Chapitre 13

6 minutes de lecture

Suzie

J’ai touché mon deuxième salaire, j’ai tenu deux mois sans craquer. Je me mets une pression si forte pour être à la hauteur des attentes de Maddie et surtout celles d’Aédan que je maintiens une cadence infernale au travail. Au moins quand je travaille je ne fantasme pas sur mon patron. Son charisme est impressionnant et j’ai beaucoup de mal à résister, dès qu’il me sourit mon corps tout entier réagit. Ses sourires sont discrets et il ne sourit que si nous sommes seuls dans la pièce sinon il garde son masque de boss autoritaire et directif. Cela lui arrive de plaisanter tout en gardant une distance de sécurité, une barrière invisible qui nous empêcherait de l’approcher. Par moment il se laisse aller avec moi mais pas question de croire qu’il y a quelque chose entre nous car il se comporte de la même manière avec Maddie. Je ne devrais pas me questionner de la sorte.

Aédan, Maddie et mes autres collègues m’ont reproché à plusieurs reprises mon manque d’originalité et d’élégance, la tristesse de mes tenues. Ils n’ont pas tort, je l'admet volontiers. Cette semaine j’ai fait un point sur ma garde robe, une chose m’a frappé. Mon aspect extérieur reflète ce que je pouvais ressentir à l’intérieur lorsque j’étais en couple. Avant ma rupture et ma rencontre avec Maddie, je n’étais pas heureuse et je le faisais comprendre à mon entourage par mes tenues rigides. Certains jours il m’arrivait d’être mélancolique.

Aujourd’hui je vais beaucoup mieux et j’ai eu une soudaine envie en me levant ce matin de voir la vie en couleur. Je n’ai plus envie de m'apitoyer sur mon sort. J’ai envie d’aller de l’avant, de faire de mon passé une force pour mon avenir.

Annie émet trop d’enthousiasme à mon goût. Elle veut que j’essaie tout un tas de vêtements : des jupes plus ou moins courtes, des robes plus ou moins aguichantes tout ceci avec des couleurs très vives voir avec des motifs zébrés ou bariolés.

Il y a si longtemps qu’elle et moi n’avions fait les boutiques rien que toutes les deux qu’elle déborde d'énergie. Elle tient résolument à me relooker. Au début, j'étais un peu contrariée qu’elle prenne les choses en mains puis je me suis vite aperçu que j’étais bien loin de connaître les dernières tendances et les boutiques à la mode. Celles ou l’on peut faire des affaires comme celles ou l’on peut dépenser trop et trop vite. Ma bourse ne me permet pas de dépenser sans compter, je dois donc faire attention à mon budget.

Une mise au point est nécessaire sur mon look, je suis d’accord, j’approuve les critiques qui m’ont été faites, ce qui n’était pas si évident à accepter il y a encore quelques semaines. Je n’apprécie pas mon corps depuis l’adolescence et comme toutes les adolescentes ont se voit diforme avec des seins trop gros ou trop petit, des hanches trop ou pas assez développées, des fesses plates ou trop rebondies. Bref, ce passage est inévitable jusqu’à la rencontre d’un ou plusieurs hommes qui vont nous faire sentir comme la plus belle rose du jardin. Ces expériences, nous permettent d’accepter certains complexes ou du moins les amoindrir. Pour moi cette étape a été tout le contraire vu ma brève expérience avec les hommes. Puis j’ai rencontré Jean qui m’a fait croire que j’étais la plus belle fleur de son royaume mais très vite, une fois prise dans ses griffes, son discours a radicalement changé. Mes complexes se sont exacerbés. Il m’obligeait à me regarder dans un miroir pour me punir et pour accentuer la dureté de ces mots. J’ai fini par ne voir que des défauts à mon corps, même là où je n’en avais pas. Je ne pouvais plus me regarder dans un miroir car je ne supportais plus l’image que Jean me renvoyait. Pour moi, mon corps était immonde. Il me l’a assez seriné toutes ces années. C’est pourquoi je m’habillais avec une taille au-dessus de la mienne pour cacher ce corps difforme. Mes couleurs favorites étaient et sont encore le noir et le gris. Il fallait que je passe inaperçu, transparentes dans la foule.

Depuis mon premier jour chez SCOTT Consulting n’ayant pas les moyens financiers et l’envie de changer, je m’habillais avec mes vieilles tenues tristes et trop grandes comme mes collègues me l’ont fait remarquer.

Annie et moi passons la journée entière à faire les boutiques. Je m’offre plusieurs tenues telles qu’une jupe, des chemisiers et des blouses mais surtout des pantalons, le vêtement dans lequel je me sens le plus protégé, à ma taille cette fois-ci. Annie y a veillé. Ma sœur, elle, a tenu à m’offrir de la lingerie. Je repars donc avec deux ensembles de sous-vêtements ainsi qu’un pyjama short et son caraco de couleur rose bonbon. J’accepte son cadeau malgré ne pas en voir l’utilité pour le moment.

- A qui pourrais-je montrer mes dessous ? Franchement, Annie !

- On ne sait jamais, Suzie. Une femme doit toujours être prête au cas où. Si demain tu pars en voyage, il te faudra bien un pyjama correct.

- J’ai compris. Quoi que je dise tu auras une réponse à donner, m’esclaffé-je.

Je suis impatiente de faire mon entrée lundi matin auprès de mes collègues. Je suis presque sûre de faire sensation et d’être le sujet de conversation numéro un de la journée.

Ma reconstruction sera longue et pas sans embûche mais je crois avoir fait un pas de géant aujourd’hui avec l’aide d’Annie. Je me sens belle dans mes nouveaux habits et cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps.

***

Lundi matin …

A ma sortie de l’ascenseur, l’iceberg qui sert d'hôtesse d’accueil reste bouche bée de me voir tout sourire et vêtue de nouveaux vêtements qui apparemment me siés. Car depuis mon départ de l’appartement d’Annie jusqu’à mon arrivée au bureau, plusieurs hommes m’ont adressé un sourire alors que la semaine précédente j’étais transparente à leurs yeux.

Ce matin je me sens pleine d'énergie. Après avoir déposé mon sac et ma veste je me prépare un café dans la salle de repos entouré de mes collègues me félicitant pour ma transformation vestimentaire. De retour à mon bureau et alors que je tourne le dos à la porte, une voix d’homme m’interpelle.

- Bonjour ! Où est Suzie ?

- Bonjour, je suis là, dis-je tout en me retournant vers mon interlocuteur.

- Ouah ! Suzie, tu es transformée ! Qu’est-ce qui s’est passé ? me taquine Greg.

- J’ai fait les boutiques et j’ai dépensé toute ma paie en fringue, rigolé-je.

- Je vais demander à Aédan de t’augmenter sur le champ pour que tu puisses continuer tes sorties shopping. Ce nouveau look te réussit. Tu es … comment dire sans avoir l’impression que je te drague … euh … CANON ! Tu es canonissime !

- Merci beaucoup, Greg. J’apprécie ton compliment, lui dis-je gênée.

- Greg ! Qu’est-ce que tu fais là ? On devait se voir ce soir ? Y a un problème ?

- Aédan ! Non aucun. Je passais dans le coin et je venais prendre des nouvelles des filles. Maddie est absente ? Elle est déjà partie en congé maternité ?

- Non, pas encore. Elle avait un dernier rendez-vous médical ce matin. Elle sera là tout à l’heure.

Aédan n’a pas encore aperçu le changement radical de mon look. Il continue d’échanger quelques mots sur le seuil de ma porte avec son ami. Puis Greg lui fait remarquer que je suis là en hochant la tête de manière peu discrète.

Greg est persuadé qu’il se passe quelque chose entre nous d’après ce que j’ai pu entendre la semaine dernière. Je sais que ce n’est pas bien d’écouter aux portes mais je suis trop curieuse. Je suis quasiment sûr que Greg en ayant fait ce mouvement de tête vers moi souhaite être le témoin de la découverte d’Aédan sur mon nouveau look.

- As-tu fait attention au changement de ta nouvelle assistante ? me taquine -t-il en s’adressant à Aédan tout en ne me quittant pas des yeux.

- Quel changement ? De quoi tu parles ?

- De son nouveau look !

Aédan passe la tête dans mon bureau pour me saluer. Sa curiosité est vite comblée alors qu’il me reluque sans vergogne. Nos yeux se croisent et ma gaucherie prend le dessus sur ma détermination à faire bonne figure. Le dossier que je tenais dans les mains finit à terre. Me voilà encore une fois à quatre pattes devant cet être troublant.

Aédan se ressaisit et demande à Greg de le suivre dans son bureau. Un “Ouf” de soulagement sort de ma bouche sans que je puisse le contrôler.

- Tu vois ! Je te l’avais bien dit qu’il avait un faible pour toi, se moque Greg en rejoignant Aédan en courant tandis que je me relève prête à lui sauter à la gorge.

A cet instant, une furieuse envie de l’étrangler me submerge mais je me retiens de lui courir après.

- Grrrr .. !!!

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