CHAPITRE 5 : Ce n’était pas prévu
— ou comment l’indépendance peut bégayer sans s’effondrer.
Il faut qu’on parle.
Pas de lui, ni d’eux, ni d’un ex toxique qui t’a laissé des blessures en forme de notifications lues.
Non.
Il faut qu’on parle de ce moment où tu commences à reconsidérer tes propres règles.
Symptôme 1 : Tu vérifies ton téléphone (sans vouloir te l’avouer)
Pas pour un match Tinder.
Pas pour un “t’as snap ?” hasardeux.
Mais pour voir si Naé t’a répondu.
Tu regardes l’écran comme on regarde le ciel quand on espère une étoile filante :
pas besoin, mais un peu quand même.
Symptôme 2 : Tu repenses à vos conversations en boucle
T’essaies de rejouer ce que Naé t’a dit à propos des cheveux bleus de sa petite sœur, ou de ce livre bizarre qu’iel lit sur les constellations et les fantômes.
Tu t’es surprise à sourire en y repensant. Deux fois.
Tu dis que t'es "juste curieuse".
Tu mens. (Mais c’est mignon.)
Symptôme 3 : Tu commences à écrire des trucs que t’oses pas relire
Des notes sur ton téléphone.
Des bouts de phrases qui parlent de ils, iels, elles — sans pronoms clairs, juste du flou lumineux.
Des tentatives de décrire ce que ça fait de ressentir quelque chose que tu pensais avoir désintégré à coups de cynisme chic.
Et tu penses :
Mais merde.
J’étais bien.
J’étais forte.
J’étais libre.
Et une petite voix répond dans ta tête :
Tu peux être tout ça. Et tomber quand même.
Tu peux être féministe, féroce, et fondre un peu quand Naé te touche l’épaule pour rigoler.
Tu peux survivre à la romance.
Et aimer, sans te trahir.
Ce n’est plus un guide.
C’est un glitch dans le programme.
Une faille dans la mutinerie.
Un interlude permanent.
Mais peut-être que tomber, ça peut être une extension de ton pouvoir.
Pas une perte. Pas une faiblesse.
Juste un tremblement.
Et si tu tombes, cette fois, c’est pas dans un piège.
C’est dans quelque chose qui pousse.
Ce chapitre n'était pas prévu. Mais Naé non plus.
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