouche plus vite qu’elle n’aurait dû. J’oublie que je m’adresse à mon patron ultra sexy dans son costume taillé sur mesure, sa chemise cintrée, ses épaules carrées, il est à se damner.

J’attends sa réprimande en baissant les yeux et en buvant une gorgée de ces somptueuses petites bulles. Contre toute attente, celui-ci se marre. Est-ce qu’il serait sous l’emprise de l’alcool ? Je lui lance un regard décontenancé.

- Tu as raison, je dois me montrer plus raisonnable. J’avoue prendre du plaisir lorsque tu te déconfis sous mes yeux. Tu m’amuses et il y a un truc en plus chez toi que je n’arrive pas encore à distinguer qui me plait.

Je déglutis et avale une autre lampée. Je vais finir par rouler en boule sous la table si j’abuse trop de ce breuvage. Il me regarde de pied en cape, mon inconfort s’accentue. Il le fait exprès, j’en suis sûre. J’appelle au secours de mes yeux suppliants Maddie qui se régale de cette soirée.

Elle nous regarde au loin, elle comprend mon malaise mais elle se moque de moi. Elle refuse de venir à ma rescousse. Elle m’a prévenu que Aedan allait aimer jouer avec moi et que je devais le remettre à sa place si la ligne était franchie. La ligne est franchie mais normalement à cette heure je ne suis plus censée travailler donc techniquement je ne suis plus son employé. Au fond de moi, je n’ai pas très envie de le repousser. Son attitude est exaspérante. Son corps tout entier est un appel à l’érotisme.

Mettre des limites à toujours était un problème pour moi. La frontière entre ce que je veux et ce que je ne veux pas est fine et c’est à moi de réussir à m’imposer pour ne pas me faire dévorer tout cru par le roi de la jungle. Je ne veux plus être une pauvre gazelle.

Aédan est interpellé par un collègue, il fait la sourde oreille. Il reste devant moi et me dévisage. A quoi pense t-il ?

- Maddie m’a demandé de prendre soin de toi, de ne pas te brusquer et de ne pas te faire devenir chèvre. Je te promets de faire des efforts si tu m’accompagnes samedi soir prochain.

- Vous voulez que je vous accompagne ou vous me l'ordonnez patron ? raillé-je

- Je te promets de me tenir correctement et de faire barrière de mon corps si un des invités t’ennui, dit-il en riant.

- Si vous êtes mon garde du corps, je n’ai plus rien à craindre. Je vous accompagnerai comme votre assistante, dis-je assuré. Pas question qu’il y ait un quiproquo entre nous. Les choses sont claires, vous êtes mon boss et moi votre assistante.

Le collègue insiste et vient vers nous. Il me salue et demande à Aédan s' il peut venir s’entretenir avec lui au sujet d’un dossier en cours. Aédan accepte à contre cœur.

- Peut-être à tout à l’heure, Suzie ?

- Ou à demain, M. SCOTT.

- Dommage, je sentais que le courant passait entre nous ce soir.

Il s’amuse à mes dépens. Il s’éloigne et je reste planté là mon verre à la main. Je n’ose pas bouger, mes joues sont rosies. Je ne veux pas montrer mon émoi à tout le monde.

Il teste mes limites. Pourquoi ? Est-ce un jeu pour lui ?

Des rumeurs courent au sein du bâtiment sur les conquêtes de Monsieur. Il les préfère brune et pulpeuse, tout moi quoi ! Alors à quoi il joue ?

Maddie vient enfin à ma rescousse. Elle voit mon émoi. Elle me prend par le bras et nous écarte de la foule.

- Aédan est joueur avec les femmes en général. Mais Suzie, avec toi, il semble qu’il y ait autre chose. Il est troublé. Je ne l’avais pas vu dans cet état depuis très longtemps. Tu lui as dit quoi ?

- Rien, je n’arrive pas à articuler quand il me parle. Je me suis statufiée devant son assurance. Je n’arrive pas à articuler trois mots ou alors il me fait sortir de mes gonds et je lui râle dessus.

- Pourtant tu l’intrigues, c’est une évidence pour moi qui le connaît assez bien. On a beaucoup partagé entre le travail et la vie privée. C’est un homme qui attire les femmes comme des aimants. Tu as dû t'en rendre compte. Toi, par contre, tu n'es pas dans la séduction avec lui malgré que tu sois sous charme. C’est peut être ça qui lui plait. Tu ne cherches pas à le séduire, tu prends les choses comme elles viennent.

Maddie nous connaît tous les deux, elle nous décrypte. En effet, son pouvoir de séduction est infaillible sur moi mais je ne recherche pas une relation amoureuse aussi rapidement après Jean. J’ai besoin de temps pour me reconstruire. Je ne me sens pas du tout prête même pour une nuit ardente. Je dois prendre du recul. Maddie me conforte dans mon ressenti sur Aédan. Je lui plait mais pas comme une femme avec qui il souhaite avoir une relation durable juste comme une femme qu’il faut décoder. Une fois qu’il aura le code je ne l'intéresserai plus. Je ne suis pas compliquée à déchiffrer, en une nuit, il réussira et je serais encore plus brisée qu’après ma rupture avec Jean. Je ne me sens pas prête pour sentir les mains d’un homme sur mon corps.

Il est tard et j’ai bu plus que de raison. Maddie se fera raccompagner par son mari qui viendra la chercher dans quelques minutes comme nous en avions convenu. Tandis qu’Aédan m'appelle un taxi. Il m’interdit de prendre les transports seule à cette heure tardive avec les bulles qui me sont montées à la tête. Je ne trouve plus la force de m’opposer à lui. J’accepte le taxi et rentre chez moi me coucher. Morphée, dieu des rêves, m’emportera je l’espère dans des rêves moins érotique que ces derniers jours. Mon subconscient n’arrête pas de se révéler très coquin depuis ma rencontre avec Aédan. Mon corps est en fusion chaque nuit, ma libido n’a jamais atteint un tel seuil.

Mais la naissance de ma libido me fait peur. Peur de ne pas assurer ? Peur qu’il soit déçu de mon physique qui d’après Jean était mal foutu ? J’ai peur qu’il me touche et qu’il ne le touche pas. J’ai peur de tout et de rien à la fois.

Annotations

Vous aimez lire C. Bédéhache ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0