Quand elle se perd
La sonnette n’arrêtait pas.
Un ding ding répété, entêtant, presque cruel.
Darla se recroquevilla sur le sol, les mains sur les oreilles.
— Non… non… cesse de sonner, arrête !
Sa voix tremblait. Elle criait sans savoir à qui.
Le bruit revenait, plus fort, plus proche.
On aurait dit qu’il sonnait dans sa tête, qu’il cognait contre ses tempes.
Elle se leva, vacillante. Ses lèvres étaient sèches, son visage vidé de toute couleur. La colère la tenait droite plus que ses jambes.
Elle hurla :
— Assez ! Tu veux quoi de moi ?!
Dans un geste désespéré, elle ouvrit la porte.
Mais la lumière n’entra pas.
Le couloir restait sombre, figé, comme si le jour lui-même avait refusé d’approcher.
Un homme se tenait là. Immobile.
Il avait frappé toute la journée, sans un mot, jusqu’à ce que la nuit tombe.
Darla le fixa longuement.
— T’es pas mon père… dit-elle d’une voix cassée.
C’est lui qui t’envoie ?
T’es qui, toi ? Pourquoi tu sonnes dans ma tête sans cesse ?
T’es le copain de ma sœur ? Tu peux pas être le mien…
Un silence.
Puis l’homme répondit calmement :
— Chut… Je suis Sainta.
J’ai entendu toutes tes conversations.
Elle recula d’un pas, la bouche entrouverte.
Ses doigts tremblaient. Elle voulut répondre, mais les mots se perdirent dans sa gorge.
Le sol se déroba doucement sous elle, et Darla s’effondra.
La dernière chose qu’elle entendit, c’était encore ce son
ding… ding…
comme un écho dans son crâne.
Quand elle rouvrit les yeux, la pièce avait changé.
La lumière vibrait faiblement, comme si elle respirait.
Tout semblait plus étroit, plus humide. Les murs transpiraient.
— Sainta ? murmura-t-elle.
Personne.
Juste un souffle, un froissement dans le coin de la chambre.
Elle se redressa, le cœur battant.
Une ombre bougeait.
Pas une ombre humaine : quelque chose de trop lent, trop long.
— Tu m’espionnes ? Tu veux encore me sauver ?
Sa voix résonna, rauque, étranglée.
Elle saisit la lampe de chevet, la brandit comme une arme.
La lumière vacilla, puis s’éteignit.
Le noir revint.
Et dans le noir, la voix.
— Tu m’as appelée, Darla.
— Non… c’est toi qui es entrée.
— Tu m’as laissée entrer.
Elle se mit à rire nerveusement, un rire sec, presque sans air.
Son front collait, ses doigts tremblaient.
— Je ne t’ai rien demandé. Je veux juste dormir, tu comprends ? Dormir !
Mais la voix poursuivit :
— Tu dors depuis longtemps, Darla.
Tu crois te battre, mais tu es déjà dessous.
Elle sentit alors le froid.
Un froid d’eau, un froid qui monte par les jambes, lentement.
Le plancher semblait se dissoudre sous ses pieds.
— Sainta ! cria-t-elle soudain, haletante. Reviens !
La porte claqua quelque part, loin, ou peut-être dans sa tête.
Tout vibra. Une ombre glissa jusqu’à elle, douce et terrible à la fois.
— Ce n’est pas moi qui pars, dit la voix. C’est toi.
Darla tomba à genoux.
Elle chercha de l’air, en vain.
Ses mains frappaient le vide.
Puis plus rien.
Seulement ce son, de nouveau.
Ding… ding…
Mais cette fois, c’était de l’intérieur.
Quand elle rouvrit les yeux, la pièce avait changé.
La lumière vibrait faiblement, comme si elle respirait.
Tout semblait plus étroit, plus humide. Les murs transpiraient.
— Sainta ? murmura-t-elle.
Personne.
Juste un souffle, un froissement dans le coin de la chambre.
Elle se redressa, le cœur battant.
Une ombre bougeait.
Pas une ombre humaine : quelque chose de trop lent, trop long.
— Tu m’espionnes ? Tu veux encore me sauver ?
Sa voix résonna, rauque, étranglée.
Elle saisit la lampe de chevet, la brandit comme une arme.
La lumière vacilla, puis s’éteignit.
Le noir revint.
Et dans le noir, la voix.
— Tu m’as appelée, Darla.
— Non… c’est toi qui es entrée.
— Tu m’as laissée entrer.
Elle se mit à rire nerveusement, un rire sec, presque sans air.
Son front collait, ses doigts tremblaient.
— Je ne t’ai rien demandé. Je veux juste dormir, tu comprends ? Dormir !
Mais la voix poursuivit :
— Tu dors depuis longtemps, Darla.
Tu crois te battre, mais tu es déjà dessous.
Elle sentit alors le froid.
Un froid d’eau, un froid qui monte par les jambes, lentement.
Le plancher semblait se dissoudre sous ses pieds.
— Sainta ! cria-t-elle soudain, haletante. Reviens !
La porte claqua quelque part, loin, ou peut-être dans sa tête.
Tout vibra. Une ombre glissa jusqu’à elle, douce et terrible à la fois.
— Ce n’est pas moi qui pars, dit la voix. C’est toi.
Darla tomba à genoux.
Elle chercha de l’air, en vain.
Ses mains frappaient le vide.
Puis plus rien.
Seulement ce son, de nouveau.
Ding… ding…
Mais cette fois, c’était de l’intérieur.
La première chose qu’elle vit en ouvrant les yeux fut une lampe au-dessus d’elle, blanche, trop blanche.
Une odeur de menthe et d’alcool flottait dans l’air.
Un drap lourd lui collait à la peau.
— Tu m’entends ?
La voix de Sainta. Calme. Fatiguée.
Darla voulut parler, mais sa gorge grinça.
Il lui tendit un verre d’eau.
— Bois doucement.
Elle but, les yeux plissés.
Sa voix trembla :
— Où… je suis ?
— Chez moi, répondit-il. Tu t’es évanouie.
Un silence.
Les murs, peints en gris clair, semblaient respirer doucement.
Darla chercha la porte du regard, puis son visage.
— Tu m’as suivie ?
— Non. Je t’ai trouvée. Tu délirais, tu parlais toute seule.
Elle détourna les yeux.
— Je ne parlais pas toute seule.
— Alors, à qui ?
Elle leva un doigt vers sa tempe.
— Elle.
Sainta soupira.
— Encore cette voix.
Elle hocha la tête.
— Tu ne la comprends pas. Elle me parle pour me protéger.
— Non, Darla. Elle te détruit.
Elle le fixa avec colère, mais dans ses yeux, il n’y avait pas de haine, juste la peur.
Il s’assit près d’elle, sans parler.
Les jours passèrent lentement.
Sainta préparait à manger, elle ne mangeait presque pas.
Il essayait de lui parler de choses simples : la pluie, le bruit de la rue, un souvenir d’enfance.
Mais souvent, elle restait immobile, les yeux fixés sur un point invisible.
Parfois, elle disait :
— Tu l’entends, toi aussi ?
Et lui, fatigué, répondait :
— Non, Darla. Il n’y a rien.
Mais elle insistait.
— Elle dit que tu mens. Elle dit que tu veux me faire taire comme les autres.
Alors il baissait la tête.
Il n’y avait rien à répondre.
Une nuit, elle s’approcha de lui.
Ses cheveux en désordre, ses yeux presque fiévreux.
— Tu veux savoir comment elle est, hein ?
— Non, Darla, pas maintenant…
— Elle a ta voix parfois. C’est ça qui m’effraie.
Il la regarda sans comprendre.
— Ma voix ?
— Oui. Douce, rassurante. Puis elle change. Elle me dit des choses que toi, tu ne dirais pas.
Elle me dit de partir, de me noyer dans le silence.
Elle éclata d’un rire sec.
— Tu vois ? Même toi, elle te copie.
Sainta resta figé.
Il aurait voulu la serrer, mais il n’osait plus.
Le lendemain, elle semblait aller mieux.
Elle parlait doucement, presque apaisée.
Elle riait d’un rien.
Il crut, un instant, qu’elle revenait vraiment à la surface.
Mais le soir, il la trouva devant le miroir.
Elle se parlait à elle-même, comme à une amie.
— Tu vois, je t’écoute. Je t’écoute toujours.
Elle fit un signe de tête dans le vide.
— Non, pas lui. Lui, il veut comprendre. Tu veux qu’il parte, c’est ça ?
Sainta s’approcha lentement.
— Darla, avec qui tu parles ?
Elle tourna vers lui un visage étrangement paisible.
— Avec moi.
Et dans le reflet, il crut voir ses lèvres bouger… alors qu’elle ne parlait plus.
Il recula, glacé.
— Darla… tu m’entends ?
Elle se mit à pleurer sans bruit.
— Je ne sais plus qui parle, Sainta. Je n’arrive plus à savoir.
Il posa sa main sur son épaule.
— On va y arriver. Ensemble.
Elle secoua la tête.
— Non, toi tu peux t’en sortir. Moi, je suis déjà dedans.
Son regard se perdit dans le miroir, et doucement, elle ajouta :
— Elle t’aime pas, tu sais. Elle dit que si tu restes, tu finiras comme moi.
Sainta sentit son cœur battre plus vite.
Il voulut répondre, mais elle se leva d’un bond, jeta le miroir à terre.
— Tais-toi ! hurla-t-elle.
— Darla !
Elle tomba à genoux, le souffle court, les mains couvertes de sang.
Il la prit dans ses bras malgré tout.
— Regarde-moi, Darla. Regarde-moi. C’est moi, pas elle.
Elle leva les yeux.
Un instant, son regard redevint clair.
— C’est toi… oui.
Puis, dans un murmure :
— Ne la laisse pas revenir.
Et elle s’effondra contre lui, tremblante.
Sainta resta là, longtemps, sans savoir s’il devait prier, pleurer ou fuir.
Dehors, la nuit était calme.
Mais dans la chambre, une ombre semblait encore respirer

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