Judd...

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Judd, c’est un camarade de classe avec qui je n’étais pas très causante. En fait, j’ai dû lui adresser trois mots en trois ans. C’est dingue comment les méninges fonctionnent, enfin, la mémoire. Je l’ai rencontré quand j’étais au lycée. À première vue, il ne m’intéressait pas. C’est à peine si je le calculais en cours. C’était un gars au cheveux mi-long, pas spécialement attirant à mes yeux, un gars de bonne famille. C’est l’image que je me faisais de lui et qu’il renvoyait. Clairement couillon comme les mecs de seize ans. Il n’était pas le dernier pour faire l’idiot.

En bref, je me demande comment ma mémoire fonctionne, pourquoi après tant d’année, je rêve encore de lui. Pourquoi lui plus qu’un autre ?

Bien sûr, j’ai ma petite idée.

Mais voilà, il me perturbe.

Judd me perturbe.

Ce matin encore.

Je me suis réveillée en pensant à lui. Et malheureusement, ce n’est pas la première fois que je rêve de lui. Il me hante. Pas besoin de tortiller du cul pour chier droit. Il faut dire ce qu’il est ! Je rêve souvent d’un adolescent de seize ans, alors que d’ici le mois prochain je fêterais mes trente ans. C’est fou l’impact que l’école à encore sur moi des années plus tard. J’avoue mettre déjà lever en pensant qu’il fallait que je me rende au lycée…

Ça craint ?

Ouais, c’est clair.

Je crois que j’ai raté une occasion importe pendant ces années-là. J’en suis même certaine. J’ai toujours été du genre à rêver plus qu’à vivre. Un automatisme de survie selon un spécialiste ou deux que j’ai croisé dans ma vie. J’hésitais beaucoup à cette époque, encore aujourd’hui pour ne rien cacher. C’est peut-être pour ça que Judd me hante.

Je…

J’ai commencé à le rêver en première année. Le voir comme une personne qui me plaisait. Peut-être à cause de son changement de look. Ses cheveux soudainement courts, ses chemises à carreaux, ses pantalons ras le cul. Il était plat. Plat comme ma poitrine. Elle l’est toujours, et c’est parfait.

Je ne sais plus trop pourquoi un jour je me suis tourné vers lui. Je crois que c’est son long nez en trompette qui m’a interpellé ou bien le court d’électronique qui m’ennuyait. Je sais que c’était une connerie de le mâter, parce que je suis du genre à chercher la beauté d’une personne et faire en sorte qu’elle devienne attirante à mes yeux. J’aurais dû faire ça avec mon copain plutôt qu’avec lui. Mais l’attirance ça ne se discute pas.

Je l’ai rencontré à la même époque. Jérémy. Mignon, plus vieux que moi. Je lui plaisais, je me suis dit : pourquoi pas, il a l’air sympas et puis si ça ne m’intéresse plus, je le quitte !

La bonne blague. Je suis toujours avec Jérémy. Je me suis fait une raison. Il doit être mon âme sœur quoi que j’en pense. L’aimer ? Ce n’est toujours pas clair dans ma tête, même après toutes ces années. Je crois que ça ne le sera jamais. J’ai juste cessé de croire que je trouverais l’être fait rien que pour moi. Après tout, il y a des chances que ce soit lui. Sinon, qu’est-ce qu’on foutrait encore ensemble. Douze ans ? Treize ? J’ai arrêté de compter. J’imagine qu’il est important pour moi. D’une certaine façon. Laquelle ? Je ne sais pas. Je ne sais pas grand-chose. Enfin, si.

Je suis une rêveuse en mal de rêve à concrétiser.

La vie n’est pas aussi simple qu’on a bien voulu me le faire croire. Et l’école ne m’a pas du tout épaulé. Les bases ? Il faudrait les réviser. Les trois quarts des élèves qui quitteront l’écoles finiront derrière une caisse enregistreuse, autant leur apprendre à remplir des papiers, à comprendre ce qu’attends l’administration de nous. C’est ça la vie ! Des papiers, des obligations, un budget, des rendez-vous, des pépins.

Quand j’ai quitté le lycée, je me suis enterrée vivante dans ma chambre, chez mes parents… chez qui je vie toujours à presque trente ans. À quand un court de trois heurs par semaine sur la gestion de la vie courante, paperasse : impôts, comment ouvrir son entreprise… devenir artiste-auteur (sans se cogner la tête contre un mur).

Soi on ne m’a pas donné les bons outils, soi je suis le genre de personne qui doit morfler pour parvenir à ses rêves. Dommage. Je suis du genre à vite me décourager. Je n’ai pas la carrure, mais quelque part je suis têtue.

Ce que je veux bien croire, parfois.

Je rêve d’être autrice depuis l’âge de dix-sept ans. Ouais, on en revient au lycée. Est-ce qu’on m’y a aidé ? Non. Est-ce que j’y suis parvenu ? J’ai envie dire que oui. Avec pas mal de mésaventure au compteur. J’ai toujours du mal avec l’administration ou la visibilité de mes textes, mais je peux clairement dire que je me suis construite seule en tant que romancière.

Non, j’en vie pas. Mais, je ne démords pas ! Pourquoi pas moi ? J’ai bien galéré. Entre mes idées noires, mes longues et épuisantes déprimes, mes amis et mes mondes imaginaires, mon isolement, j’espère bien que l’univers me donnera satisfaction un de ces jours. Mais pour le moment, il joue encore avec mes nerfs, mes fantasmes, mes désirs inavouable (comme le fait que parfois, j’aimerais être un homme… pas parce que la vie me paraitrait plus facile, mais pour expérimenter la pénétration anale. Surprise !).

Pour en revenir à Judd, ça fait un moment que je pense à ce qu’il représente. Il n’est pas seulement un camarade, il est un échec cuisant. Un regret.

Quand je rêve de lui, ça veut dire que la semaine n’a pas été merveilleuse et que mon cœur rétrécis dans ma poitrine.

Ce matin, je n’ai pas réussi à me lever. Ça fait longtemps que je me lève comme un mécanisme. Trop longtemps, d’ailleurs. Aujourd’hui, les rouages se sont coincés et je suis encore au lit, amorphe à regarder toutes les images de ma vie défiler dans ma boîte crânienne.

J’essaie encore de noyer le poisson en m’illusionnant. Je suis une experte en la matière

Penser aux prochaines vacances, retravailler un chapitre, aller travailler chez la petite mamie, promener les chiens… m’occuper un max pour ne pas retomber dans le néant des regrets et des initiatives tombées à l’eau.

Ça ne fonctionne pas et Judd me hante.

Judd Valker.

Putain de connerie !

Je ne peux pas m’empêcher de penser à lui, de me demander « et si j’avais osé lui dire qu’il me plaisait ». Est-ce que la vie aurait été différente ? M’aurait-il tiré vers le haut ? Ou plus loin vers le bas ? Ou j’en serais, aujourd’hui ?

Ses yeux. Je n’arrive toujours pas à en déterminer la couleur. Ils changeaient au gré du temps. Gris. Vert. Bleu. Un mélange de tout. Il avait une collection de grain de beauté et son portable était greffé à ses mains. Je ne sais pas si on aurait pu se comprendre, mais derrière ce garçon qui semblait se foutre de tout, j’avais l’impression de voir une personne avec de la tendresse et une part de détresse. Ça date !

Je ne suis même pas sûr d’être capable de le reconnaître dans la rue, si je le croisais.

Une idéalisation de ma jeunesse… De la sienne. De ce que je n’ai pas osé.

J’aime son image, comme je suis attiré par l’art.

Je tombe sous le charme des gens avec une facilité déconcertante. Mais je ne me laisse jamais tenter. Les succubes n’ont qu’à bien se tenir.

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