Chapitre 21

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Ace était aussi raide qu'une statue de marbre. Tyler avait décidé de monter derrière avec lui, les forçant à s'entasser sur la banquette arrière. Sa carrure avait déjà dû mal entrer dans l’habitacle, alors avec celle du blond à ses côtés, ils n'avaient pas beaucoup de place.

Surtout, à chaque virage que le chauffeur, Georges, prenait de sa conduite, l'entraînait vers Tyler. Leurs cuisses se touchaient à chaque fois. Ace n'aimait pas le contact, surtout lorsqu'il était léger ou emprunt de sentiments peu tactile pour un sou et il devait réfréner l'envie de décaler sa jambe à chaque fois. Non par parce que ce simple toucher le rebutait, mais parce qu'il... l’électrisait. Son cœur battait plus fort à chaque fois que son genou entrait en collision. Il ne pouvait pas s'empêcher de jeter un regard vers son camarade, se maudissant de ne pas réussir à masquer son embarras et en ayant peur de croiser le bleu de ses yeux. Alors, il essayait le moins possible de bouger.

Il essayait bien de détourner le regard sur le paysage qui défilait devant la vitre. Mais son cerveau, le traître, resté fixé sur l'homme à côté de lui. Il ne pouvait pas s'empêcher de repenser à ce matin. Tyler lui avait ouvert en caleçon. Pire encore, le blondinet n'avait pas été à son avantage, avec sa tête du matin. Et pourtant, ses yeux bouffis et égarés lui avaient donné un air attendrissant, ses cheveux ébouriffés l'avait fait sourire – il avait réussi à le cacher tant bien que mal. Mais il savait qu'il n'avait pas pu camoufler son regard qui avait dévié sur le torse à la peau claire, à ses abdominaux à peine dessinés, et à la ligne de poils blonds qui descendaient...

Mierda.

Il décrocha son regard de la fenêtre, évita précautionneusement le profil de Tyler pour le poser sur un point imaginaire entre les deux sièges de devant. Combien de temps restait-il avant d'arriver en ville ?

Lorsqu'enfin Georges se gara sur le bas-côté, Ace sauta presque en dehors de la voiture, il fit quelques pas supplémentaires pour être sûr de mettre assez de distance. Il attendit que Tyler finisse de donner ses instructions au chauffeur pour le retour pour marcher en direction du centre-ville. Tandis qu'ils passaient devant les premières vitrines, il se demanda si Tyler avait fait exprès de l'emmener ici, en sachant que les prix étaient abordables pour lui. Il se doutait bien que lui, n'allait pas ici.

Il s'aperçut que le blond marchait trois pas devant lui et franchit la distance qui les séparait. Tyler lui sourit avant de détourner la tête.

— Oh, entrons ici !

Il se précipita vers l'entrée du magasin, obligeant Ace à le suivre sans qu'il ne puisse protester. Aussitôt, il se mit à farfouiller dans les rayons. Il en sortit une chemise et la tendit à Ace, dont le regard dégoûté parcourut le pauvre vêtement. Il retrouva sa place entre une chemise encore plus laide et un t-shirt du même goût.

— J'ai compris, va.

Deux minutes, plus tard, il étaient sortis. Tyler se plaignit qu'ils n'allaient rien trouver pour Ace, ce dernier prétextant qu'il n'avait pas besoin d'habits. Son camarade lui jeta un regard suspicieux, évoquant son armoire presque vide qu'il avait vu quand il était allé chez lui. L'Espagnol sauta sur l'occasion pour parler de la fois où il s'était rendu à son appartement et qu'il s'était trouvé nez-à-nez avec Andreï. Les joues de Tyler s'échauffèrent, il confia que le Russe l'avait intimidé. Ace éclata de rire, n'arrivant pas à imaginer son meilleur-ami le regard noir et les lèvres retroussés. Tyler s'enfuit dans un magasin, Ace sur ses talons, ricanant dans sa barbe.

— Je te verrais bien porter ça, s'écria-t-il.

Il lui montra un t-shirt où il était inscrit en lettres d'or « « Si tu veux savoir ce que ça fait de frôler la perfection, passe à côté de moi ! ».

Tyler leva les yeux au ciel, un « pff » vexé franchissant ses lèvres. Il finit par dégoter une chemise noire élégante et un jean qu'il s'empressa d'essayer. Il se pavana devant Ace, lui demandant son avis.

— Tu es aussi inutile qu'un bigornot, s'exaspéra Tyler devant le peu d'entrain de son ami.

Le brun leva un sourcil devant la comparaison.

— Pourquoi toujours rechercher l'approbation des autres ? Mon avis importe peu, du moment que toi, tu aimes.

— Les avis des autres nous importent si on souhaite leur plaire.

Ace haussa les épaules.

— Les habits n'altèrent en rien la beauté des personnes qui les portent. Elles les subliment mais en aucun cas ils peuvent l'enlaidir.

Tyler eut un sourire énigmatique.

— Alors je la prends, cette chemise.

Il referma le rideau. Un mouvement à la périphérie de la vision, attira Ace. Il détourna immédiatement les yeux lorsqu'il vit le reflet de Tyler dans le miroir. Mais il ne put s'en empêcher longtemps et son cœur balança dans sa poitrine tandis qu'il épiait le blond se changeait. Un sursaut de bienséance le poussa à s'éloigner lorsqu'il passa au pantalon.

Lorsque son ami sortit de la cabine, il soupira, prenant soin d'éviter le regard de son ami.

— Regarde ce collier de perles, s'exclama Tyler lorsqu'ils se rendirent à la caisse. J'aime beaucoup et il irait bien avec ma chemise.

— Mais c'est un collier pour les femmes, hésita Ace, embarrassé.

Tyler le regarda, étonné.

— Quoi ? Et alors, ça fait quoi ?

Il le passa à son cou essaya et s'admira dans le petit miroir.

— En plus, il me va bien.

Ace s'agita, soudain mal à l'aise. Arborer un collier pour femmes, il trouvait ça... étrange. Pourquoi Tyler avait envie d'acheter ça ?

— Tu veux le prendre?

— Ben oui, pourquoi pas ? Ce n'est pas toi qui m'a fait tout un discours sur le fait que personne n'a à avoir d'avis à donner sur ce qu'on porte ?

Il abdiqua, devant le regard scrutateur de Tyler.

— D'accord, tu fais ce que tu veux. Ne t'énerve pas.

— Je ne suis pas énervé, rétorqua-t-il en lui faisant un clin d'œil.

Une fois les achats payés – Ace ricana devant la carte gold – il se remirent en route. Pas pour longtemps, Tyler repéra une boutique dont il soupçonnait que le style allait plaire à son ami patibulaire. Comme pour lui donner raison, l'Espagnol ronchonna mais le suivit.

Ace fit un repérage des lieux, tout en dissimulant le fait que le blond avait vu juste. Il repéra plusieurs broutilles qui pourraient l'intéresser mais il n'avait besoin de rien. Son attention fut attirée par une veste en cuir sombre, cela n'échappa pas à l'attention de Tyler. Il le poussa à l'essayer et il n'en fut pas déçu : elle lui allait comme un gant, épousant parfaitement ses épaules larges. Le brun passa ses doigts sur la matière douce. Il se regarda quelqu'un instants, avant de soupirer. Il enleva la veste.

— Elle est chère.

— Mais elle te va tellement bien ! protesta Tyler.

— J'ai un loyer à payer à la fin du mois.

Sa voix avait été plus dure qu'il ne le voulait.

— Elle est jolie, mais je ne peux pas, se radoucit-il.

Son ami fit une petite moue et hocha la tête. Il reposa la veste à contre-cœur. Il allait le regretter, mais il n'avait pas le choix. La bourse qu'il avait décrochée suffisait tout juste à payer sa part du loyer, quand bien même son père l'aidait autant qu'il le pouvait. Son boulot à la Jouvay lui permettait de boucler les fins de mois, et accessoirement, de ne pas mourir de faim. S'il achetait cette veste, il allait devoir se restreindre pour les prochains mois. Il devait respecter ses priorités.

Il s'apprêtait à sortir lorsqu'il sentit quelque chose s'enfoncer sur sa tête. Il sursauta et se retourna vivement pour se retrouver nez-à-nez à un Tyler les eux pétillants de malice.

— Ça te fait une tête de bébé, t'es trop mignon !

Il fronça les sourcils de dégoût devant le compliment mais une douce chaleur se diffusa dans son corps. Le blond l'entraîna devant un miroir. Il lui avait enfilé un bonnet marron sur la tête, du même style que celui qu'il portait la dernière fois, à la bibliothèque.

— J'étais sûr qu'ils en vendaient ici.

Ace plissa les yeux et réajusta le bonnet. Une petite mèche capricieuse en faisait qu'à sa tête et ne cessait d'en sortir.

— La petite bouille d'ange qu'il te donne contraste avec ton côté terrifiant, rit Tyler en roulant exagérément le « r » sous sa langue.

Il chassa les mains d'Ace pour le remettre correctement. Leurs doigts se frôlèrent, pas suffisamment pour qu'un contact s'établisse mais assez pour qu'Ace le remarque.

— Il coûte combien ?

Il lui allait bien, finalement.

— Je te l'offre ! À défaut de ta veste, tu auras au moins un bonnet pour cet hiver

Ace refusa aussitôt. Il n'aimait pas recevoir de cadeaux, encore moins de lui ; il se sentit soudain rabaissé. Tyler pouvait s'offrir des folies sur un simple coup de tête, mais lui ne pouvait pas.

— Tu n'as pas à m'acheter quoi que ce soit...

— Arrête donc, j'aime faire plaisir à mes amis. Ce n'est pas comme si dix dollars représentaient beaucoup pour moi.

Le regard qu'il lui jeta mit mal à l'aise Ace. Il avait retourné ses armes contre lui. Tyler lui enleva le couvre-chef en faisant attention de ne pas lui tirer les cheveux alla faire la queue. Têtu comme il était, c'était perdu d'avance. Il n'avait pas envie de commencer une guéguerre en plein milieu du magasin. Peut-être aussi qu'une part de lui voulait le laisser faire.

À peine les portes du magasin franchies que Tyler arracha l'étiquette du bonnet et se plaça devant Ace pour le couvrir sans lui laisser le temps de protester.

— Il te va vraiment bien. Bien plus qu'à moi.

— Non, le tien te va mieux.

Il sentit son visage s'échauffer lorsque Tyler le scruta, mi-étonné, mi-taquin. Bon sang, il ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait, d'ordinaire, il ne ressentait jamais d'embarras avec les autres, c'étaient plutôt eux qui détournaient le regard. Il faut dire qu'il ne faisait jamais de gaffes, Tyler avait le don pour le déstabiliser.

— Comment tu sais que... ?

— Tu as mis un bonnet quand t'es venu la dernière fois à la bibliothèque, répondit-il avec un geste évasif. Je m'en souviens, c'est tout.

Il préféra se taire avant de se ridiculiser encore plus. Il ne savait pas pourquoi il se rappelait de ce détail. Soudain, il s'aperçut qu'il avait retenu plus d'une fois ses tenues.

— Bon, on y va ?

Il se détourna pour clore le sujet. Il sentit le regard du blond dans son dos tandis qu'il s'éloignait. Il préféra ne pas savoir ce à quoi il pensait.

Ils divaguèrent encore quelque temps dans la ville, s'éloignant de l'avenue commerçante. Puis lorsque la lumière commença à décroître, signe que le soleil entamait sa descente dans le ciel, ils décidèrent de rentrer. Mais lorsque Tyler appela Georges pour qu'il vienne les chercher, la pluie commença à tomber. Le crachin grossit rapidement, pour se transformer en lourdes gouttes qui s'abbatirent sur le bitume dans un vacarme assourdissant. Très vite, le tonnerre gronda dans le ciel, obligeant les deux amis à courir pour se mettre à l'abri sous un renfoncement d'un immeuble.

— Lluvia de mierda, marmonna Ace.

Pluie de merde.

— On ne va pas se laisser manger le moral une petite pluie ! s'écria Tyler. Qu'est-ce que tu dis de dîner à la maison ?

Ace lui jeta un regard. Il était sincère. Certes, la journée n'avait pas été trop mal, après tout, ils avaient réussi à ne pas s'entretuer mais il ne fallait pas tenter le diable plus longtemps.

— Il faut que je rentre chez moi, Andreï doit m'attendre et j'ai un peu de trajet à faire.

— Bien sûr, Andreï n'est pas capable de passer une soirée tout seul ? Je doute qu'il aime jouer au papa-poule et à t'empêcher de sortir. Et puis, ça lui fera une soirée en paix..

Ace savait qu'il avait raison. Andreï l'avait poussé à se réconcilier avec Tyler, et l'Espagnol savait qu'il aimerait un peu de calme pour travailler sur son projet de fin de semestre.

— Tu es tout le temps comme ça ? demanda-t-il.

— Comment quoi ?

— Sûr de toi et à avoir toujours raison ?

— Pas toujours, mais presque, rectifia Tyler, pensif.

Puis il adressa un sourire étincelant à Ace, savourant déjà sa victoire. Des gouttes dévalaient ses cheveux blonds qui avaient foncés sous l'effet de la pluie, certaines étaient emprisonnées dans ses cils, faisant briller ses yeux bleus. Le brun soupira en secouant la tête pour cacher son trouble.

Prostrés et trempés dans leurs habits, ils attendirent en silence Georges.

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