La Lumière perdue
Avant, j’étais là.
Je sentais le matin glisser sur ma peau, le parfum du café, le bruit des pas de ma sœur dans le couloir.
Tout respirait la vie, et même le silence semblait plein de promesses.
Je m’asseyais à la table de la cuisine, le soleil tombant sur le bois, doux et chaud, presque tendre.
Je riais pour rien, juste parce que ma sœur faisait une grimace, parce que mon père chantait faux en frottant sa tasse.
Les murs n’étaient pas gris. Les journaux n’existaient pas.
La maison était claire. Elle respirait, elle parlait, elle vivait.
Je marchais dans la chambre de ma sœur, légère, sans peur.
Je prenais une robe, je sentais le tissu glisser entre mes doigts.
Le miroir me renvoyait mon reflet entier, complet, familier.
J’étais moi. Et ça suffisait.
Mais quelque chose se tordait.
Pas de bruit, pas de lumière étrangère. Juste une sensation.
Une poussière de vide glissant sur mes épaules.
J’ai voulu l’ignorer, je l’ai toujours fait.
Le vent entrait par la fenêtre, je le sentais sur mon visage… mais il n’apportait plus d’air, seulement un souffle froid que je ne connaissais pas.
Les jours suivants, la lumière s’est faite moins douce.
Les voix semblaient s’éloigner.
Le rire de ma sœur sonnait creux.
Mon père parlait, mais ses mots se déformaient, se dissolvaient avant d’atteindre mes oreilles.
Je me souviens du dernier matin où tout était vivant.
Je me suis levée, j’ai ouvert la fenêtre, et le monde m’a regardée comme si j’étais déjà une ombre.
Le café a refroidi dans la tasse.
Le soleil a traversé la vitre et n’a rien touché.
J’ai senti un poids dans ma poitrine, une fatigue qui n’était pas physique.
Je me suis assise au sol, les mains sur les genoux.
Le silence est devenu un autre souffle, un souffle qui n’était pas le mien.
Et là, j’ai compris que quelque chose en moi s’éteignait.
Sans bruit. Sans geste. Juste cette lente disparition que personne ne voyait.
Depuis ce jour, tout ce que je croyais réel a commencé à se fissurer.
Le miroir, la chambre, la lumière… tout s’est terni.
Et moi avec.
Je ferme les yeux maintenant, je revois ce matin-là.
La lumière n’est plus la même.
Le vent ne chante plus.
Le monde est silencieux.
Et je marche déjà dans l’ombre que je ne soupçonnais pas encore.
La maison respirait encore, mais je ne la sentais plus.
Les murs, autrefois chauds, semblaient reculer.
Les éclats de rire qui tombaient dans le couloir se perdaient avant d’arriver jusqu’à moi.
Je touchais les meubles, le bois poli, la surface lisse… et je ne ressentais rien.
Rien qu’un vide froid qui rampait sous ma peau.
Ma sœur est passée devant moi ce matin-là. Elle a souri, comme toujours.
J’ai essayé de sourire en retour.
Mais mes lèvres restaient figées.
Mes yeux ne suivaient plus le mouvement.
C’était comme si elle appartenait à un monde que je ne pouvais plus atteindre.
Mon père m’a appelée pour le petit-déjeuner.
J’ai entendu ses mots, mais ils n’ont pas touché mon cœur.
Il est resté là, patient, et j’ai senti sa fatigue s’installer dans l’air, dans la lumière.
Je savais qu’il me voyait, mais qu’il ne pouvait plus m’atteindre.
Et moi, je n’essayais même plus.
Je me suis assise sur le sol, dans le couloir, et j’ai regardé mes mains.
Les mains qui pouvaient encore tenir, toucher, caresser.
Mais elles ne faisaient rien.
Rien que trembler légèrement, comme si elles savaient déjà que tout allait s’éteindre.
Je me suis levée, j’ai marché jusqu’au miroir.
Je me suis regardée, entière cette fois, mais ce n’était pas moi.
Mon reflet bougeait, mais moi, je restais immobile.
Il y avait un sourire que je ne connaissais pas.
Des yeux qui brillaient d’une lumière que je n’avais plus.
Je voulais crier.
Puis j’ai fermé les yeux.
Et quelque chose a glissé.
Comme une lampe qu’on éteint doucement, sans bruit.
Tout ce que j’étais, tout ce que j’aimais, tout ce qui m’attachait au monde…
a commencé à s’éteindre.
Je regardais dehors, le monde semblait intact.
Mais à l’intérieur de moi, tout s’éteignait, doucement.
Et ce jour-là, sans que personne le sache, j’ai commencé à disparaître.vais jamais vue, commençait à naître.
Elle se préparait.
Elle apprenait mon rythme.
Elle observait mes gestes, mes silences, mes sourires que je ne pouvais plus faire.
Et moi, je ne savais pas qu’un jour, je marcherais à nouveau dans ses griffes,
que je ne reconnaîtrais plus ni la chambre, ni les murs, ni moi-même.
Je regardais dehors, le monde semblait intact.
Mais à l’intérieur de moi, tout s’éteignait, doucement.
Et ce jour-là, sans que personne le sache, j’ai commencé à disparaître.
Puis un bruit, minuscule.
Un claquement de porte, un souffle du vent.
Rien d’important.
Mais dans ce bruit, j’ai senti quelque chose se détacher.
Une partie du monde, ou peut-être une partie de moi. des phrases que je ne comprenais pas mais qui calmaient tout.
Moi, j’étais là, au milieu d’eux, silencieuse, mais présente.
Je croyais encore à la douceur.
Puis un bruit, minuscule.
Un claquement de porte, un souffle du vent.
Rien d’important.
Mais dans ce bruit, j’ai senti quelque chose se détacher.
Une partie du monde, ou peut-être une partie de moi.
Le soir s’est assombri d’un coup.
La lampe de la terrasse s’est éteinte.
Et dans la vitre, à la place de mon reflet, j’ai cru voir quelqu’un d’autre.
Une silhouette floue, juste derrière moi.
Je me suis retournée, mais il n’y avait rien.
Seulement la nuit qui avançait, silencieuse.
Je suis entrée dans ma chambre.
La lumière était trop forte, presque blanche.
Je l’ai baissée, mais elle continuait de m’éblouir.
Je sentais mes tempes battre, ma respiration s’accélérer sans raison.
Le miroir renvoyait mon visage mais je n’étais pas sûre que c’était encore le mien.
Je me suis approchée, doucement.
Mon reflet a bougé avant moi.
Un frisson m’a traversée, froid, sec, brutal.
Puis j’ai entendu un murmure, à peine un souffle :
« Tu vas t’éteindre. »
J’ai reculé, le cœur battant.
J’ai voulu appeler mon père, mais ma voix s’est perdue quelque part entre mes lèvres et l’air.
J’ai tendu la main vers le miroir et tout s’est éteint.
Le noir.
Un noir si dense qu’il avalait le son, les murs, le temps.
Je me souviens seulement de la sensation du sol froid sous mes pieds nus.
Et d’une pensée qui tournait sans fin :
« Ne dors pas. Si tu dors, tu disparais. »
Quand je me suis réveillée, il faisait jour. Mais la lumière n’était plus la même. Elle ne réchauffait plus rien. Elle traversait les choses sans les toucher. Et dans son éclat, j’ai vu l’Ombre. Silencieuse, patiente, comme si elle m’attendait depuis toujours.

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