Je suis autrement, et alors ?
Je ne marche pas droit sur les lignes tracées,
Je dessine des courbes là où l’on veut des carrés.
Je suis cette note étrange au milieu de la gamme,
Ce soupir dissonant qui ne demande aucune âme.
Je suis né du silence, d’un éclat de travers,
D’un geste en décalage, d’un regard à l’envers.
Quand on disait "tu dois", je répondais "peut-être",
Et j’apprenais tout seul à déplier mes lettres.
On m’a souvent montré des cages décorées,
Des modèles tout faits, des vitrines dorées.
Mais je suis autrement, une voix dans le vent,
Un murmure têtu qui s’invente vivant.
Je ris quand je pleure, je pense en spirale,
Je comprends les nuages, les détours, les rafales.
Je ne rentre jamais dans les rangs qu’on aligne,
Je ne porte pas l’armure, je ne suis pas la vigne.
Et alors ? Dis-moi, qu’est-ce que ça te fait ?
Si je préfère les ombres aux reflets parfaits ?
Si je prends des chemins que tu ne devines pas,
Si je m’habille d’étrange et de bouts de pourquoi ?
Je ne suis pas ton moule, ni ton modèle sage.
Je ne suis pas ce rôle, cette voix, ce visage
Que tu voulais coller à mes pas incertains,
Je suis fait de vertige, de lumière et de foin.
Je danse avec les peurs, je parle aux silences,
Je rêve les couleurs dans leur pleine insolence.
J’ai des mots dans la bouche qu’on n’ose jamais dire,
Des blessures secrètes que je transforme en rire.
Et parfois je trébuche, je me sens minuscule,
Comme un oiseau perdu dans un ciel sans virgule.
Mais même là, au fond, je me redresse un peu,
Car je suis autrement et c’est un feu précieux.
Je ne suis pas une erreur, un détour, une faute,
Je suis l’autre mesure, la rime un peu trop haute.
Et si mon cœur s’embrase pour des choses étranges,
C’est qu’il entend des chants venus d’autres plages.
Je suis autrement, et alors ? Est-ce un crime
De croire aux lucioles dans un monde qui s’abîme ?
De préférer l’étrange à l’ennui bien vêtu,
De dire non parfois quand tout le monde dit "tu" ?
Regarde-moi bien, je ne demande rien
Que de vivre en entier, de marcher mon chemin.
Je suis autrement, et j’en fais un royaume,
Un souffle, une force, un poème, une paume.
Je suis autrement et j’en fais mon trésor.
Tu peux t’en moquer, me juger, peu m’importe.
Car tant que je respire, que j’existe encore,
Je suis autrement... et j’ouvre ma propre porte.
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