J'avance à pas de loups dans le couloir de l'orphelinat ; dans mon dos, quelques bruits se font entendre.

Les murs sont recouverts de tableaux des anciennes dirigeantes de l'orphelinat. L'une avec une perruque absurde; l'autre avec des yeux globuleux, mais elles ne sont pas importantes, elles font juste partie du décor. Ce qui est important, c'est l'endroit où je vais. Je marche doucement, sans faire de bruit, il ne faut pas que les surveillantes me voient. Si je veux enfin partir d'ici, c'est le seul moyen, je dois passer inaperçue. Face aux autres enfants, ce n'est pas si difficile mais face à elles, c'est beaucoup plus ardu, chaque jour j'ai l'impression d'aller un peu plus loin mais elles doivent sans doute remarquer mon manège chaque soir. Alors, ce coup-ci, je vais devoir y arriver. i je n'y arrive pas je pense que la prochaine tentative sera dans un long moment.

Dans ma tête les secondes s'égrainent, plus que 20 secondes et elles partiront à ma recherche.

19 ; 18 ; 17 ; 16, toujours rien, j'ai l'impression que les tableaux me regardent et me disent que je peux y arriver. 15 ; 14 ; 13 ; 12, je n'entends presque plus les voix provenant du réfectoire. 11 ; 10, les voix ont totalement disparu, je me mets à courir vers la porte de sortie. 9 ; 8 ; 7, elle est si proche, plus que quelques mètres dans le couloir à ma gauche. 6 ; 5 ; 4 ; 3...

je me retrouve au sol, le choc à été violent. Celle que j'ai percuté à l'air sonnée, c'est le moment où jamais, je me relève, me précipite vers la porte. J'ai franchis les quelques mètres qui m'en séparaient, durant cette dernière ligne droite, j'ai entendu celle qui s'est retrouvée au sol appeler les autres. Je les entends derrière moi, elles courent pour m'attraper, mais je trouve le temps long. Je saisis la poignée, appuie dessus et me rends compte un peu tard que cette maudite porte est fermée à clé.

Quelle andouille ! J'aurais du m'en douter, c'est même plutôt évident quand on y pense, elles sont paranoïaques, la peur de l'inconnu, des dangers du monde extérieur, de la vie !

Elles arrivent essoufflées derrière moi et me regardent comme si j'étais une bête de foire. Je réessaye d'appuyer sur la poignée ; en vain. Une d'elles commence à sourire, je m'énerve sur la poignée mais la porte résiste. La plus grande s'avance et me regarde de haut, je n'ai pas envie de me soumettre, je la regarde droit dans les yeux avec un air de défi. Elle paraît un peu surprise mais c'est comme à chaque fois, je pense que son visage est formé de façon à ce qu'elle ait l'air étonnée. Son regard se durcit. Elle va bientôt crier, ça ce sent. A mon grand étonnement, elle s'avance encore, ne parle pas mais m'attrape par le bras et m'entraîne à l'opposé du réfectoire et des dortoirs. Sa main serre mon bras, je ne dis rien juste pour gâcher le plaisir que ça lui procure de faire du mal aux gens. On arrive près du couloir qui se dirige vers le bureau de la directrice, mais, là encore, elle ne fait pas ce qu'elle fait habituellement, on continu tout droit. Un peu avant la fin du couloir, il y en a un autre sur la droite, je n'y vais que très rarement, il mène aux chambres des surveillantes. Et au fond du couloir, il y a une porte que je n'ai jamais vu ouverte, je pense qu'aucuns enfant ne sais réellement ce qu'il y a derrière. Et j'avoue que je n'ai pas vraiment envie de le savoir. On se rapproche de plus en plus, j'espère sincèrement que l'on vas tourner, le couloir n'est plus qu'a quelques mètres. Lorsque nous avons dépassé cette issue sans un seul ralentissement, je pense que la détresse à pu se lire quelques instants dans mes yeux. Nous nous arrêtons devant la porte, elle est sculptée très grossièrement, la poignée n'est qu'un vieux bout de bois rongé par les ans. Je n'ai pas le temps de voir plus à quoi elle ressemble car celle qui me tiens sors un trousseau de clé et en met une à l'aspect miteux dans la serrure, ouvre la porte et, en me poussant à l'intérieur me souffle de sa voix rocailleuse : Tu voulais passer la porte, et bien maintenant, tu l'a passé, et ce pour un bon bout de temps. La porte se referme sur ses paroles, la clé tourne dans la serrure, les ténèbres se referment sur moi.

Tout est noir.