Chapitre 28

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Aédan

La nuit est tombée, il est tard. D’après Louise, Suzie est venue préparer un sandwich lorsque j’étais encore avec Amanda dans le salon. Elle lui a dit qu’elle était fatiguée de sa journée et qu’elle préférait se coucher tôt et qu’elle ne dînerait pas avec moi.

Amanda a démoli notre rapprochement naissant. J’ai réussi à me rapprocher de Suzie et à construire un début de quelque chose. Aucun mot ne me vient à l’esprit pour expliquer ce que nous avons partagé aujourd’hui. Nous étions dans une bulle juste elle et moi et il fallut que mon ex fasse une de ses entrées fracassantes pour que tout vole en éclat. Amanda est arrivée comme une tornade et a tout ravagé sur son passage comme à son habitude. Je n’ai pas été très délicat non plus, je dois l’avouer. Mais quand Amanda a jailli sous mes yeux alors que Suzie était toute proche de moi, j’ai perdu pied. Je me suis retrouvé entre l’étau et l’enclume. Laquelle devrais-je préserver vis-à-vis de l’autre. Evidemment que j’aurais dû protéger Suzie de cette garce qui est mon ex-femme. Mais comme à chaque fois, Amanda me fixe de son regard furieux et j’ai l’impression de commettre une faute. Je redeviens un petit garçon commettant sous les yeux de sa maman une bêtise. La déception que j’ai lu sur le visage de Suzie m’a bouleversé. J’ai pour la première fois mis Amanda à la porte. Elle va me le faire payer à mon retour en France sans aucun doute. Mais pour le moment je vais essayer de ramasser les miettes qu’Amanda a laissées derrière elle.

Suzie m’a accordé sa confiance et je risque de l’avoir perdu. Je dois prendre la température de son humeur que j’ai peur froide et distante. Je ne pourrais pas lui en vouloir. Je m’arme de mon courage et monte les escaliers qui craque à chacun de mes pas, comme un grognement de mécontentement. Même l’escalier me fait comprendre que j’ai agit comme un goujat.

Face à la porte de sa chambre, je me stoppe, respire profondément et je toque une première fois. Pas de réponse. Je tourne la poignée dans le vide. Le verrou semble tourné. Je m'inquiète, toque une nouvelle fois, plus fort. Mon cœur se serre, j’espère qu’elle n’a pas quitté le château comme la dernière fois quand elle est partie sans un mot au petit matin. Après une courte réflexion, il est impossible qu’elle puisse être partie. Elle veut certainement me punir. Elle ne veut pas me répondre. J’insiste, je ne partirais pas sans avoir entendu sa voix. J’ai besoin d’être rassuré et de savoir que tout va bien.

- Suzie, tu es là ? Tout va bien ?

- Non ça ne va pas ! hurle-t-elle. Mais fait comme si je n’étais pas là puisque je ne compte pas. Je suis personne ! Juste une greluche de plus ! Pas d’inquiétude, je fais ma valise et je rentre pour vous laisser le champ libre.

Je suis rassuré, elle va bien. Elle est en colère. Cela me fait sourire mais je ne saurais dire pourquoi. Peut-être parce que l’on ne se met en colère qu’après des personnes que l’on aime. Elle a peut-être ressenti également quelque chose après notre rapprochement de ce dernier jour. Il est indéniable qu’il y a une attirance physique entre nous, nos corps se cherchent et quand ils se touchent, c’est électrique.

- Tu as écouté aux portes Suzie. Tu ne sais peut-être pas mais ça ne se fait pas. Amanda est une peste, elle est impudente et n’a aucune manière. Elle est partie et ne reviendra pas. J’aurais dû te prévenir que mon ex était un peu jalouse et ...

- Je me fous des bonnes manières, t'es qu’un hypocrite, maugrée-t-elle.

Je trépigne derrière cette porte qui ne s'ouvre pas mais en même temps sa réaction m’amuse. Mes mains sont posées sur le chambranle de part et d’autre, mon front posé sur la porte. Elle essaie d'être en colère mais j’entend plus de la déception dans sa voix. Je ne peux pas la supplier d’ouvrir. Alors je reste planté là, à attendre. Tout à coup, un sentiment de désappointement monte en moi. Je la préviens que si elle n'ouvre pas cette porte je vais l’enfoncer.

- J’ai conscience que notre bulle nous a éclaté aux visages avec l’arrivée d’Amanda. Mais je voudrais me faire pardonner de mon attitude, dis-je à voix basse presque en chuchotant. Je suis désolé, Suzie.

- Le dernier qui m’a traité comme un chiffon, ne me demandait jamais pardon. Que comptes-tu faire ?

Je l'entends, elle est derrière la porte. Je lui promets alors d'essayer de me tenir si elle ouvre sa porte. Je plaisante pour essayer de détendre l’atmosphère qui s’est tendue. Un bruit de serrure, la porte s'ouvre. Elle fait une moue boudeuse, j'ai une furieuse envie de l'embrasser. Je me jette sur elle, la fait reculer jusqu'au lit, la bascule et m'allonge sur elle. Je l'embrasse avec avidité. Au début elle me refuse sa langue, elle essaie sans grande conviction de me repousser. Finalement nos langues se mélangent, mon souffle est court. Je frotte mon entrejambe contre la sienne. Elle lâche un soupir et ma bosse apparaît sous mon bas ventre. Ma bouche a une envie pressante de s'insinuer sur tout le reste de son corps.

- Non, pas de sexe ! Aédan ! dit-elle en me repoussant dans un regain de raison.

- Humm ! J'aime quand tu dis mon prénom, ça me rappelle hier soir quand je t'ai fait jouir avec ma langue.

- Je n’ai pas envie de rire, Aédan. Vos paroles m’ont blessé, je refuse d'être traité à nouveau de cette manière. Il n’est pas question qu'un autre homme me traite comme une poupée. Je n’accepterais plus d’être humilier et rabaisser.

Je me relève et m'assieds adossé à la tête du lit. Elle se redresse et me fixe avec ses yeux gonflés. Je n’avais pas remarqué ses yeux rougis, je l’ai fait pleuré. Je culpabilise de l’avoir blessé. Je m’oblige à lui parler d’Amanda même si je n’en ai pas envie. Suzie a besoin d’avoir une explication et moi de me sentir moins goujat.

- Elle ne compte plus pour moi depuis très longtemps. Amanda est mon ex-femme. Elle est du genre collante. Elle cherche à connaître toutes les femmes qui entrent dans ma vie. Je ne cesse de la repousser. Je voulais te protéger de sa méchanceté. Tu parais si fragile et je pensais qu’à te protéger. Tu me plais beaucoup Suzie et j’ai envie de toi. Dis-je tout en lui caressant la joue et en approchant mes lèvres des siennes.

Elle rougit, j'adore, ça m'excite encore plus. La douleur d'être oppressée dans ce pantalon revient. Je la supplie de bien vouloir me libérer mais elle refuse. Elle est catégorique. Elle n'a pas du tout apprécié l’intervention d'Amanda ni les paroles froides que j'ai dû avoir envers elle pour envoyer Amanda sur une autre piste. Je m'excuse mille fois mais elle me fait attendre. Je la soupçonne d'y prendre un peu de plaisir à me faire languir de cette manière. Elle se venge et me torture en m’obligeant à l'abstinence.

- Bonne nuit Suzie. Ma chambre n’est pas loin si tu as besoin d’un câlin avant de trouver le sommeil, dis-je le sourire aux lèvres et l'œil concupiscent.

- Bonne nuit Aédan, me dit-elle avec le rouge aux joues après avoir été prise en flagrant délit de matage de ma bosse.

Je quitte la chambre de Suzie à regrets et retourne dans la mienne prendre une douche avant de me coucher. Sous l'eau tiède presque froide, la douleur de la frustration est trop intense. Je me branle plus pour éteindre cette douleur que pour ressentir du plaisir. Le soulagement est là mais la béatitude qui l’accompagne ne se fait pas ressentir.

Elle m'a laissé avec mon planté de bâton mais je me promets de la mettre dans un tel état de frustration qu'elle me suppliera de la faire grimper au septième ciel. Je compte bien me faire pardonner et la faire languir à son tour. Il n'est plus question que je m'approche d'elle. Elle m’a blessé dans mon orgueil mais je l’ai mérité.

***

Le lendemain matin, j’engage la conversation sur Amanda. Elle a en effet un peu de mal à tourner la page malgré notre divorce, qu’il lui arrive de s’imposer et d’être insupportable. Je lui cache volontairement une partie de ma vie un peu particulière. Je ne suis pas très fier de cette tranche de ma vie et je préfère dans l'immédiat la glisser sous la tapis.

Ce moment d'échange est agréable, j'aime beaucoup discuter avec Suzie. J’en profite pour lui annoncer que j’ai invité ma famille et que je veux la lui présenter. Je lui confie qu’ils seront ravis de faire sa connaissance car elle est la première femme que je décide de leur présenter depuis mon divorce.

Elle est anxieuse à cette idée mais elle apprécie la démarche. Elle comprend que j'essaie de me rattraper, de ne pas lui avoir présenté mes amis et de ne pas lui avoir parlé d'Amanda. J’ai des qualités mais celle de savoir s’excuser n’en est pas une. Je suis maladroit, je bafouille mais elle admet que je suis de bonne volonté. Je suis navré de ne pas avoir repris Amanda. De l’avoir laissé agir comme si elle était la châtelaine et Suzie une domestique. Elle n'en avait pas le droit, j’aurais dû la remettre à sa place.

Il ne me reste plus que ma famille pour faire les présentations correctement. Je veux faire ça bien puisque Suzie compte pour moi, même si je ne le lui montre pas assez.

Trevor et Moira n’ont pas approuvé mon premier mariage. Ils n’avaient pas tort. Je fonde beaucoup d’espoir sur ces présentations. Leurs avis comptent même si je n’en tiens pas toujours compte.

Je dois me rendre à Cork pour des prospections pour un nouvel établissement. Je préviens Suzie que je serais absent durant tout le reste de la journée et que je ne serais de retour que demain pour recevoir mon frère et sa famille.

- Je ne peux pas venir avec toi ? Pourquoi ?

- Je vais visiter des bâtiments pour pouvoir y installer de nouveau bureau. Il n’y a rien d’exaltant dans ces visites.

- Tu vas t’installer en Irlande ?

- Je t’emmène si tu veux mais sache que je n’ai fait qu’une réservation pour un lit double.

- Tu ne me réponds pas, là ? Tu évites mes questions ?

- Toi aussi !

Elle change d’avis et reste au château et moi je ne confirme pas ses doutes.

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