Prise de risque

7 minutes de lecture

Bastien ne tarde pas à me rappeler, il me branche sur une soirée à la sortie de la Rochelle, un peu loin du domicile de Marielle, mais comme elle est quasiment en colocation avec sa nouvelle amie du moment, elle est bien placée pour trouver les meilleurs spots pour danser.

Stella l'entraîne sans vergogne dans son sillage sans mesurer les conséquences que cela pourrait engendrer sur leur couple. Car Marielle sous ses airs de femme qui assume sa nouvelle vie festive entretient un lien indéfectible avec Léo, celui qui l'a prise sous sa houlette dès son plus jeune âge, son seul protecteur pendant toutes ces années. Tel un papillon de nuit attiré par les lumières, elle risque désormais de se brûler les ailes.

Je m'habille pour la soirée avec un soin particulier. Je mets du gel dans mes cheveux. Mes chaussures bien cirées et ma chemise blanche ne manqueront pas de l'attirer dans mes filets. Enfin, je crois. Après toutes ces années de complicité, notre relation peut aboutir à un duo charnel, celui dont je rêve depuis mon adolescence. J'essaie de m'en convaincre. Devant la glace, je m'amuse à répéter des phrases censées la séduire au moment opportun :

— Alors, Marielle, je te croyais toujours avec Léo. Et te voilà, plus belle que jamais, par hasard, à cette soirée. Le célibat te sied à merveille. Je te sens épanouie. On va fumer dehors tous les deux pour évoquer le bon temps ?

Voilà comment je l'aborderai. Je masque mes mains tremblantes. Ce soir, c'est l'instant de vérité. Ma vie va peut-être changer. Enfin.

22h00. J'ai fait en sorte de ne pas arriver trop tôt, je m'engouffre dans l'immense salle louée pour l'occasion. Le champagne coule à flots, des montagnes de petits fours s'offrent aux invités qui se trémoussent sur un air de rap. Je ne sais même pas qui est l'organisateur. Qu'importe. Mon regard va de fille en fille, de décolletés en talons aiguilles pour essayer de repérer celle que je cherche. La foule compacte m'oblige à me frayer un passage, je m'excuse mille fois du dérangement. Je commence à transpirer, le découragement me guette.
Et si je jetais un coup d'œil aux toilettes ? En général, la plupart des filles y passent la moitié de la soirée. Bingo. Elle est là, dans une robe bustier rouge. Des bas à petits nœuds couvrent ses jambes fines et musclées, le tout agrémenté de bottines vernies. Encore plus belle que dans mes rêves. Je me dissimule derrière un poteau en haut de l'escalier. Je prends le temps de l'observer. Je reconnais aussitôt sa nouvelle copine blonde, Stella.

Je ne peux m'empêcher de grimacer à sa vue. Qu'est-ce qu'elle peut être vulgaire. Du mascara noir qui déborde au coin de l'œil, un jean déchiré, un top qui s'arrête au niveau du nombril. Rien à voir avec la classe naturelle de Marielle. J'entends son rire métallique résonner dans le couloir. Elle a déjà bu, n'est plus dans son état normal. C'est ce que j'espérais.

Je réfléchis à la façon dont je vais l'aborder, je souhaite absolument qu'elle soit seule, ce qui arrivera à moment donné. Justement, Stella papillonne d'un garçon à l'autre, se love dans les bras d'un grand blond, puis donne un baiser à un petit brun. Leurs déhanchements lascifs attirent tous les regards. Soudain, d'un mouvement leste et soudain, un grand frisé vêtu d'un jean et d'un sweat-shirt informe l'attrape d'une main ferme et l'entraîne dehors.

Marielle, désormais accessible, se dirige vers le bar et s'assoit sur un siège haut, dans une attitude rêveuse. J'en profite pour me hausser sur le tabouret voisin. Elle m'observe, surprise, et réalise qui se trouve à côté d'elle.
— Jonathan ! Quelle surprise !, s'exclame-t-elle en me détaillant de la tête aux pieds.
— Incroyable, non, de se retrouver ici tous les deux, répliqué-je, le plus naturellement possible. Comment vas-tu ?

— Plutôt bien, je m'amuse comme jamais ça ne m'était arrivé, et tout ça grâce à Stella.

— Tu as bien raison de te détendre un peu.

— Que deviens-tu ? , me demanda-t-elle, sincèrement intéressée.

— Là, j'ai fini ma troisième année d'architecture. J'ai passé mon temps enfermé à étudier, dis-je tout en prenant un air décontracté.

— Je t'ai connu très sérieux, tu n"as pas changé. Tu danses toujours ?

— Un peu, je participe à des galas de bienfaisance, mais j'ai renoncé à en vivre. Ça se voit, non, j'ai quelques kilos en trop ! Toi, par contre, tu suis toujours un régime drastique, tu n'as pas pris un gramme !

— Oui, il faut bien, si je veux rester au top ! Je me pèse tous les jours, je suis devenue végan.

— Ça te va à merveille. Donc, tu n'es plus avec Léo ?
— Disons que j'attends qu'il sorte de prison. Il en a pour un an, on vient de lui rallonger sa peine.

— Ce n'est pas une situation facile. Si tu as besoin d'une épaule, tu sais où me trouver. Tu te souviens quand tu m'appelais en pleurs à quatre heures du matin?

— Oui, j'étais désespérée, je savais que tu allais répondre. C'était la période où j'étais en plein doutes.

— Et maintenant ?

— Je doute toujours, mais je ne t'appelle plus ! Je ne vais pas t'ennuyer avec mes histoires de couple. Tu as une copine ?
— Non, j'ai vécu une histoire intense de quelques mois, j'ai décidé de profiter de mon célibat pour faire d'autres rencontres. Je suis disponible, comme tu vois, dis-je en écartant les bras. Je lui offre mon plus beau sourire. J'essaie de grappiller quelques centimètres auprès d'elle, nos jambes se frôlent.

Elle regarde les jeunes danser, tout en sirotant sa boisson, un alcool fort, je présume. Je demande au barman une deuxième tournée. J'ai bien l'intention de l'enivrer pour l'inciter à plus de rapprochements. Elle ne se méfie pas, son sourire, son plus bel atout, éclaire son visage. Elle semble bien, elle n'est pas sur ses gardes.

Mes mains fébriles sont si près de ses magnifiques cheveux longs dont l'odeur exaltante parvient jusqu'à moi.

Dans un élan fraternel, je les caresse.

— Tu es toujours aussi belle, osé-je.

Elle me sourit béatement. Elle ne se recule pas, n'exprime pas le désir de s'éloigner, je crois en mes chances.

— Tu étais amoureux de moi, à l'époque !, se rappela-t-elle. On n'avait que seize ans.
— Douze ans ont passé, nous voilà à nouveau réunis. Crois-tu au destin ? Peut-être qu'il nous a mis tous les deux sur notre route dans ce seul but : retrouver notre complicité. d'antan. Je connais par coeur ton corps, ton odeur, tes sentiments. Il nous manque juste l'accomplissement de nos désirs communs.

Elle acquiesce d'un hochement de tête. Je lui prends les deux mains. Elle me laisse faire. Son regard est trouble, son dos s'affaisse, elle baisse la garde. Elle colle son oreille sur ma bouche pour pouvoir entendre ce que je lui dis, à travers la musique, toujours trop forte, qui nous empêche de communiquer. Cela me demande beaucoup d'efforts pour trouver les bons mots. Je veux la faire ployer. J'ai toujours détesté les boites et cette ambiance surfaite des jeunes de la jet-set bien dans leur peau. Moi, j'aime le calme et la douceur.

Je lui propose de la raccompagner sous prétexte qu'elle a trop bu. Contre toute attente, elle accepte. Les cernes qui colorent ses yeux attestent de sa fatigue. C'est peut-être sa quatrième soirée de la semaine. Je tombe au bon moment. Sa robe glisse lorsqu'elle descend du tabouret et découvre ses seins blancs magnifiques que je prendrai bientôt dans mes mains. Mon sexe durcit dans mon pantalon. Je la désire tellement, depuis tant d'années. Elle me fait confiance. Elle me suit aveuglément. Elle rajuste sa robe d'un geste machinal. Ce que j'ai vu m'a mis dans un tel émoi que je veux accélérer les choses.
Je la prends par la main, nous traversons la foule toujours aussi compacte des danseurs qui se trémoussent depuis deux heures. Minuit passé, certains arrivent à peine, déposent leur veste au vestiaire. Je prie pour que Marielle ne change pas d'avis. Mais sa démarche peu assurée m'assure qu'il vaut mieux qu'elle sorte au grand air.

À peine dehors, le vent nous fouette. La violence du souffle d'air qui nous refroidit instantanément nous incite à rejoindre à grandes enjambées ma voiture, le cadeau que je me suis fait, une BMW Série 4 grise. Je passe amoureusement ma main sur la calandre. D'un seul geste, j'ouvre la portière et aide Marielle à s'asseoir dans l'habitacle, sur les sièges en cuir accueillants. Cette odeur que j'aime le plus entre toutes me flatte les narines, me rend plus sûr de moi.

J'ai réussi. Marielle est assise à côté de moi, son manteau recouvrant à peine son buste, laissant deviner ses jambes, qu'elle plie d'une manière élégante. Le moteur puissant rugit. Elle ne dit rien, son regard ébloui en dit long sur son admiration pour mon véhicule. Les femmes sont décidément bien matérialistes. Elle a été habituée au luxe. Je lui offre le même standing. Avec moi, elle aura un train de vie plus que confortable.

Ma trajectoire dévie de celle initialement prévue. Marielle n'habite pas au bord de la mer. Dans la nuit noire, je roule à toute vitesse sur les routes dénuées de voiture, la grande bande grise s'offre à moi. Je décide de rouler vers le large, de nous garer au bord d'une falaise que je connais bien, avec vue imprenable sur l'Océan. Je règle le chauffage sur la puissance maximale.

Marielle est recroquevillée dans son siège, elle ferme les yeux.

Annotations

Vous aimez lire cornelie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0