Chapitre 18

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Aédan

Après avoir accompagné Suzie dans sa chambre, j’ai fait quelques demandes auprès des organisateurs de la réception. J’aime avoir un maximum d’informations sur les hommes avec qui j’ai failli me battre. Habituellement les combats sont métaphoriques, il y a longtemps que je n’ai pas réellement mis mon poing sur la gueule d’un connard. Quelques regrets m’assaillent mais Suzie ne me l’aurait pas pardonner.

Mes poings sont encore serrés rien qu’à l’idée que ce type aurait pu lui faire du mal. Si Greg n’était pas venu me chercher … je préfère ne pas penser à ce qu’il aurait bien pu se passer. Je regrette de n’avoir pu lui en coller un sur sa gueule d’ange. J’aurais tellement aimé lui effacer ce sourire, lui faire manger ses dents et ravaler son arrogance. La bataille n’est pas terminée, je connais ce genre de gars. Il ne voudra pas lâcher le morceau tant qu’il ne sera pas tombé sur plus fort que lui. Je compte bien être sur son chemin la prochaine fois qu’il essaiera de s’attaquer à Suzie.

Mais pour ça, je dois en savoir un peu plus sur lui. Qui est-il ? Où habite-t-il ? Pour qui travaille t-il ? Toutes ces questions vont m’obliger à passer une nuit agitée. Elles vont m'obnubiler et m'empêcher de dormir. Avant toute chose, je me décide à envoyer un mail aux organisateurs pour en savoir un peu plus sur ce Jean et sur la boite qui l’embauche. “On ne doit jamais minimiser les qualités de son adversaire” (Samuel Ferdinand Lop). Plus j’en apprendrais sur lui, plus j’aurais de munitions pour le tenir à distance. Il n’aime pas qu’on lui tienne tête. Il va voir que moi je n’aime pas que l’on s’attaque aux personnes que j’affectionne. Il reviendra à la charge tôt ou tard. Il n’a pas apprécié mon intrusion entre Suzie et lui et il voudra me le faire payer. Je suis un adversaire dont il vaut mieux se méfier, en affaires je suis un requin, rien ne m’échappe parce que je me prépare comme un boxeur avant de monter sur le ring. J’apprends à connaître les faiblesses et les forces de celui-ci. Je sais m’entourer d’une équipe ce qui ne semble pas être son cas vu comment il a traité Suzie. Il doit penser que les gens sont des outils que l’on utilise à sa guise.

Suzie n’est pas une femme objet dont on dispose à son aise. Elle parait fragile et délicate au premier coup d'œil mais elle est capable de vous blesser si vous tentez de la cueillir sans permission. Attention à celui qui si frotterait, il se piquerait. J’en ai fait l’expérience mais j’ai adoré ça. Je dois avoir un côté masochiste tout compte fait. J’aime que les femmes me fassent souffrir à l’évidence. Vu mon passé mouvementé avec Amanda et maintenant avec Suzie sans compter la première de toute, ma mère.

Je suis devant la porte de sa chambre, le cœur serré. Je sais que je ne peux pas entrer pour la prendre dans mes bras. Je ne peux pas la réconforter, la rassurer car nous ne sommes pas des amis, nous ne sommes pas un couple. En fait, je ne sais pas ce que nous sommes l’un pour l’autre. J’espérais pouvoir éclaircir ce point ce soir. Je suis assis par terre, adossé au mur de sa chambre, frustré. Ma vieille amie n’est jamais très loin de moi et elle apparaît sournoisement.

Suzie finit par s’endormir après avoir pleuré durant de longues minutes. Elle avait besoin d’évacuer ce trop plein d'émotions. J’avais déjà remarqué une larme perlée sur sa joue dans la voiture ce qui m’a fait serrer les poings tellement fort que j’ai lâché un grognement. Naturellement ma main a attrapé la sienne. J’aurais voulu serrer plus que sa main mais la bienséance m’en a empêché. Je ne suis pas un gentilhomme mais je ne suis pas pour autant un salaud. Quelquefois je regrette l’éducation que nous avons eu qui me retiens de faire ce que d’autre oserait faire sans pudeur.

Je ne peux pas rester devant sa porte toute la nuit pour la surveiller. Si elle me voyait là, elle tournerait la situation en dérision et en profiterait pour éluder toutes les questions qui m’assaillent et que je souhaiterais pouvoir lui poser.

Je retourne alors dans ma chambre.

En fin de compte, je n’ai pas sommeil. Je suis trop tendu. Je décide d’expulser ma frustration en faisant un peu de sport. L’insomnie est mon ennemi et pour la combattre je me suis mis à la course à pied. Le sport me permet d’évacuer la pression et la frustration de mes journées. Le sommeil est plus doux et moins agité après une heure de sport.

J’habite un hôtel particulier de neuf pièces dont six chambres sur deux étages. Une salle de sport n’a pas été un souci à installer. J’ai hérité cette demeure de mes parents. Mon père était d’origine française et ma mère irlandaise. J’ai vécu en Irlande toute mon enfance avec mes parents jusqu’au décès de ma mère. J’avais douze ans quand nous avons quitté mon pays. Notre maison ravivait trop de souvenirs douloureux à mon père. Il a voulu couper tous liens qui lui rappelait la perte de notre mère. Nous nous sommes donc envolés vers la France pour y retrouver nos grands-parents maternels français et nous y avons poursuivi notre scolarité. Nous retournions seulement mon frère et moi de en temps dans notre pays maternel pour garder le contact avec la famille et les amis que nous y avons laissé. Nous avons plus de famille irlandaise que française puisque mon père a également des origines irlandaises du côté de son père.

Mon frère, Trevor est revenu sur nos terres natales pour y fonder sa famille après ses études. Il ne s’est jamais fait à la vie en France. Il n’avait qu’une hâte, repartir sur ses terres. Il est plus âgé que moi, 4 ans nous séparent. J’ai attendu d’obtenir mon diplôme avant de rentrer au pays pour m’y établir comme mon frère. Je pensais ne pas être prêt pour me remémorer nos souvenirs de famille. En réalité ce fut tout le contraire, je me suis ressourcé durant quelques mois en Irlande avant de sauter dans le grand bain. Mon frère ayant abdiqué le trône, c’est à moi qu’est revenu la responsabilité de reprendre la succession de mon père comme PDG. J’ai donc été propulsé en France, successeur de SCOTT Consulting.

Depuis, j'essaie de faire plusieurs aller-retour dans l’année pour rejoindre ma famille durant une à deux semaines. J’ai le plaisir d’y voir grandir mes deux petites nièces et de pouvoir asticoter mon grand frère qui me manque beaucoup. Nous sommes proches malgré la distance qui nous sépare. Ils sont ma seule famille depuis la perte de nos parents. Ma mère n’avait qu’une seule sœur qui est décédée sans avoir eu la possibilité d’avoir des enfants et mon père était fils unique. La famille est réduite à mon frère, sa femme et mes deux nièces. La famille s’est aussi mes amis, les trois mousquetaires, Greg, Charles et Jules.

La famille est importante, les liens qui nous unissent sont forts.

Après une dizaine de pompes et quelques kilomètres parcourus sur mon tapis de course, je me sens détendu et fatigué. Je file sous la douche, je vérifie une dernière fois que Suzie dort toujours. Je ne perçois aucun bruit derrière sa porte, rassuré, je me glisse sous les draps exténué.

Au petit matin, j’entends la porte de Suzie s’ouvrir et se refermer délicatement. Elle ne souhaite pas me réveiller, elle s’échappe. Je reste allongée dans mon lit. Elle risque de se fossiliser si on se croise sur le palier. La porte d’entrée claque ce qui me confirme qu’elle s’enfuit et je n’aime pas ça. Je ne pourrais pas lui demander comment elle va après cette soirée désastreuse et sa nuit agitée.

De quoi a-t-elle peur ? De moi ? Mais je ne la jugerai pas, je veux simplement pouvoir être à ses côtés et lui proposer mon aide pour que ce trouduc ne l'approche plus jamais. Mes membres se crispent rien qu’à l’idée qu’il puisse une nouvelle fois poser une main sur elle.

Elle a besoin de sérénité, je comprends mais je suis déçu. La patience n’est pas mon fort mais j’attendrais qu’elle soit prête. Je vais essayer de ne pas la bousculer même si j’en ai très envie.

***

Ce dimanche après-midi est interminable, je suis pressé d'être lundi matin et de la croiser avec son air enjoué comme d’habitude. Je la revoit déambuler avec cette jupe, toujours trop longue dans les couloirs. Mon esprit ne peut s'empêcher de penser à elle. Je n’y résiste pas, je prends de ses nouvelles, je lui envoie un message avec l’espoir qu’elle me réponde. Je suis sans doute un peu intrusif mais j’ai besoin d’être rassuré, de savoir qu’elle est en sécurité.

[Bonjour Suzie,

Tu es parti tôt ce matin.

On n’a pas vu se voir.

Comment vas-tu ?]

Les minutes s’égrainent et pas de réponse. Je réitère, je renvoie un message l’inquiétude s’intensifiant. Je m'étais promis de ne pas la bousculer mais j’ai besoin de savoir qu’elle va bien.

[Suzie ? Réponds moi, stp.

Je suis inquiet. Comment es -tu rentré ?

Tu ne l’as pas recroisé ?]

     [Bonjour, je vais bien.]

La réponse ne tarde pas mais elle n’est pas ce à quoi je m’attendais. Je ne m'attends pas à ce qu’elle se confesse à moi mais j’attends au moins qu’elle me rassure sur sa sécurité.

[C’est tout ?]

     [Ma sœur est venue me chercher. Il n’était plus là à son départ. Tout va bien.

     A demain, boss.]

[OK. J’aurais aimé te voir ce matin,

Suzie. J’avais prévu un super petit

déjeuner. Tampis pour toi.

À lundi, alors.]

Son dernier message est clair, je suis rassuré même si j’espérais plus que ces quelques mots. Un flirt ? Ouais, j’ai beaucoup aimé nos derniers échanges.

Quand j’y songe, cette soirée a été catastrophique à tel point que je ne pensais pas cela possible.

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