SAUVE-MOI...
La lumière de la lampe tremblait sur les murs, projetant des ombres qui bougeaient comme si elles vivaient.
Darla était assise par terre, le dos contre le mur froid, ses genoux ramenés à sa poitrine. Ses doigts traçaient des cercles dans la poussière, mécaniquement.
— Sainta… souffle-t-elle enfin, la voix brisée.
Il s’avance, hésitant. Ses mains sont ouvertes, comme pour ne pas l’effrayer.
— Je t’écoute.
— Sauve-moi… dit-elle, à peine un murmure, la gorge nouée.
— De quoi exactement ?
Elle lève les yeux vers lui. Ses pupilles brillent d’une lumière tremblante, un mélange de peur et de défi.
— De moi-même… de ce que je deviens… de cette voix qui ne me lâche pas.
Sainta s’agenouille devant elle. Son regard cherche quelque chose derrière ses yeux égarés.
— Ce n’est pas elle, Darla. Ce que tu entends n’existe pas.
Elle rit, un rire sec et déchiré, qui fait vibrer l’air.
— Pas elle ? Tu crois vraiment que c’est moi qui délire seule ? Tu crois que je peux contrôler tout ça ?
Elle se penche en avant, frôle ses genoux, ses mains tremblantes tentant de le saisir.
— Tu vois ? Même toi, tu ne sais pas qui je suis. Qui tu es. Qui nous sommes…
Il sent son souffle sur ses mains.
— Alors laisse-moi t’aider. Laisse-moi…
— Aider ? Non… hurle-t-elle, en reculant brusquement.
— Tu veux seulement me contrôler, hein ? me garder ici, me… posséder.
Elle tombe en arrière, le dos heurtant le mur. Ses cheveux s’éparpillent autour de son visage livide.
— Je ne veux pas… je ne veux pas… je veux respirer !
Sainta s’assoit à côté d’elle, silencieux, laissant la pièce se remplir de son souffle lent.
— Tu n’as pas besoin de me croire, Darla. Mais je suis là.
Elle lève les yeux. Un instant, une lueur fragile passe dans son regard.
— C’est toi… oui, c’est toi… murmure-t-elle, comme pour se convaincre.
Puis le vent s’engouffre dans la pièce, un froissement dans l’ombre.
— Et si… dit-elle d’une voix tremblante, et si tu n’étais pas réel non plus ?
— Alors je serai seulement là pour toi, dit-il, la voix basse, presque suppliante.
Darla se recroqueville, le souffle coupé, et s’effondre contre le sol. Ses mains serrent le drap, ses doigts creusent des sillons dans la poussière.
— Sauve-moi… répète-t-elle faiblement, comme une prière.
Sainta baisse la tête, impuissant, partagé entre le besoin de l’apaiser et la peur de franchir la frontière fragile qui sépare sa santé mentale de la sienne.
— Je vais essayer… dit-il enfin.
Mais dans l’air, entre les murs qui respirent, la voix murmure toujours : elle n’est pas à toi, tu ne peux rien…
La nuit s’épaississait dans la chambre.
Darla s’était accroupie sur le sol, le souffle court, les yeux fixant le plafond comme si elle cherchait un point d’ancrage.
— Écoute… murmura Sainta, doucement, assis derrière elle.
— Non… je… je n’y arrive pas… souffle-t-elle.
— Je sais… mais tu peux me parler. Essaie juste de me dire ce que tu entends.
Elle ferma les yeux, tremblante, et la voix arriva, faible d’abord, puis plus nette.
— Tu ne m’entends pas ? murmura-t-elle dans sa tête.
— Oui… murmura Darla à voix haute, surprise, comme si elle découvrait un monde caché.
— Elle veut te faire mal…
— Non… toi… je… je sais plus…
Elle ouvrit les yeux. Sainta la regardait, inquiet.
— Tu vois la différence ? demanda-t-il.
— Oui… oui… je crois… Mais elle revient toujours…
Un rire sec traversa la pièce.
— Elle… celle qui me hante… dit-elle, la voix tremblante. Elle veut que je fuie… Elle veut que tu partes…
Sainta frissonna.
— Je ne partirai pas. Mais je ne sais plus… murmura-t-il, presque pour lui-même. Peut-être que je ne devrais pas être là.
Darla se tourna vers lui, les yeux écarquillés.
— Non… reste… Je… j’ai besoin de toi… mais… mais je me perds encore…
Elle se leva lentement, vacillante, et frappa ses propres mains contre sa poitrine.
— Arrête ! arrête ! arrête de me dire quoi faire ! hurla-t-elle.
— Calme-toi… dit Sainta, levant les mains, hésitant.
Elle s’effondra sur ses genoux, la tête dans ses bras. Ses cheveux tombaient en désordre autour de son visage.
— Je peux la reconnaître… je peux… enfin… murmura-t-elle, presque souriante malgré les larmes.
— Qui ?
— Moi… et elle… mais… mais elle est plus forte que moi certains moments…
Sainta sentit son cœur se serrer.
— Alors on fera étape par étape… ensemble…
Elle leva les yeux vers lui. Un instant, la lumière sembla revenir dans son regard.
— Ensemble… oui… mais tu dois promettre… ne pas me laisser… pas maintenant…
Il hocha la tête.
— Jamais.
Et dans ce silence fragile, les ombres semblaient s’éloigner un peu.
Pour la première fois depuis longtemps, Darla sentit qu’elle pouvait respirer.
Mais quelque part, dans un coin de sa tête, l’Ombre riait encore.

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