L'appel de l'oubli

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La lumière du cristal s’était atténuée, comme s’il dormait à présent. Pourtant, Naïa sentait toujours son battement. Pas un vrai rythme cardiaque, non — quelque chose de plus ancien, plus profond. Une pulsation enfouie dans la trame même de la réalité. Comme si ce fragment de pierre étrange et lumineux se souvenait d’un monde perdu, d’un temps où les étoiles parlaient.

Elle rampa silencieusement à travers le conduit d’aération. Derrière elle, les vibrations du drone de sécurité s’éloignaient enfin. Mais dans sa tête, un autre bourdonnement montait.

Depuis qu’elle avait touché le cristal, elle entendait… des choses. Des voix ? Des pensées ? Des souvenirs ?

Elle n’aurait su dire. Chaque son résonnait en elle comme une cloche frappée sous l’eau. Lointain, mais profond.

Elle atteignit l’interstice qui donnait sur la vieille zone technique, un endroit désaffecté depuis des années. Personne ne venait ici. Les conduits d’énergie étaient morts, les portes verrouillées ou rouillées, et l’air y était trop mince pour y rester longtemps.

Mais elle, elle connaissait une faille.

Elle glissa sa main dans une fente du panneau mural, et le mécanisme réagit avec un clic. Un passage discret s’ouvrit, et elle se faufila à l’intérieur.

Ce qu’elle ignorait, c’était que cette simple action — toucher ce panneau, avec le cristal sur elle — venait d’enclencher une réaction en chaîne.

Quelque part, dans les entrailles de la station, des systèmes oubliés depuis des siècles se réveillèrent.

Des circuits s’allumèrent.

Des bases de données cryptées s’ouvrirent, libérant des paquets d’informations à travers le réseau interne.

Et à plusieurs années-lumière de là, dans une balise d’écoute orbitale perdue au-dessus de la planète morte Kaelos IV, une alerte silencieuse s’afficha.

PROTOCOLE AELARI_∆001 : SIGNAL D'ÉVEIL REÇU

Et une silhouette, tapie dans l’ombre de son vaisseau, leva les yeux.

Naïa atteignit la salle d’entretien et s’effondra contre un vieux générateur hors service. Elle retira son casque, essuya la sueur de son front, puis sortit le cristal.

Il ne brillait plus. Mais elle sentait qu’il était présent.

Elle le retourna doucement dans sa main. Aucune interface. Aucune inscription. Juste cette forme cristalline, lisse et parfaite, aux angles géométriques… trop précis pour être naturels.

Elle se leva, s’approcha d’un ancien terminal à demi désossé. Le système ne fonctionnait plus depuis longtemps, mais peut-être…

Elle ouvrit le panneau arrière, rebrancha les câbles à une source auxiliaire. Un écran grésilla. Quelques lignes de code clignotèrent, puis s’affichèrent en langage ancien.

Accès restreint : Authentification requise.

Elle sursauta. C’était impossible. Ces terminaux n’étaient plus connectés à aucun réseau.

Elle posa le cristal sur le clavier. L’écran clignota, puis changea.

Bienvenue, Héritière.

Et là, une avalanche de données s’afficha.

Images. Schémas. Cartes d’étoiles. Des noms. Des planètes. Des codes. Et surtout… un mot qui revint encore et encore, comme un leitmotiv :

Aelari.

Naïa recula lentement. Elle connaissait ce mot. Tout le monde le connaissait. C'était un mythe, une légende racontée dans les recoins oubliés des stations spatiales : celle d'une civilisation disparue, qui aurait existé bien avant l'expansion humaine dans les étoiles. Les Aelari.

On disait qu’ils avaient appris à parler aux planètes. À voyager sans vaisseaux. À stocker le savoir dans la lumière.

Mais ce n’était que des contes… n’est-ce pas ?

Alors pourquoi le terminal répondait-il à elle ? Pourquoi ce cristal, tombé de la roche comme un fruit mûr, projetait-il des cartes impossibles ?

Elle ferma les yeux. Sa tête bourdonnait.

Et soudain, elle vit.

Pas avec ses yeux. Mais dans son esprit.

Elle vit une salle immense, toute en pierre noire et lumière bleue. Un trône vide. Des silhouettes sans visages. Et au centre de tout… un œil.

Pas un œil de chair. Un œil d’énergie. Vivant. Qui la regardait.

Elle sursauta, haletante, et rouvrit les yeux.

Une alarme s’était déclenchée dans la station. Pas une alarme d’incendie, ni de dépressurisation. Une alarme silencieuse. Rare. Dangereuse.

Un code noir.

C’était impossible.

Sauf si quelqu’un — ou quelque chose — avait détecté une technologie classée antique, instable ou interdite.

Le cristal.

Naïa rangea l’objet, ferma le terminal et s’éclipsa. Si on la trouvait ici avec ça, elle ne disparaîtrait pas dans une cellule — elle disparaîtrait tout court.

Ce qu’elle ignorait, c’est qu’à cet instant précis, une capsule noire venait d’être lancée depuis un vaisseau inconnu, en orbite basse au-dessus de la planète.

Et dans son sillage, le Voile Sombre, une organisation que seuls les espions de l’Assemblée Galactique connaissaient vraiment, venait de réactiver un fichier dormant.

Nom identifié : Naïa Kael. Statut : Héritière potentielle. Mission : récupérer ou éliminer.

Et pendant ce temps, au fond de la station, quelque chose s’éveillait.

Un battement.

Une conscience.

Quelque chose d’ancien. De vaste. De patient.

Et qui venait enfin de la reconnaître.

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