Sombres desseins

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Dévastée à l'idée que sa mère avait sans doute été obligée de se prostituer alors qu'elle avait une enfant et était mariée, Marielle continua avec détermination sa quête de la vérité. Elle se rendit à l'adresse notée sur le petit bout de papier que l'agent lui avait donnée. Le flic qui était en charge à l'époque de l'enquête habitait en banlieue parisienne. Un vieil homme ouvrit la porte d'un modeste pavillon crépi de rose. Il portait un sonotone dans une oreille, ses cheveux blancs hirsutes entouraient un visage ridé sur lequel on pouvait lire son étonnement.

  • Bonjour, je m'appelle Marielle Sélézio-Garmin. Sélézio est le nom de ma mère. Je ne l'ai plus revue depuis décembre 1998, j'allais avoir huit ans. Je me demandais si vous vous souveniez de cette affaire.
  • Non, madame, j'ai malheureusement des pertes de mémoire. J'en ai traqué des voyous, ça c'est vrai. Je cavalais à l'époque, dit-il le regard lointain, comme si à l'évocation de son ancien poste des images lui revenaient.
  • Cette enquête portait le code BRG.

L'homme qui était déjà pâle sembla défaillir en entendant ces mots. Il s'appuya contre le chambranle de la porte.

  • Oui, je vois, l'affaire des prostituées belges.
  • Apparemment ma mère a été recrutée par ces maquereaux peu scrupuleux. Je voudrais la retrouver. Vous savez sûrement quelque chose.
  • Oui, mais il faudra m'assurer que cela reste entre nous. Vous n'avez pas de portable ?
  • Il est dans mon sac, pourquoi ?
  • Éteignez-le , vous n'imaginez pas de quoi ils sont capables. Même après toutes ces années, je suis persuadé qu'ils surveillent ceux qui pourraient les empêcher de faire tourner leur trafic. Règle numéro un : vous devez toujours penser que quelqu'un vous suit. Avez-vous commencé votre recherche ou suis-je le premier que vous contactez, qui d'ailleurs vous a donné mon nom ?
  • J'ai fouillé dans les affaires de mon père et les maigres papiers que j'ai trouvés je les ai apportés à la police. Ils m'ont aidée à trouver des éléments dans les archives. Un agent a cité votre nom, disant que vous étiez un ami.
  • Rentrez, il ne faut pas continuer à discuter dehors.

Il regarda dans la rue à droite et à gauche afin de s'assurer qu'aucun mouvement suspect n'attirerait son attention, vieux réflexe de flic. Il semblait prendre tout-à-coup à bras-le-corps le sujet de la disparition de la mère de Marielle.

Il la pria de s'asseoir, disparut dans la maison et revint avec un carton. Il y avait des dizaines de photos de filles qui manifestement attendaient le client dans la rue. Maquillage outrancier, tenues légères, le genre de prostituées qui racolaient. Aucune ne correspondait à sa mère.

  • Elle doit avoir cinquante-deux ans aujourd'hui. Pensez-vous qu'elle soit encore en train de faire cette... activité ?, lui demanda-t-elle, connaissant déjà la réponse.
  • C'est possible. Elles n'ont pas le choix, les souteneurs leur prennent leur carte d'identité et leur passeport. Celles qui restent encore belles malgré les années et les coups peuvent continuer. Elles obéissent malgré elles. Jusqu'à ce qu'elles fuient un jour, souvent avec un client compatissant. On en a retrouvé des centaines défigurées et mutilées dans des terrains vagues. Les maquereaux ne les laissent pas longtemps mener une vie normale. C'est leur propriété.
  • Je vais aller en Belgique, je veux la retrouver, si jamais elle est encore vivante, martela-telle, d'un ton rempli d'espoir.
  • Je viens avec vous.

Il avait dit cela sur un ton sans appel. Ses yeux brillaient d'un éclat nouveau. Sa vie morne prenait un nouveau tournant. Il avait fallu l'arrivée inopinée de cette jeune femme pour réveiller ses ardeurs. Il avait toujours la hargne lorsqu'il s'agissait de l'exploitation de femmes. Et à son âge il n'avait rien à perdre.

  • Vous ne pouvez pas partir comme ça, vous devez prévenir votre famille !

Il haussa les épaules.

  • Mes enfants n'ont que faire d'un vieux flic à moitié sourd et qui perd la tête. Et vous ?
  • Je vais envoyer un SMS à mon père. Quand il verra que j'ai fouillé dans la valise, il comprendra. Cela fait trop logtemps que je me tais. Je dois agir.

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