Chapitre 2

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Jon se réveilla en sursaut, un bruit atroce lui vrillait les tympans. Il se boucha les oreilles mais le bruit fut à peine étouffé. Il allait se lever quand la sonnerie cessa brusquement.

- Tu fais chier, lève-toi, ça fait dix minutes que ça sonne !

Ça ne servait à rien de répondre. Il se redressa au moment où Chloé quittait la chambre. Quelques instants plus tard il était sous la douche et perçut plus qu'il n'entendit la porte de la maison se fermer avec plus de vigueur qu'elle n'aurait dû.

Dans sa bulle de quiétude chaude et chargée d'humidité les choses étaient floues et distantes. Tant qu'il y resterait il n'aurait pas besoin de ruminer ce qui ressemblait à un début de dispute, ni le reste. C'était ça l'idée, y rester le plus longtemps possible.

Ou pas finalement. À quoi bon faire semblant de profiter du moment quand on ne peut pas s'ôter de la tête qu'il ne durera pas ? Il enfila un T-shirt et descendit se faire un café qu'il avala en quelques secondes, les jumeaux n'allaient pas tarder à se lever.

Depuis cinq ans Jon était papa. À ses amis qui lui demandaient à quel moment il avait sentit qu'il était prêt il répondait en souriant qu'il ne l'était toujours pas. En vérité il pensait surtout qu'élever des enfants n'était pas une chose à laquelle on se préparait. Quel genre d'entrainement aurait bien pu s'avérer utile ? Bien sûr qu'il n'était pas prêt et qu'il ne serai jamais prêt à l'avance pour ce qui n'était pas encore arrivé. C'était simplement inutile d'être prêt, il suffisait d'être présent.

A sept heures quarante-six, une silhouette nonchalante aux cheveux bruns bouclés fit son entrée dans la cuisine, suivie par une deuxième qui se distinguait par des mèches raides plus claires. Jon eut le temps de suivre des yeux la lente procession qui se dirigeait vers lui en contournant la table. L'âge des réveils en fanfare était passé mais le bisou du matin était un rituel auquel personne ne semblait vouloir déroger pour le moment.

Les deux enfants prirent place à table et échangèrent leurs bols pour se retrouver chacun face à celui qui portait leur nom : Lucille et Hector.

Entre les tartines et les céréales la première discussion de la journée s'engagea.

- Il reste combien de semaines avant les vacances ?

- Quatre.

- Mais t'avais dit deux !

- Quoi ? Je ... - Aucun entrainement n'était possible, vraiment.

- Nan c'est quatre, et après on va chez Papy. - En voilà au moins une qui suit.

- Et Mamie aussi.

Une gorgée de jus d'orange d'un côté, une bouchée de pain de l'autre, temporisèrent l'échange, qui reprit après deux déglutitions simultanées.

- On fera une cabane ?

- Chez Mamie et Papy oui vous pourrez ...

- Non ! Chez nous ! Laila elle a fait une cabane chez elle.

Laila avait un jardin immense et un papa architecte, ç'eut été suspect qu'elle ne construise pas de cabane.

- On n'a pas la place chez nous, on n'a rien pour construire une cabane.

- On peut prendre du bois dans le bois.

- Dans le bois ... le tas de bûches ?

- Non dans la forêt Papa !

- OK. On essaiera, mais ça sera une petite cabane.

- On mettra que des chaises dedans.

La discussion s'orienta sur l'aménagement intérieur de la cabane et Jon en perdit le fil.

Une demi-heure plus tard ils traversaient tous les trois la petite cour qui donnait sur la rue pour se diriger à pieds vers l'école. La chaussée était bordée de petites maisons toutes identiques et alignées au cordeau. La personnalité des occupants de chaque adresse n'était retranscrite que par la couleur des rideaux suspendus derrière les carreaux et les éventuelles jardinières de fleurs posées sur les rebords des fenêtres. En face du domicile des Cobol, une petite ruelle perpendiculaire, flanquée de garages se terminait par un cul-de-sac. De là, un sentier s'enfonçait au coeur ce que Lucille avait appelé "la forêt". Ce n'était en réalité qu'une ceinture d'arbres et de taillis, large d'une centaine de mètres, qui isolait le quartier du périphérique tracé juste au-delà. Ensuite c'était la ville, dont la limite était visible de loin, marquée par une haute tour en escalier dont la vue cristallisait l'amertume de Jon dès qu'il mettait un pied dehors.

Mais pour l'heure il lui tournait le dos pour accompagner les enfants vers leur propre charge quotidienne. La rue débouchait sur une avenue plus large qui montait doucement vers l'école. Au fur et à mesure qu'ils s'en approchaient, les pavillons étaient plus espacés et gagnaient en nombre de baies et d'ouvertures. Un petit espace vert achevait de faire la transition entre les habitations et l'école.

Véritable carrefour du quartier, l'établissement était situé à l'angle de l'avenue principale et de la rue Gripoux qui redescendait jusqu'à laisser derrière elle les habitations. Longeant un hôtel miteux et une maison de retraite, elle franchissait un ruisseau avant de remonter vers la ville en contournant le quartier à travers la ceinture boisée.

L'heure était matinale mais des agents municipaux étaient affairés à fixer des panneaux métalliques numérotés le long des grilles de la cour. Les enfants y jetèrent un regard soupçonneux mais ne prirent pas la peine de faire une remarque ni de poser une question. Jon en fut soulagé, il n'avait pas le temps de leur expliquer le concept de l'affichage réglementaire des photos des candidats en vue d'une élection.

Quelques minutes plus tard les deux enfants étaient dans la cour. La petite Laila était déjà prévenue que son palace de planches et de clous aurait à souffrir la comparaison avec celui qui serait érigé sous peu dans le courtil des Cobol.

Hector n'avait montré qu'un intérêt limité pour le projet et s'était plongé dans un obscur jeu de cartes avec le petit Quentin dès son entrée sur le bitume de la cour, mais il serait de la partie lorsque débuterait la construction de la cabane.

Jon avait repris sa voiture et affrontait de nouveau les affres existentielles de son trajet quotidien.

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