Briser le silence.
La première fois que j'ai dit "je me sens seule", j'ai pleuré.
Comme si je venais de naître.
Comme si je voyais enfin les vrais couleur de ce monde.
Pour une fois, j'avais l'impression d'exister.
Comme si enfin, je me faisait entendre.
Au début, j'ai eu peur. Peur qu'on me juge, peur qu'on ne me prenne pas au sérieux.
Mais à la place... j'ai souri.
J'ai souri parce que j'était soulagé.
Soulagée d'avoir osé, soulagée de m'être libérée d'un poids trop lourd, celui que je portais seule depuis trop longtemps.
Et là, quelque chose d'inattendu s'est produit.
Julie m'a regardée, longtemps, sans rien dire.
Je croyais qu'elle cherchait ses mots. En réalité, elle cherchait son courage.
Puis, d'une voix à peine plus forte qu'un souffle, elle a dit : "Moi aussi, je me sens seule. Depuis des années."
Son regard s'est embué.
On aurait dit qu'elle attendait, elle aussi, qu'on lui donne le droit de poser ce mot à vois haute.
On est restées là, en silence. Mais ce silence-là n'était pas vide.
Il était rempli de reconnaissance, de soulagement, d'humanité.
Ce jour-là, j'ai compris quelque chose : parfois, il suffit q'une personne parle pour que les autres osent enfin se montrer.
La solitude, ce n'est pas toujours un mur.
Parfois, c'est un miroir.
Et quand deux reflets se croisent, ils deviennent présence.
Elle m'a raconté des choses qu'elle n'avait jamais dites.
Des repas entourée mais le coeur vide.
Des journées où elle souriait pour éviter les questions.
Des soirées où elle s'endormait en espérant que le lendemain soit un peu moins lourd.
J'écoutais en silence, cette fois. Pas par gêne, ni par manque de mots. Juste parce que j'avais compris.
Ce qu'elle disait, je l'avais vécu aussi.
Et pour la première fois depuis longtemps, je ne me sentais plus bizarre, ni faible.
JUste humaine.
On s'est parlé longtemps. Sans filtre. Il n'y avait ni jugement, ni pitié. Seulement deux personnes qui, dans leur solitude, s'étaient enfin trouvées.
Ce moment-là, je ne l'oublierai jamais. Ce n'était pas un grand boulversement extérieur.
La vie autour continuait comme d'habitude.
Mais en moi, quelque chose avait bougé.
Une porte s'était entrouverte.
Celle du lien.
Et même si tout n'allait pas mieux, même si je savais que d'autres jours sombres reviendraient...
Je n'était plus seule parmi eux.
Pas ce jour-là.
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